L’INSEE a publié le 25 octobre les données sur les taux de chômage trimestriels par bassins d’emploi depuis 10 ans, données qui viennent compléter le rapport de l’IGAS sur les politiques territoriales de l’emploi dont j’ai rendu compte début novembre. L’analyse des données révèle des éléments de stabilité et de mouvement, en lien avec les facteurs démographiques.
Les données concernent 304 bassins d’emploi en métropole et 17 hors métropole, dont il ne sera rien dit ici. Elles commencent au premier trimestre 2003.
A l’époque, les cinq bassins dont le taux de chômage est le plus faible (de 4% à 4.5%) sont dans l’ordre Les Herbiers (Vendée), Loudéac (Côtes d’Armor), Vitré (Ile et Vilaine), Tulle(Corrèze) et Rodez (Aveyron). Début 2008, ces cinq bassins sont toujours dans les 7 premiers au classement, les places ayant légèrement changé (mais les Herbiers restent en tête) et les bassins de Morteau (Doubs) et d’Houdan (Yvelines) s’étant intercalés aux deuxième et troisième place. Les taux de chômage sont très bas avant la crise dans ces zones : entre 3.1% et 3.9% !
Au deuxième trimestre 2013, les taux de chômage sont évidemment en hausse (sur 10 ans, un seul bassin, celui de Sartène a vu son taux baisser, et de 0.1% seulement). C’est Houdan qui est maintenant l ;e mieux classé, grâce à une hausse limitée à 0.2% seulement sur 10 ans. Deux autres bassins des Yvelines (Rambouillet et Plaisir) sont dans les 10 premiers. Nos 5 premiers de 2003 sont respectivement aux 2ème, 23ème, 5ème, 12ème et 9ème places. Globalement, c’est donc plutôt une certaine stabilité qu’on observe sur la durée, du moins dans les classements : les taux de chômage, eux, se situent entre 5.9% et 7.6%, nettement moins bien qu’il y a 5 ans.
Début 2003, les cinq bassins ayant les taux de chômage les plus élevés (de 13.6% à 16.2%) sont, à partir du moins bien classé, Sète, Lens Hénin, Alès, Agde Pézenas et Maubeuge. Début 2008, quatre de ces bassins sont toujours dans les 7 dernières places. Le bassin de Maubeuge a lui gagné 9 places. Calais et la Thiérache (Pas de Calais et Nord) occupent la dernière et l’avant dernière place. La Région Nord Pas de Calais compte 8 des 14 bassins les moins bien classés. Les taux de chômage des 5 derniers se situent entre 14,5% et 16,4 % : ils ont un peu empirés en 5 ans, contrairement aux résultats des premiers de classe.
Au deuxième trimestre 2013, nos 5 derniers de 2003 sont toujours parmi les 8 derniers, avec des taux de chômage compris entre 16.4% pour Maubeuge et 17.9% pour Agde Pézenas. Une grande stabilité dans le classement donc.
Et pourtant, il y a des évolutions que l’on peut observer en classant cette fois les bassins selon la variation de leur taux de chômage entre 2003 et 2013. Comme déjà signalé, Sartène est le seul bassin dont le taux baisse. Un autre bassin corse a un taux stable, celui de Corte. Cette apparente stabilité sur la durée cache une régression marquée du chômage entre 2003 et 2008 (-3% pour Sartène=) compensée par une hausse quasi identique ensuite. Tous les autres bassins voient leur taux de chômage augmenter, entre 0.1 % et 6.3%. La Corse a deux autres bassins (Ajaccio et Calvi) dans les bons élèves, Toulon, Aix en Provence, Houdan, Paris, Cherbourg et Mauriac complétant les 10 premiers.
Les dix derniers n’ont guère profité des 5 années de 2003 à 2008 mais ont pris plein pot la crise depuis. Sur 10 ans leur taux de chômage s’accroit de 4.6% (pour Belfort) à 6.3% pour Gien. On trouve aussi dans la liste St Dié, Foix, Laon, Carcassonne, la vallée de l’Arve, Limoux, Calais et Montargis.
Le bassin de Gien avait une très correcte 45ème place en 2003 : il est maintenant à la 229ème. L’ACOSS, caisse nationale des URSSAF fournit des données précises sur l’emploi privé depuis 2008. Pour le bassin de Gien, l’emploi total du périmètre des URSSAF (le régime général, donc à l’exclusion des fonctionnaires mais aussi d’autres régimes particuliers) est passé de 21 511 en 2008 à 20 016 au deuxième trimestre 2013, soit un recul de 7,1% du volume d’emploi. Sur la même période et le même périmètre, l’emploi total en France est passé de 18 305 611 à 17 878 587, soit une baisse de 2.3%.
Dans le même temps, le bassin de Toulouse a vu ses emplois sur le même périmètre passer de 411 103 à 435 600 soit un gain de 6% (en partie par l’effet d’Airbus sans doute) . Pourtant il n’est pas spécialement bien placé, à la 186ème place avec 10.8% en 2013 et une hausse du chômage de 3.2% sur la même période : c’est que Toulouse attire une population venant d’autres régions limitrophes, par exemple de Rodez dont la 9ème place au classement se conjugue avec un passage du nombre d’emplois de 42 201 en 2008 à 40 259 en 2013 !
On peut faire la même analyse sur quelques-uns de nos premiers et derniers de 2003.
L’emploi du bassin des Herbiers est ainsi passé de 21 963 à 21 823. Le bassin de Houdan n’apparait pas dans les données ACOSS, mais celui de Saclay voit son nombre d’emplois passer de 413 744 à 412 359 (une quasi-stabilité) et celui de Paris de 2 887 622 à 2 874 227 (également une stabilité).
Pour ce qui est des derniers, Lens Hénin voit son volume d’emploi passer de 82 715 à 79 630 soit un recul de 3.6%. Pour Calais, le volume passe de 37 145 à 33 745, un recul de plus de 9%. Dans les deux cas, on a des régions qui se dépeuplent.
Regardons a contrario les bassins du sud, qui se situent dans des régions qui voient accourir les retraités et ceux qui pensent qu’il vaut mieux tant qu’à être pauvre, l’être au soleil. Sète et Agde voient leurs emplois varier fortement selon la saison et sont donc peu représentatifs. Mais Béziers, qui se situe aussi dans les tous derniers du classement par taux de chômage (16.2% en 2013), a pourtant vu son nombre d’emplois passer de 44 313 au deuxième trimestre 2008 (pour gommer l’aspect saisonnier) à 43 483 en 2013, soit une baisse du même ordre que celui de l’ensemble du pays.
Au passage, on aura remarqué la grande différence de volume d’emploi selon les bassins. La moyenne (sur le périmètre URSAFF encore) se situe à 60 000 emplois environ. Citons donc les treize bassins les mieux pourvus en volume d’emploi, à plus de 200 000 : Paris d’abord donc, Lyon (655 299), Toulouse, Roissy (à cheval sur l’Ile de France et la Picardie, 413 507), Saclay, Marseille (382 288), Nantes (322 512), Bordeaux (366 090), Lille (288 122), Grenoble (236 440), Rennes (228 736), Rouen (220 270), Strasbourg (207 698).
Ces treize bassins regroupent ensemble plus de 7 millions d’emplois, soit près de 40% du total. Il y a derrière 24 bassins qui comptent entre 100 et 200 000 emplois, ce qui doit faire un peu moins de 20% du total français : les 267 autres bassins comptent donc ensemble à peu près le même volume que les 13 premiers. C’est dire si ce sont les grandes métropoles qui tirent l’économie, comme le faisait remarquer Laurent Davezies ! De 2008 à 2013, l’emploi dans les treize plus gros bassins passe de 7 046 903 à 7 043 148, un baisse inférieur à 0.1% quand la métropole voit ses emplois reculer de 2.3% On peut même calculer que le recul sur le total des 291 autres bassins est de 3.7% Un écart énorme entre les deux entités sur une période aussi courte finalement.
Le fait qu’il y ait dans tel coin de la Vendée, de l’Ile et Vilaine ou de l’Aveyron des zones qui conservent sur la durée un faible taux de chômage ne change rien au fait que ce sont les grande métropoles qui font aujourd’hui la dynamique économiques, ces quelques zones étant de fait marginales sur le total de l’emploi. C’est ce qui se passe à Roissy, Toulouse ou Saclay qu’il faut regarder, pour trouver des idées à développer, c’est de la situation de recul de Grenoble qu’il faut s’inquiéter.
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