L’environnement Franco-français m’incitait à approfondir l’approche avec cette culture et cette civilisation bien différente de la mienne mais pourtant bien européenne. Et encore très récemment, j’ai pu apprendre que de nombreux artistes tchèques du dix neuvième siècle ont eu des relations avec la France : Alfons Mucha, Bohuslav Martinu, Zdenka Braunerova, Frantisek Kupka, Jaroslav Cermak,…
Je me suis mise ardemment à apprendre cette langue et récolter tout ce qui était français. En 1983 j’ai rencontré mon futur mari qui rendait visite à son ami en poste à Prague en tant qu’attaché scientifique. Il est revenu deux fois en 1984 et 1985 et nous avons décidé de vivre ensemble (engagement bien audacieux après trois rencontres).
Pour sortir du pays et aller vivre en Occident, il faut accomplir des formalités bien contraignantes. D’abord nous savions qu’il fallait six mois pour obtenir toutes les autorisations de sortie : passeport d’émigration, paiement de la totalité des études, déclaration des biens emportés, et nombreuses entrevues à la police secrète pour expliquer les raisons qui me poussaient à quitter mon pays.
Nous nous sommes mariés civilement à la mairie de Vysehrad (quartier de Prague) en présence d’un traducteur assermenté. Ma belle mère, mon beau frère et son épouse ont également assisté à la cérémonie. La deuxième étape était la préparation du mariage religieux où nous avons voulu inviter quelques amis et surtout ma belle famille française.
Nous voulions célébrer une messe à Prague et partir après à la campagne dans le Sud de la Bohème pour continuer la fête chez ma sœur. Nous devions retenir des hébergements. A l’époque les étrangers occidentaux payaient deux fois plus cher que le citoyen tchèque. Nous avions l’audace de faire toutes nos réservations comme si c’était pour les tchèques. Nous nous sommes mariés religieusement le neuf Août. Nous sommes partis quinze jours dans les hautes Tatras pour notre voyage de noce et nous sommes revenus à Prague fin Août pour la remise de mon diplôme d’ingénieur et le départ vers la France.
Un jour avant ce départ, un homme de la police secrète en civil s’est présenté chez mes parents pour me poser des questions. J’ai pu habilement manœuvrer et régler cette courte entrevue à la porte, mais cet homme m’a promis un interrogatoire futur lors de notre prochain passage à Prague. Nous sommes donc partis en voiture avec deux valises et deux couettes. Au poste frontière de Rozvadov, nous avons présenté l’ensemble des formulaires remplis. Néanmoins, le douanier n’a pas manqué de soulever les couettes sous la banquette arrière pour vérifier si personne d’autre ne voyage avec nous.
A Noël 1986, nous sommes retournés visiter ma famille. Les fêtes se sont bien passées. Mais le départ a été glacial comme le temps de cette époque. La neige tombait. Les axes vers les aéroports étaient bloqués et nous avons beaucoup de mal à nous y rendre. A l’aéroport, conformément à la promesse de l’agent secret, au contrôle des passeports, nous avons été écarté de la queue, nos deux passeports ont été confisqué ainsi que nos carnets d’adresses. L’avion a dû attendre car nous étions déjà enregistrés.
Cette expérience bien désagréable correspondait-elle à une punition ou une vengeance des communistes ? Nous avons eu l’impression que cela a duré une éternité. Pourrions-nous repartir ? Enfin les passeports nous ont été rendus avec nos carnets d’adresses et nous sommes montés dans l’avion pour Paris en tant que derniers passagers manquants.
Une fois en France, j’ai décidé de demander la nationalité française en vue d’obtenir le passeport français parce qu’avec mon passeport émigré tchèque, à chaque retour au pays, j’étais obligée de demander un visa ou une autorisation à l’ambassade tchécoslovaque. Suite aux événements de Noël 1986, le voyage suivant a été comme par hasard refusé. Durant la période de demande de naturalisation française, nous avons été également appelés aux entretiens avec la DST. La procédure de naturalisation a duré cinq ans.
Katarina
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