La revue Sciences Humaines a publié récemment un « Grand Dossier » consacré aux grands mythes de l’humanité comme celui du déluge ou de la tour de Babel. Le dernier article du dossier porte sur la forte proximité entre les écrits de certains écologistes et ceux du type apocalyptique, tels qu’ils étaient écrits il y a deux mille ans, et dont l’apocalypse attribué à St Jean constitue la version la plus connue.
L’auteur, Hicham-Stéphane Affeissa, présenté comme philosophe de l’environnement, s’emploie, à la suite d’autres auteurs, à montrer les ressemblances entre les deux types d’écrits, ressemblances qui fonctionnent dans les deux sens. En effet, si certains écrits actuels (comme celui d’Edgar Morin, pour sortir du 20ème siècle) reprennent les trois étapes des écrits apocalyptiques (le temps de l’oppression allant s’amplifiant jusqu’à l’extrême, le temps de la résistance et enfin celui de la renaissance d’une humanité nouvelle), les apocalypses d’hier comprenaient elles-mêmes des catastrophes qu’on qualifierait aujourd’hui d’environnementales.
L’auteur conclu par ces mots : « …il importe de savoir si les problèmes écologiques … disposent du cadre adéquat pour pouvoir être pensés et, par la suite, éventuellement résolus. »
La comparaison entre des écrits écologistes et le style des apocalypses permet de montrer à quel point les premiers sont avant tout moralisateurs. Elle peut permettre de contribuer à récuser les discours de ces écologistes, mais elle ne doit pas aboutir à nier les questions environnementales.
Pour certains écologistes, comme le souligne entre autres l’article paru dans Sciences Humaines, c’est tout le modèle de la croissance économique des derniers siècles (voire pour certains celui apparu au néolithique) qui est à remettre radicalement en cause : « l’opposition n’est plus celle des forces du mal et des forces du bien et le mal (comme dans l’Apocalypse), mais celle de l’homme et de la nature, le mal venant du rapport de domination que l’homme entretient avec la nature »
Dans un tel cadre de pensée, la science, instrument de cette domination sur la nature, est donc regardée avec méfiance et/ ou de manière très utilitariste, c’est à dire en faisant référence aux seules études dont les résultats peuvent conforter le discours, quitte à présenter ces résultats de manière totalement déformée. Les résultats non conformes ne sont pas récusés sur leur méthodologie mais sur les liens supposés de leurs auteurs avec les « forces du mal « que sont forcément les industriels ou les financiers.
Le risque, avec une telle approche de la science, c’est évidemment de se tromper sur les enjeux environnementaux, par exemple en se focalisant sur des problèmes fantasmés liés aux ondes électromagnétiques ou aux OGM, ou en donnant la priorité à la fin du nucléaire par rapport à la réduction de la production de CO2
Le droit fait l’objet d’une approche semblable à celle de la science, parce probablement il ne peut être considéré comme supérieur à la morale (voir par exemple ici) : les écologistes militants sont des grands utilisateurs des moyens juridiques disponibles pour défendre leurs causes, mais cela ne les empêche pas de faire usage de moyens illégaux ou de vouloir faire pression sur la justice.
Ce qui me différencie radicalement de ces écologistes-là, c’est l’importance que je donne à la qualité de la démarche scientifique d’une part, à l’Etat de droit, base de la démocratie d’autre part.
PS : j’avais écrit cet article avant Noël, avec le projet de le publier bientôt. Et puis, hier, un article du Monde a suscité des commentaires qui illustrent parfaitement mon propos.
Deux biologistes américains ont fait une étude qui montre l’importance du hasard dans l’apparition des cancers. Ils expliquent que la division cellulaire a un risque de générer un cancer d’autant plus élevé que les cellules concernées se sont déjà divisées souvent. Ils montrent, statistiques à l’appui, qu’il y a ainsi un lien direct entre la prévalence d’un cancer sur un organe et le fait que les cellules de cet organe se divisent souvent. Ils mettent à jour deux types d’organes, ceux pour lesquels le hasard semble jouer le rôle (presque ?) unique, et ceux pour lesquels d’autres facteurs (génétiques et environnementaux a priori) jouent aussi un rôle. Ils attribuent ainsi au hasard 65% des cas de cancer (mais le cancer du sein et celui du colon ont été écartés de l’étude parce que la communauté scientifique n’a pas de consensus sur leur rythme de division cellulaire). Et 20 % des cancers seraient liés au tabac, ce qui ne laisse plus tant de place pour l’ensemble des autres causes réunies !
Un tel article est inacceptable pour certains écologistes qui se déchainent dans les commentaires. Un courageux contradicteur leur répond systématiquement : apparemment il est le seul à avoir lu l’article sérieusement (il est même allé voir l’étude en anglais) et à comprendre ce qu’est une probabilité ! Le premier commentaire que j’ai découvert peu de temps après la parution de l’article résume les réactions de beaucoup et illustre parfaitement ce que j’ai exposé dans l’article ci-dessus et donc je le reproduis ici : Donc développons les substances cancérigènes! Qui donne de l'argent à ce laboratoire? Pour le tabac entre autres beaucoup de pseudo-scientifiques dans des pseudo- laboratoires ont démontré pendant des dizaines d'années la non nocivité du tabac
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