Dans les couples du Nord de l’Europe, les hommes prennent une part de plus en plus grande aux taches domestiques, et c’est pour cette raison que le taux de fécondité y est plus élevé que dans les pays du Sud. C’est la thèse de la deuxième transition démographique, citée dans une publication de l’INED sur la démographie en Europe.
En farfouillant sur le site de l’INED, j’ai trouvé une étude sur la démographie en Europe datant de 2011 et analysant les évolutions entre 1980 et 2009. La lenteur (relative) des évolutions démographique me permet d’en rendre compte aujourd’hui, les principales observations de l’article étant très probablement toujours valables aujourd’hui.
La population européenne a augmenté de plus de 40 millions d’habitants entre 1980 et 2009, soit une hausse de 6 %, partiellement due au solde naturel (la différence entre naissances et décès) en première période mais uniquement au solde migratoire ensuite. Le solde naturel a même été négatif (de un million par an !) autour des années 2000, mais il est redevenu nul à la fin de la décennie, en raison d’une légère hausse de la fécondité.
Le document de l’INED fait 126 pages : le présent article ne prétend donc pas en tirer toute la substantifique moelle ! Il distingue 5 régions en Europe : Nord (Scandinavie, Danemark et Islande), Ouest (Grande Bretagne, Benelux, France, Allemagne, susse et Autriche), Sud (Portugal, Espagne, Italie, ancienne Yougoslavie et Grèce), Centre (Pologne, Tchéquie, Slovaquie, Hongrie, Bulgarie et Roumanie) Est (pays de l’ex URSS comptés dans l’Europe).
La période a été marquée par la chute du mur de Berlin, qui s’est traduite par des migrations de l’est vers l’Ouest, parfois très importantes : le flux migratoire le plus important a touché les pays les plus pauvres : l’Albanie a perdu 30 % de sa population, la Moldavie 24 % , la Bosnie-Herzégovine 21 %, la Macédoine 16 %, le Monténégro 14 %). Toute l’Europe orientale est une zone de dépopulation, à l’exception de la Pologne, la Slovaquie et surtout la Macédoine (+ 8 %).
Le taux de fécondité en 1985 était le plus élevé dans les pays du Centre et de l’Est (de l’autre coté du mur donc) ; il s’est effondré depuis, faisant aujourd’hui de ces deux régions celles où le taux de fécondité est le plus bas, avec la région Sud. Les anciens pays socialistes se caractérisent également par une espérance de vie nettement plus faible qu’à l’ouest de l’Europe : entre les régions Est et Ouest, l’écart était de l’ordre de 2 ans pour les hommes au détriment de l’est en 1960, il est d’une dizaine d’années aujourd’hui ! la situation est moins défavorable pour les femmes. Sur la période de l’étude, l’espérance de vie a augmenté de 7.4 ans à l’ouest et a stagné en Russie (alors que la Tchéquie a retrouvé le niveau de l’Ouest).
Revenons dans la partie occidentale de l’Europe. Celle-ci a connu une diminution régulière de la fécondité conjoncturelle depuis 1960. Celle-ci est passée en dessous du seuil des 2 enfants par femme, d’abord en Scandinavie, puis dans les autres pays de l’Ouest, puis dans les pays du Sud.
Mais une analyse plus fine montre que cette baisse s’explique en partie par le recul de l’âge moyen à la maternité : la descendance finale diminue moins vite, voire pas du tout, comme le montrent les graphiques de la figure 11 page 29. En Suède (comme en France), la descendance finale est de l’ordre de 2 enfants par femme, alors qu’elle est nettement plus basse dans d’autres pays, comme l’Italie où elle est de 1.4 enfants par femme.
L’article aborde dans les pages 41 à 43 une théorie explicative de ces différences entre Nord et Sud, baptisée deuxième transition démographique. D’après cette théorie, l’enrichissement et le développement de l’instruction en Europe ont conduit la population à donner davantage d’importance « à la réalisation et la reconnaissance de soi, la liberté de pensée et d’action (recul de la religion) la démocratie au quotidien, l’intérêt du travail et les valeurs éducatives. La montée de l’individualisme se traduit par une baisse de la fécondité. La place plus grande de la femme et les revendications égalitaires se traduisent par une augmentation du taux d’activité féminin qui pousse à une baisse des naissances. Dans la décennie 90, on trouve une forte corrélation négative entre niveau d’activité des femmes et fécondité : plus les femmes travaillent, moins elles ont d’enfants.
Cependant, dans un deuxième temps, et en particulier dans les pays du Nord, la poussée égalitaire se traduit par un meilleur partage des taches domestiques entre homme et femme au sein du couple, permettant une remontée de la fécondité. Dans les années 2000, la corrélation s’inverse, et ce sont les pays au plus fort taux d’activité féminin qui ont la plus forte fécondité, les deux phénomènes étant liés à une égalité réelle entre les deux sexes.
On peut observer un phénomène semblable au sein de notre pays à travers le lien entre fécondité et diplôme : les femmes sans diplôme ont à la fois un bas taux d’activité et une fécondité plus importante que la moyenne. Le taux de fécondité diminue avec le niveau de diplôme, ou du moins diminuait : les diplômés du supérieur voient depuis quelques années leur fécondité augmenter alors que celles des autres femmes diminue. On peut faire l’hypothèse que ces femmes plus instruites ont des relations plus égalitaires avec leur conjoint et suivent le même modèle que les pays scandinaves.
Les commentaires récents