Le soutien aux victimes des terroristes n’a pas été unanime en France et, après la Croix, le Monde a commencé jeudi soir à se pencher sur cette France qui n’est pas « Charlie », et en particulier à ce qui s’est passé dans l’école, en retrouvant sur ce sujet la qualité qui a fait la réputation du journal du soir.
Les près de 4 millions de français qui ont défilé samedi ou dimanche n’avaient pas tous la même opinion, en particulier sur le contenu de Charlie Hebdo. Mais je pense que tous se seraient retrouvés dans ce titre d’un des 15 écrivains qui apportent leur point de vue dans la partie Monde des livres, « tuer un homme, ce n’est pas défendre une doctrine, c’est tuer un homme ».
Après les discours unanimistes de dimanche, il a bien fallu se rendre compte que tous ne se sentaient pas forcément solidaires avec les caricaturistes de Charlie Hebdo, que très peu de musulmans étaient venus marcher et que, dans les collèges ou les lycées, les minutes de silence avaient connu quelques couacs.
Dans la Croix du 15 janvier, Christian Delorme, prêtre à Lyon, s’inquiétait d’un fossé grandissant au sein de la société française. Les pages du Monde le même soir lui faisait écho. Parmi les multiples faits ou témoignages J’en ai sélectionné qui me paraissent révélateurs
Le premier concerne un professeur d’arts plastiques (très soutenu par les commen,tateurs de l'article) dans un collège de Mulhouse qui a été suspendu pendant quatre mois par le rectorat après des discussions violentes dans sa classe. Le Monde note que les versions divergent sur ce qui s’est passé mais il parait assuré qu’il a voulu obliger les élèves à regarder une caricature de Mahomet nu en justifiant qu’il « était le chef « dans sa classe. Le journal rapporte un propos (anonyme) d’un collègue de l’enseignant : C’est un enseignant qui a déjà eu des problèmes relationnels avec les élèves et les parents. Il est dans l’esprit Charlie Hebdo, c’est-à-dire dans la provocation, et ce n’est pas toujours très bien vécu ».
Une vision de la laïcité consiste à dire que l’on ne doit pas imposer des idées pour des raisons religieuses présentées comme faisant autorité: ce qui devrait appartenir à nos valeurs partagées, c’est que nous n’avons pas le droit d’imposer aux autres nos valeurs, qu’elles soient religieuses ou pas. N’est-ce pas ce qu’a voulu faire cet enseignant ?
Le niveau de provocation de Charlie hebdo est assez élevé. Il participe à la liberté, mais comme le fait remarquer un commentateur ic, guère à la fraternité. Qu’il se trouve des millions de citoyens à vouloir l’acheter cette semaine ne me parait pas forcément une bonne nouvelle pour notre volonté de vivre ensemble avec nos différences.
Le deuxième exemple que je vais citer me plait beaucoup plus, et il émane également d’un professeur en arts (appliqués cette fois et non plastiques, ne me demandez pas la différence !), à Paris et une femme cette fois, confrontée à des élèves « en grande difficulté scolaire et sociale, parfois handicapés », nous dit le Monde. Après une nuit blanche de réflexion, elle a décidé de se donner du temps pour écouter ses élèves. Et c’est eux qui ont pris l’initiative de se recueillir. Le temps est depuis comme suspendu. Impossible de faire cours depuis mercredi. Les jeunes ont besoin de parler. Ils oublient la récré…La prise de conscience a jailli. On frôle parfois le concours d’éloquence. Je suis éblouie.
Pas besoin de se demander qui de ses deux enseignants a été efficace pour partager ses valeurs. Il est clair que l’enseignante aime ses élèves (l’autre aussi peut être d’ailleurs, à sa façon). Je note aussi qu’elle s’est mise d’emblée dans un type de relation avec ses élèves qui n’est malheureusement pas la norme dans notre pays, alors qu’il l’est ailleurs.
Nous sommes au pays de Voltaire et de son traité de la tolérance. Nous sommes malheureusement aussi au pays de Rousseau et de son peuple-un, qui n’accepte que les différences qui lui paraissent tolérables, ce qui n’est pas immédiatement compréhensible par e jeune moyen. Je pense y revenir.
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