Les derniers sondages donnaient hier pour la première fois le « non » en tête pour le référendum du 12 juin en Irlande, sur le traité de Lisbonne. Seul pays à faire passer ce texte par référendum, l’Irlande retrouve des raisons qui avaient été celles du non en France en 2005.
Comme en France en 2005, les principaux partis (notamment les deux plus puissants que sont les Fianna Fail et le Fine Gael) et la presse appellent à voter oui, au point que cette situation finisse par donner le sentiment que le oui est celui des élites. Comme le traité ne porte pas sur une question centrale et ses modalités ou conséquences (comme le traité de Maastricht sur la monnaie commune) mais qu’il abord un grand nombre de sujets, il peut se faire une coalition des tenants d’un »non » à chacun de ces sujets; C’est-ce point qui m’a fait conclure après l’échec du référendum français que cette modalité n’est pas adaptée à ce sujet: on ne peut pas demander aux gens de répondre à 20 ou 30 questions par une seule réponse! Je découvre à la lecture d’articles sur le cas Irlandais un point qui ne m’avait pas frappé avant à ce point, c’est que cette multiplicité des sujets favorise les mensonges et la rumeur. En effet, s’il y a un seul sujet, la monnaie commune par exemple, les médias vont avec le temps, expliquer en long et en large le mécanisme proposé, les arguments pour et contre vont être disséqués. Chaque citoyen va finir par être informé des tenants et aboutissants de la question qui lui est posée et sa réponse sera assise sur une part non négligeable de raison; S’il y a une multitude de sujets, il n’est pas possible de diffuser de manière sérieuse le contenu de chacun de ces sujets et les arguments pour et contre : on laisse ainsi la place aux émotions et à la diffusion des mensonges. L’affaire de l’annulation d’un mariage à Lille a été une belle illustration de ces mécanismes. Eolas, invité de France Info, ne peut en placer une et les auditeurs ont le sentiment qu’il défend simplement sa profession et donnent raison à la député qui a eu la possibilité de le couper en permanence et de faire appel aux émotions des auditeurs. Le lendemain sur France Culture, chaque intervenant a plus de temps et Eolas peut enfin s’expliquer: la réaction est inverse. Vendredi, la revue de presse de France Inter signale que la femme dont le mariage a été annulée est furieuse de la remise en cause de cette annulation, elle qui voudrait être enfin tranquille (ce que j’avais supposé ici). On voit bien qu’avec le temps, sur ce sujet, s’il restait au cœur de l’actualité, la raison prendrait peu à peu le pas sur les émotions et les a priori, au point peut être de l’emporter dans l’opinion. L’abondance des sujets abordés par le traité de Lisbonne ne permet pas ce mécanisme de monter en puissance de la raison. C’est en soi une raison majeure du risque d’échec. Mais ce n’est pas la seule. Pour que l’idée du « NON » prospère, il faut aussi qu’il soit l’occasion d’exprimer un mécontentement de la population, que celui-ci est à voir ou non avec l’Europe (du moment qu’on peut inventer des mensonges qui permettent le rapprochement). Ce mécontentement existe en Irlande aujourd’hui comme il existait en France en 2005 et à peu près pour la même raison : la situation économique. En 2005 dans notre pays, le niveau de chômage est au plus haut de ce qui sera observé sur la période 2002 / 20008. Comme je l’ai déjà fait observé, on ne pouvait pas trouver plus mauvaise période pour ce vote. L’Irlande, qui a connu depuis une vingtaine d’années une croissance foudroyante, au point qu’elle est passé de la situation d’être un des pays les plus pauvres (sinon le plus pauvre) d’Europe de l’ouest à celle d’un des plus riches (sinon le plus riche) de l’Union. Mais cette croissance vient de connaître un coup d’arrêt avec la crise des supprimes qui a accéléré l’éclatement d’une bulle immobilière dans ce pays. Mauvaise situation économique, vote multi questions mais mono réponse, à ces deux raisons de dire « non » s’ajoutait en France une perte de confiance progressive dans la classe politique, dont le vote de 2002, avec sa forte abstention et sa montée du vote extrême avait été le révélateur. Je ne sais pas si c’est le cas en Irlande aujourd’hui. Si l’Irlande vote « non », l’Europe sera dans une situation délicate, enfermée dans un traité de Nice peu satisfaisant. Et la présidence française sera confrontée à un problème imprévu. Je ne le souhaite évidemment pas, mais je le crains!
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