Après le succès de la manifestation des antis le 13 janvier, la pluie ne devrait pas favoriser les partisans du « mariage pour tous », d’autant moins mobilisés que les politiques leurs assurent que la loi passera. A signaler la contribution d’une sociologue qui pose enfin le problème dans le bon sens. Trop tard sans doute !
Dimanche dernier, je me suis retrouvé à la messe derrière deux femmes de 45/ 50 ans entourant un garçon de 8/10 ans : un couple de lesbiennes dont l’une des membres a pu adopter en tant que célibataire. Il y avait certainement dans l’assemblée des personnes ayant manifesté contre le mariage gay la semaine précédente, et d’autres qui au contraire sont favorables à la loi. Et probablement un certain nombre de chrétiens qui ont compris que la question ne pouvait être traitée avec simplisme à l’image d’une de mes amies venue saluer le couple car le fils est en classe avec l’un des siens.
J’ai déjà abordé ce sujet plusieurs fois, et mes lecteurs ont sans doute compris que je ne pouvais avoir une opinion tranchée, que je trouvais le problème mal posé mais que je donnais tort à la place que prend l’Eglise comme institution dans le débat, avec un discours donnant une fois de plus la priorité aux interdits quand l’Evangile ne parle que de Bonne Nouvelle, d’espérance et de pardon. Ma femme est plus directe en disant que sur le sexe, l’église est parano !
C’est donc avec beaucoup de plaisir que j’ai lu dans la page « débats « du Monde, le point de vue de Nathalie Heinich, une sociologue directrice de recherche au CNRS, intitulé « Mariage Gay : halte aux sophismes ». Le Monde.fr ne publiant pas cet article ayant fini par publier cet article ceux qui ont de bons yeux (ou une fonction zoom qui marche) pourront peut-être le lire ici.
La lecture de l’article peut donner au lecteur pressé l’impression que la sociologue est du même avis que ceux qui manifestaient contre le 13 janvier. Une lecture attentive montre qu’il n’en est rien comme le prouve la conclusion : le refus du déni sur la parenté biologique, l’obligation d’offrir à tout enfant une filiation symbolique ne reposant pas sur le déni ou le secret et la latitude donnée à tout citoyen d’élever un enfant quelque soit sa sexualité : voilà qui devrait conférer un socle de réflexion moins discutable que le sont les nombreux sophismes entendus sur cette question délicate.
Il n’est pas question de recopier ici cet article remarquable. Citons quelques mots des huit points relevés comme autant de sophismes :
- L’expression « mariage pour tous » est impropre »
- L’opposition au « mariage homosexuel ne peut être réduite à de l’homophobie, même si celle-ci existe chez certains opposants
- Le mariage n’est pas institution reconnaissant une « communauté de vie »
- Parler de mariage sans parler de filiation revient à donner à l’Etat un droit de regard sur la sexualité !
- La notion d’égalité ne peut s’exercer que sur les droits civiques : sur les droits sociaux, la société recherche l’équité. Le « droit à l’enfant n’existe évidemment pas
- Sur la parentalité, la problématique pour les homosexuels tient de leur sexualité, pas d’une discrimination. Leur créer un droit sur ce sujet en utilisant les techniques modernes mériterait un réel débat et des arguments sérieux !
- La question du mariage est en fait celle de la filiation. Le secret ou le déni de l’ascendance réelle des enfants feraient courir à ceux-ci un risque important de troubles à l’âge adulte. Cette question mériterait une réponse claire
- Il est faux d’affirmer comme certains opposants que la filiation par un père ou une mère est « naturelle »
La sociologue propose de distinguer trois formes de parenté : biologique, symbolique (par l’état civil) et éducative.
J’avais noté dans un article pour m’en scandaliser, cette remarque d’un défenseur du projet de loi écrivant qu’il a deux petits enfants « issus de la relation homosexuelle d’une de ses filles ». Je ne peux que rejoindre Nathalie Heinich pour dire que ce type de déni est dangereux pour les enfants. Par contre, il faut noter que la manière dont on en parle à l’enfant est de fait de la responsabilité de son entourage et donc d’abord de ses parents éducatifs. La loi n’y pourra pas grand-chose.
En sous-titre, la sociologue écrit que « l’enjeu essentiel de la filiation est occulté ». En fait le mariage homosexuel aurait du être un des sujets traités dans la loi sur la famille, avec notamment aussi celle de la reconnaissance de la parenté éducative des nouveaux conjoints après un divorce, sujet important et lui aussi compliqué.
En repoussant la question de la PMA, le gouvernement a refusé de traiter sérieusement le sujet, sachant que personne n’ose parler de GPA, alors que c’est le seul moyen d’assurer l’égalité entre gays et lesbiennes si on pose la question en termes de discriminations, comme absurdement on le fait actuellement.
Un peu de provocation pour finir : s’il s’agit de reconnaître la réalité de l’existence d’enfants chez certains couples homosexuels, je rappellerai que 20% des enfants vivent dans des familles monoparentales et que dans 15% de ces cas, le père et la mère n’ont jamais cohabité, que cette situation résulte d’un imprévu ou du choix de la mère. Il y a donc bien plus d’enfants dans cette situation que ceux élevés par un couple homosexuel. Faut-il donner aux mères concernées le droit de se marier avec elles-mêmes pour reconnaitre la réalité et ne plus faire de discriminations ?
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