Le Monde daté de ce jeudi a la bonne idée de mettre en Une un article sur la démographie russe et son déclin et la très mauvaise idée de le traiter n’importe comment, notamment en mélangeant les concepts d’espérance de vie et de fécondité, pour nous faire croire que c’est la forte mortalité masculine qui explique la baisse de la population russe.
Il est vrai que l’article commence très fort, avec ces premiers mots « depuis quelques années la Russie connaît une surmortalité… ». Il fallait bien justifier le sous titre qui voulait nous faire croire que le problème est nouveau en expliquant que « une étude récente mesure l’inquiétante baisse de l’espérance de vie… »
Le problème n’est pas récent : on trouve sur ce blog un article consacré au sujet le 2 mars 2008 ! Les journaux auraient ils maintenant plus d’un an de retard sur les blogs ? Non, car ceux qui ont un peu de mémoire se souviennent que Gorbatchev avait combattu la consommation d’alcool pour réduire la sur mortalité masculine (avec un succès qui n’avait été que très provisoire), il y a de cela plus de 20 ans !
En page 4 on découvre d’ailleurs que l’étude précise que « le pays ne participe plus à la baisse de la mortalité depuis plus de 40 ans !
Mais le pire c’est que l’article explique froidement que la surmortalité masculine, très visible entre 20 et 60 ans, est la cause de la baisse de la population, baisse de 7 millions de personnes entre 1993 et 2009.
En réalité le Monde se trompe, et trompe ses lecteurs.
La mortalité masculine des adultes n’a d’impact sur l’évolution de la population que si elle évolue. Imaginons que tous les hommes meurent au même âge et qu’il y a 400 000 personnes par génération (par an). Si cette année, c’est à 60 ans, et que l’an prochain aussi, il y a eu dans l’année 400 000 décès. Si l’âge de décès passe à 60 ans et 3 mois, il n’y a eu que 300 000 décès. Si au contraire l’âge de décès passe à t 9 mois, il y a eu 500 000 décès.
Or l’espérance de vie masculine n’est pas en baisse en Russie aujourd’hui. Si elle est passé de 63.8ans dans les années 1960 à 61.4 ans aujourd’hui, l’INED nous signale qu’elle était de 58,9 ans en 2005 et 60.4 ans en 2006.
En réalité, ce qui provoque la baisse de la population russe depuis 15 ans (phénomène qui va s’accentuer dans les prochaines années), c’est la faiblesse de la fécondité, qui se situe à 1.4 enfants par femme, le passage sous la barre des 2 enfants par femme datant de la moitié des années 60.
Pourquoi cette erreur de l’auteur ? D’abord une incompétence inadmissible pour ce titre qui prétend encore au titre de « journal de référence », incroyable quand on pense qu’il suffisait de lire correctement l’étude d’origine.
Ensuite, j’imagine que certains ne veulent pas voir que ce qui se passe en Russie va arriver ailleurs en Europe, notamment en Allemagne, en Italie ou en Espagne, qui connaissent depuis une bonne génération des taux de fécondité inférieur à celui de la Russie. Il est vrai que dans nos pays, le phénomène est pour l’instant caché par l’immigration d’une part, la faible mortalité d’autre part. Parce que chez nous, l’espérance de vie augmente encore de près de 3 mois par an, avec les conséquences sur la population expliquées plus haut.
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