Si les
seniors perdent souvent leur emploi avant 60 ans, le fait est que les
entreprises ne se précipitent pas pour les embaucher, sauf exception. Une enquête
de l’ANDCP a ainsi montré que les recrutements de seniors sont rares. Pour des
raisons fortement ancrées dans le système français, donc difficiles à changer.
Il faut
d’abord rappeler qu’en bientôt 30 ans de chômage de masse, les entreprises se
sont habituées à pouvoir choisir parmi les nombreux candidats sur le marché du
travail, ceux qui leur conviennent le mieux. S’il n’y a pas de maçons, d’infirmières
ou de kiné sur le marché, les recruteurs prennent tout ce qui se présente, qu’il
soit noir, laid et obèse ou même senior. Mais s’il y a le choix, cas beaucoup
plus fréquent, la discrimination peut fonctionner et les enquêtes ont prouvé
que ce sont les seniors qui sont le plus discriminés.
Les
raisons de cette réticence des sélectionneurs sont assez facile à identifier :
les seniors sont réputés être sclérosés, sans dynamisme et de plus chers. Il
est d’autant plus difficile de lutter contre cette opinion que, si elle est évidemment
caricaturale, elle repose aussi sur une part de vérité (l’auteur de ces lignes
fait forcément et par définition exception et chacun admettra qu’il est plein
de vitalité, tourné vers l’avenir et probablement sous payé par son employeur!)
A
partir de leur formation initiale, les travailleurs vont acquérir dans leur vie
professionnelle des compétences et savoir faire nouveaux essentiellement de
deux manières:
Par la
rencontre de situations nouvelles qui vont les obliger à mettre en œuvre de
nouvelles solutions (qui vont leur être apprises par un tiers ou qu’ils vont
inventer)
Par une
formation permanente qui doit leur donner des clés d’interprétation de leur expérience
accumulée.
A cette
aune, les seniors sont les parents pauvres des progrès de compétence
Parce
qu’ils changent peu de situation de travail. Une enquête que j’ai mené dans une
grande mutuelle avait montré que les moins de 40 ans étaient pour leur grande
majorité depuis moins de 5 ans dans leur fonction alors qu’au contraire, 75 %
des plus de 45 ans y étaient depuis plus de 5ans. On imagine la proportion
importante de quinquagénaires dans la même fonction depuis plus de 10 voire 15
ans! Concrètement, cela signifie que les rares situations nouvelles pour eux
sont des changements techniques ou de procédures: dans ce cas, ils sont obligés
de ce mettre à jour pour être au niveau des plus jeunes. Surtout, contrairement
à ce qui se passait il y a 40 ou 60 ans, la connaissance de l’ancien système
est un savoir faire inutile.
C’est
pour ces raisons que le rapport Quintreau ( du Conseil Économique et
Social) préconisait de ne pas rester
plus de 10 ans dans la même fonction.
Peu de
situations nouvelles donc, mais guère de formation non plus. Les plus de 45 ans ont deux fois
moins de formations que la moyenne. Quand on sait que la moyenne les comprend,
on imagine bien qu’ils bénéficient en réalité de 3 fois moins de formation que
les moins de 40 ans. Et cette situation n’est pas le résultat d’une
discrimination anti vieux: elle est d’abord la conséquence du point précédent! Ce
sont ceux qui sont assez nouveaux dans leur fonction que l’on forme en priorité.
Si les seniors ne changent pas de fonction, on ne les formera pas!
Conclusion,
dans de nombreux métiers, une personne de 35 ans est généralement aussi compétente
voire plus qu’une de 50 ou 55 ans.
Par
ailleurs, rester longtemps dans la même fonction, non seulement ne permet guère
le renouvellement des compétences, mais a tendance à user le dynamisme, à faire
prendre des habitudes : quand on connaît trop bien ses propres ornières,
il est difficile d’en changer.
D’où
mon conseil aux seniors en recherche d’emploi : éviter de parler de vos
guerres et de vos exploits passés, parlez de l’avenir, parlez de l’avenir !.
Parlez
de l’avenir !
A une
image peu attirante, les seniors ajoutent la réputation d’être chers. On sait,
notamment depuis les études de Louis Chauvel, que la génération la mieux payée
est celle des 50 ans environ quand c’était celle des 35 ans il y a 30 ans.
Cette moyenne recouvre des réalités plus variées : la fonction publique
avantage nettement l’ancienneté, c’est moins vrai du privé. Il n’empêche que s’il
veut prendre quelques risques, ce n’est pas avec un senior qu’un employeur a
intérêt à le faire. C’est plutôt avec un jeune de 28/ 30 ans, ayant déjà de l’expérience,
donc pas loin d’être aussi compétent que ses collègues de 35 ou 50 ans, mais
encore plein d’enthousiasme, capable de progresser et nettement moins
cher !
Et je
ne parle pas ici des populations de seniors dont le métier comporte une
composante physique et souvent usés ou menacés d’inaptitudes diverses.
Conclusion ?
Evidemment, pour un senior il vaut mieux ne pas perdre son emploi !
Ensuite, les entreprises doivent mieux gérer les deuxièmes parties de carrière :
cela commence à se faire, mais ce n’est pas gagné ! Enfin, de la même façon
que les entreprises doivent gérer les plus de 45 ans comme les autres, les intéressés
doivent aussi bouger et se remettre en cause comme ils le faisaient 15 ou 20
ans plus tôt !
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