Le philosophe constate que dans une société moderne les hommes doivent aliéner leur liberté individuelle pour se plier aux règles communes. Il propose un contrat social qui permet de compenser cette perte individuelle parce que la société est au service de l’intérêt général. Cela lui parait possible dans une société de petite taille si celle ci fonctionne de manière démocratique, selon sa définition, dans une description qui comprend en germe ce qui sera le fondement des démocraties populaires
La lecture du Contrat Social est assez aride, d’une part en raison du mode conceptuel de la réflexion, d’autre part en raison du vocabulaire et des références qui ne sont plus les nôtres aujourd’hui. Le discours est en effet pollué par des considérations aujourd’hui complètement dépassées, par exemple sur l’influence du climat sur les besoins des hommes, leurs caractères, et les sociétés adaptées à cette situation.
Mais j’avais un objectif précis dans cette lecture : comprendre la vision de l’auteur sur la démocratie et voir si on trouvait dans son discours les prémisses des dérives de la Terreur ou des démocraties populaires.
La préoccupation de JJ Rousseau était de montrer que la monarchie n’était pas seule capable de fonder la souveraineté de l’Etat, comme le pensait Bodin, qui pensait que le peuple ne pouvait le faire de par sa multitude. L’auteur du Contrat Social conçoit donc le peuple comme un, porteur d’une volonté générale qui constitue le fondement de l’Etat : « l’autorité souveraine est simple et une, et l’on ne peut la diviser sans la détruire ».
Contrairement à la monarchie où les hommes aliènent leur liberté sans contrepartie, le philosophe considère une démocratie où les hommes aliènent leur liberté à l’ensemble peuple qu’ils composent. Mais comme ils sont égaux, la volonté générale du peuple ainsi constitué souhaite ce qu’il y a de mieux pour chacun : une seule clause au contrat, l’aliénation totale de chaque associé à la communauté « chacun se donnant totalement, la condition est égale pour tous et la condition étant égale pour tous, nul n’a intérêt de la rendre onéreuse aux autres »
Ce peuple un va tendre vers l’égalité : « la volonté particulière tend par sa nature aux préférences, et la volonté générale à l’égalité ». « Le pacte social établit entre les citoyens une telle égalité qu’ils s’engagent tous sur les mêmes conditions et doivent tous jouir des mêmes droits »
Au point que l’individu cède le pas devant le collectif : « Dans une législation parfaite, la volonté particulière ou individuelle doit être nulle, la volonté du corps propre au gouvernement très subordonnée, et par conséquent la volonté générale ou souveraine toujours dominante et la règle unique de toutes les autres ».
L’individu s’effaçant devant la volonté générale, lors du vote des lois, la décision se fait à la majorité (« la voix du plus grand nombre oblige toujours les autres »). Mais cela ne signifie pas que le minoritaire soit contraint de se soumettre à des lois auxquels il n’a pas consenti !. Le philosophe explique en effet « Quand on propose une loi dans l’assemblée du peuple ce qu’on leur demande n’est pas précisément s’ils approuvent la proposition ou s’ils la rejettent, mais si elle est conforme à la volonté générale qui est la leur … du calcul des voix se tire la volonté générale. Quand l’avis contraire au mien l’emporte, cela ne prouve autre chose sinon que je m’étais trompé et que ce que j’estimais la volonté générale ne l’était pas »
Finalement, ceux qui expliquaient le fonctionnement du centralisme démocratique au sein du parti communiste n’avaient rien inventé !
On comprend que si la volonté générale est à ce point plus importante que tout le reste, il ne faut pas se laisser détourner par les détails ! « Qui veut la fin veut les moyens, et ces moyens sont inséparables de quelques risques, même de quelques pertes Tout malfaiteur attaquant le droit social, devient par ses forfaits rebelle et traître à la patrie, il cesse d’en être membre en violant ses lois et même il lui fait la guerre. Alors, la conservation de l’Etat est incompatible avec la sienne, il faut qu’un des deux périsse, et quand on fait mourir le coupable, c’est moins comme citoyen que comme ennemi »
Avec un tel raisonnement, envoyer Danton à l’échafaud est parfaitement légitime !
JJ Rousseau prépare en réalité, sous le couvert de la démocratie, la voie des dictatures érigées au nom du peuple, celle de la Terreur comme celle des pays soviétiques.
On notera pour finir, que si le texte du Contrat social fourmille ainsi d’éléments qui préparent ces dictatures, il n’en compte aucune qui prépare les démocraties occidentales, telles que nous les connaissons : ni le pluralisme, ni la protection de l’individu et de ses droits, ni le système des contrepouvoirs.
Au passage, le philosophe refuse le système des démocraties représentatives, au profit d’un système de démocratie directe, le peuple s’assemblant chaque fois que nécessaire, plusieurs fois par semaine sans problème !
Une idée de plus qui refuse de prendre en compte les contraintes pratiques, les basses réalités contingentes. C’est aussi parce que l’auteur base toute sa réflexion sur la construction d’u système qui se veut complètement cohérent, parce qu’il fonctionne comme un idéologue, qu’il prépare en réalité un système totalisant et totalitaire ; si la réalité ne correspond pas à ma construction théorique, c’est elle qui doit changer ! « Celui qui ose entreprendre d’instituer un peuple doit se sentir en état de changer, pour ainsi dire la nature humaine ». Mais au final, si chaque citoyen n’est rien, ne peut rien, que par tous les autres,.., on peut dire que la législation est au plus haut de perfection ».
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