Nous étions une famille très modeste, huit enfants, ma Maman, ne travaillant pas, avait beaucoup d’occupation à la maison. Nous n’avions pas de voiture, pas de machine à laver le linge ni la vaisselle. Nous habitions dans un HLM au quatrième étage sans ascenseur dans un trois pièces, sans chauffage central et sans eau chaude et les hivers étaient assez rudes dans ce qui était alors la Tchécoslovaquie.
Mon Papa travaillait dans un restaurant. Son salaire d’ouvrier suffisait à peine à nourrir sa grande tribu. Mais grâce aux dons de nombreuses relations amicales, nous n’étions pas malheureux. Peut-être pendant certaines périodes de mon adolescence, les envies ou les sentiments de jalousie se sont manifestés en moi par rapport aux autres enfants privilégiés, mais, avec le temps et du recul, le manque de confort matériel ne nous empêchait pas de continuer notre route dans la vie
. Dans un régime communiste totalitaire, notre famille avait deux grands défauts. Nous étions catholiques pratiquants et ma sœur ainée avait émigré en Angleterre au moment du « Printemps de Prague » à la fin de l’année 1968. De plus, aucun membre de ma famille n’était au Parti Communiste et notre Papa nous inscrivait systématiquement aux cours de catéchisme.
A chaque début d’année, et pour chaque enfant, nous étions régulièrement convoqués à l’école. Certains professeurs compatissaient et comprenaient les convictions parentales mais d’autres essayaient de barrer la route pour les études supérieures évoquant des profils non compatibles avec le régime.
Malgré ces obstacles, les cinq premiers enfants ont obtenu le Baccalauréat. Les deux filles suivantes ont reçu une formation professionnelle d’apprentissage (équivalent d’un CAP, certificat d’aptitude professionnelle) et moi, dernière de la famille, après mon bac, je me suis présenté au concours de l’Ecole Supérieure des Etudes Techniques (CVUT).
N’étant pas engagée politiquement, et en plus venant d’un milieu chrétien, toute option d’étude linguistique, artistique ou philosophique m’avait été d’avance déconseillée. J’aurais éventuellement bien aimé me lancer dans des études d’architecture, mais là aussi, le concours demandait une couleur politique que je ne possédais pas.
Concernant l’enseignement scolaire, je peux témoigner qu’il était de bonne qualité. Les cinq années supérieures m’ont donné de bonnes bases scientifiques et nous étions également bien formés en langues : Russe obligatoire, Anglais à partir de la cinquième.
En plus, j’ai décidé de suivre des cours de Français à l’institut culturel auprès de l’ambassade de France à Prague. Nous avons eu beaucoup de difficultés à développer et pratiquer les langues d’Europe de l’Ouest. Les films, les livres, les journaux, la télévision, la radio et la musique étaient difficilement accessibles.
Les voyages en Occident étaient systématiquement refusés et si nous trouvions un contact ou une relation indirecte, nous étions comme paralysés par l’idée que des micros ou des agents secrets nous espionnaient partout. Même la correspondance épistolaire ne nous donnait pas une assurance absolue car nous avions peur d’écrire librement ce que nous pensions. Qui contrôlait tout cela ? Comment les autorités traitaient et rassemblaient toutes ces informations sur nous ? On se posait toujours des questions. Aujourd’hui, avec l’Internet et les moyens de communication audiovisuels de haute technologie, cela parait presque archaïque.
Un paradoxe me frappe tout de même par rapport à mes cours de Français : à l’époque, l’enseignement était gratuit. Les cours étaient donnés par des professeurs français et le niveau de résultat était très élevé. Nous pouvions également voir des films et des conférences, emprunter des livres et des journaux dans la bibliothèque prévue à cet effet sans débourser un seul sou. Aujourd’hui, c’est payant et très cher pour un simple particulier sauf si l’entreprise finance cette démarche pour un besoin professionnel.
Katerina
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