Prisonniers de leur idéologie ultralibérale et attachés à des principes d’orthodoxie budgétaire complétement dépassés, les dirigeants européens auront tout fait pour empêcher l’aboutissement d’une négociation avec des responsables grecs qui luttaient pour la dignité de leur peuple, propulsé dans la misère par les actions imposées par ces mêmes dirigeants européens.
La manière dont la dette grecque s’est constituée et les conditions mises à cette dette montrent à quel point les européens n’ont jamais vraiment voulu de la démocratie grecque. Après son adhésion en 1981, la Grèce a bénéficié des fonds européens offerts aux pays ayant un revenu par tête inférieur à la moyenne. Les fonds versés jusqu’en 2010 représentaient environ 80 milliards d’euros, soit chaque année à peu près 1% du PIB grec et une somme très faible au vu du budget de ce fonds ( 351 milliards d’euros de 2014 à 2020). L’arrivée des pays de l’Est au sein de l’UE a constitué un premier coup de poignard dans le dos pour les Grecs, puisqu’elle se traduisait par l’entrée de pays plus pauvres que la Grèce, donc concurrents pour l’utilisation des fonds d’une part, et peu enclins à la mansuétude vis-à-vis des Grecs au regard de leurs propres efforts d’autre part (la Slovaquie ou la Lituanie ne sont guère tendre envers le ministre des finances grec).
Pour pouvoir entrer dans la zone euro, la Grèce a du faire des efforts considérables pour faire baisser son déficit public en dessous de 3 %. Certes, cela lui a donné accès ensuite à des crédits très bon marché, mais cela a constitué un piège redoutable : avec une augmentation des salaires et des prix beaucoup plus rapide que dans le reste de l’UE et l’impossibilité de dévaluer, la compétitivité grecque durement acquise dans les années 90 a fondu. Du coup, les Grecs ont dû fortement baisser les salaires et les pensions après la crise de 2009.
Au moment de la crise de 2009/ 2010, quand il est devenu évident pour tous que le déficit public atteignait des niveaux insupportables, les taux d’intérêts ont monté pour dépasser 10 et parfois 20 %. Au lieu de laisser les Grecs gérer cette difficulté à leur manière, les pays européens et le FMI se sont alors substitués aux prêteurs privés qui étaient aux abonnés absents. Au point que sur les 312 milliards d’euros de la dette à fin mars 2015, 210 ont été fournis par l’UE, la BCE ou les pays membres de l’UE.
La duplicité des dirigeants européens est également manifeste ici : ils parlent de plan d’aide alors qu’il s’agit de prêts et qu’il était manifeste que le pays ne pourrait rembourser de telles sommes.
Sachant que le remboursement de tels prêts ne pourrait qu’étrangler la Grèce, l’UE a pris des mesures pour éviter que la vérité éclate : les taux d’intérêts sont faibles (en moyenne, le taux que paie la Grèce est de 2.36%, à peu près comme l’Allemagne). Quand on sait qu’à la Bourse d’Athènes, les taux d’intérêts des prêts privés à l’État sont passés de 10.5% à 14 % ces jours ci, on mesure à quel point les taux d’intérêts pratiqués par l’Europe sont bas.
Pour faire bonne mesure, les remboursements sont sensés se répartir jusqu’en 2054 ! La maturité moyenne est de 16 ans (à comparer avec les 7 ans de celle de la France). Et 180 milliards de la dette vis-à-vis de l’UE ou de ses membres font l’objet d’un moratoire, c’est-à-dire qu’Athènes ne paiera ni capital ni intérêt d’ici 2023. La manipulation ne trompe personne : il s’agit de laisser à la Grèce l’illusion de la facilité pour mieux l’étrangler plus tard.
Enfin, la BCE prête de l’argent aux banques grecques, selon une procédure d’urgence dont l’acronyme est ELA. Le plafond fixé pour ces prêts était de 60 milliards d’euros début février et il a été progressivement monté à près de 90 milliards d’euros fin juin, pour compenser les retraits faits sur les comptes clients. En fournissant aux banques grecques les 30 milliards sortis en moins de 6 mois, la BCE favorise et se fait complice de fait du comportement incivique de certains entreprises ou citoyens grecs !
Au regard de tous ces comportements, n’est-il pas légitime pour les citoyens grecs de dire aux dirigeants européens : cela suffit ?
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