Les manifestations en Bretagne nous rappellent que les situations de l’emploi et leur évolution varient selon les territoires, selon des logiques infra départementales. Un rapport de l’IGAS paru cet été donne des cartes détaillées de ces situations et évolutions qui illustrent les propos de Laurent Davezies dans « la crise qui vient ».
Le rapport sur l’évaluation de la politique territoriale de l’emploi étudie comment les politiques de l’emploi peuvent être adaptées aux spécificités territoriales. Sans vouloir résumer en quelques mots un rapport de près de 200 pages, on retiendra ici deux idées :
D’abord le montant des dépenses : prises au sens large, c'est-à-dire en comptant aussi bien les indemnités versées aux demandeurs d’emploi que les exonérations de charge visant à favoriser l’emploi en général ou de certaines catégories, les actions menées par l’Etat, pôle emploi ou les territoires représentent 160 milliards d’euros, un montant considérable puisqu’il représente 8 % du PIB.
Ensuite le nombre de dispositifs différents : 160 ont été identifiés, mais cela ne représente qu’une partie de l’ensemble. On comprend que les auteurs puissent dire que les acteurs de terrain sont dans l’impossibilité de connaître tous les dispositifs.
Le rapport comporte à partir de la page 110 toute une série de cartes montrant l’évolution de la population et de l’emploi.
La première carte page 110 concerne l’évolution de la population entre 1999 et 2009, avec des zones ayant connu une progression d’au moins 1% par an de la population et à l’autre bout des zones où cette évolution annuelle a été inférieure à 0.1%. Sur la période, la population des premières zones a donc augmenté d’au moins 10 % alors que celle des secondes n’a pas progressé de 1% au total.
Les zones à la plus faible dynamique démographique regroupent une bonne partie de la région Nord Pas-de-Calais, le nord de la Picardie, les régions Champagne-Ardennes et Lorraine, le nord de la Franche-Comté, une bonne partie de la Bourgogne (à l’exception du nord de l’Yonne proche de l’ile de France, et de l’est de la région avec notamment Dijon), le sud est de la région Centre, presque toute la région Auvergne(la zone autour de Clermont- Ferrand fait exception) et l’est de la région Limousin. A ces grandes régions contigües s’ajoutent quelques zones isolées, par exemple celle des Monts d’Arrêts au cœur de la Bretagne ou une partie de l’Orne. Au final, on trouve les deux anciens bassins sidérurgistes et miniers du Nord et de la Lorraine et les zones peu peuplées à plus de 150 km au nord, à l’est et au sud de Paris.
A contrario, les zones à forte croissance se situent d’abord sur la façade Atlantique, tous les départements de Pau à Rennes et même au-delà, mais pas l’ouest de la Bretagne. On trouve ensuite un arc qui va de Toulouse à Lyon (et même l’Ain et la Savoie) en passant par Montpellier et Avignon, et enfin des territoires qui se situent à environ 100 km de Paris (plutôt plus ou plutôt moins selon les directions).
En résumé, les plus fortes croissances se trouvent souvent dans des zones déjà denses et les plus faibles dans des zones souvent déjà peu peuplées. Dans un récent entretien au Monde, Laurent Davezies expliquait que ce sont les grandes métropoles qui financent les territoires en déshérence.
Un mot sur la Bretagne : ce n’est pas une région homogène mais un territoire dynamique à l’est, beaucoup moins à l’ouest et pas du tout en son cœur.
Passons maintenant au graphique 26 page 113 sur la croissance de l’emploi pendant la même période de 1999 à 2009. Les écarts sont plus forts entre zones : la plus faible croissance correspond en fait à un recul et la plus forte à une croissance annuelle non plus de 1% mais de 1.4 %. Du coup, il y a un peu moins de zones concernées.
On note tout de suite que si les zones à faible croissance démographique voient globalement une assez faible croissance de l’emploi, il y a des différences assez nettes à un niveau très local (par exemple l’extrémité est du département du Nord qui voit une forte croissance de son emploi alors que la population stagne). Les zones à emploi en récession sont cette fois dispersées sur la carte. Mais elles ont en commun d’être ici encore des zones d’assez faibles densités démographiques. Des zones à forte croissance de l’emploi peuvent côtoyer des zones où l’emploi est en récession.
Les zones à forte croissance de l’emploi sont plus rares puisque la barre est plus haute. On retrouve une partie de la façade Atlantique, la région de Toulouse (qui bénéficie certainement de l’effet Airbus), une partie du pourtour Méditerranéen, quelques zones en Rhône-Alpes, Ile-de-France, Alsace et Nord.
Le graphique 27 page 114 donne les taux de chômage pour 2011, et on n’y retrouve pas(ou pas complètement) nos cartes précédentes. Les zones à faible chômage sont en Rhône-Alpes, en Alsace, en Ile-de-France, en pays de Loire, mais aussi autour de l’Aveyron et à l’ouest de Toulouse. Les taux de chômage les plus élevés se trouvent dans le Nord et sur la façade méditerranéenne, qui connaît manifestement des apports de population plus liées à sa situation ensoleillée qu’à la présence d’emploi.
A partir de la page 123, on trouve d’autres cartes sur l’évolution de l’emploi pendant chacun des 4 trimestres de l’année 2012. Ces cartes sont moins précises que les précédentes et donnent seulement les moyennes régionales. S’il y a quelques variations d’un trimestre à l’autre, on retrouve presque systématiquement les mêmes régions qui font mieux que la moyenne, à savoir la Corse, l’IdF et Midi-Pyrénées qui sont les seules régions à progresser au 4ème trimestre, PACA, R-A et l’Aquitaine que les accompagnent au 3ème et au 2ème . Sur l’année, la France Comté perd plus de 6 % de ses effectifs !
Comme l’explique Laurent Davezies dans « la crise qui vient », on assiste et on va assister à des évolutions très contrastées des territoires, avec une dynamique propre aux grandes métropoles. Cela justifie un traitement différencié de ces territoires. Il peut conduire à aider les territoires les plus dynamiques à innover dans l’économie de la connaissance pour tirer le pays dans son entier. C’est ce que suggère l’économiste précité et ce que voulait faire Christian Blanc avec le plateau de Saclay. Cela ne peut conduire à soutenir à bout de bras une entreprise en faillite dans une région riche en emploi, comme le note justement Olivier Bouba-Olga à propos de Heuliez.
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