La forte chute des cours du baril de pétrole depuis six mois représente à court terme une catastrophe économique pour les pays les plus dépendants de cette matière première, comme la Russie, le Venezuela ou l’Algérie. Pourtant, ils souffrent tous plus ou moins de la « maladie hollandaise », c’est à dire l’impact négatif qu’à la rente pétrolière sur leurs autres activités potentiellement exportatrices.
Au début des années 60, de gigantesques gisements gaziers ont été découverts aux Pays-Bas, avant d’être exploités au bénéfice des finances de ce pays, ce qui a eu pour effet de renchérir sa monnaie, au détriment des industries dont la compétitivité extérieure a été affectée. Deux économistes (W. Max Corden et J. Peter Neary) ont étudié ces effets et on a baptisé « maladie hollandaise » les effets négatifs sur une économie d’une grande richesse liée au pétrole ou par extension aux autres ressources naturelles. Certains vont même jusqu’à donner le même effet au tourisme sur l’économie de la Grèce. Une étude de 2011 de Natixis considère que tous les pays de l’OPEP, mais aussi le Canada ou l’Austalie, souffrent de la maladie hollandaise.
En soi, est-ce un problème ? Non si la rente est perpétuelle, oui si elle n’est que provisoire, soit parce que les réserves s’épuisent, soit parce que les prix font le yo-yo.
Pour éviter ces effets néfastes de l’économie de rente, la solution choisie par des pays comme le Koweit ou la Norvège consiste à placer à l’extérieur du pays, à travers des fonds spécialisés, une partie des recettes liées à la production pétrolière. Une telle pratique à d’autres avantages : elle évite au pays de se trouver dans de graves difficultés quand le prix du pétrole s’effondre comme c’est arrivé à la fin des années 80 lors de ce qu’on a appelé le contre choc pétrolier, par référence aux deux chocs pétroliers de 1973 et 1979.
Depuis 6 mois, le prix du baril de pétrole qui se situait à des niveaux élevés depuis plusieurs années a presque été divisé par deux en dollars. Les pays qui utilisaient l’ensemble de la richesse correspondante en dépenses de fonctionnement se retrouvent aujourd’hui dans de grandes difficultés. C’est le cas de la Russie (les revenus du pétrole représentaient 50 % du budget de l’Etat contre 5 % à l’arrivée de Poutine au pouvoir), de l’Algérie (97% des exportations, gaz et pétrole mêlés) ou du Venezuela, et plus généralement des pays qui ont à la fois de forts revenus pétroliers et une population importante.
Pour les pays comme l’Arabie saoudite ou les petits états du Golfe, il était plus facile de consacrer une partie de leurs revenus aux réserves et aux investissements. Aujourd’hui, l’Arabie saoudite se retrouve avec une prévision budgétaire déficitaire pour 2015, mais elle a les moyens d’attendre le retour à une situation favorable (qu’elle compte accélérer en cassant l’industrie américaine des gaz de schistes par des prix bas).
A contrario, les autocrates comme Chavez Poutine et Bouteflika ont conforté/ maintenu leurs régimes en achetant leur popularité avec l’argent du pétrole. En quelque sorte, ils ont acheté la paix sociale. Si la baisse du pétrole dure plus que les un ou deux ans que certains lui prédisent, ces régimes vont avoir beaucoup de difficultés. Le poids du pétrole étant à ce jour plus faible pour la Russie, la baisse est peut-être pour ce pays l’occasion de se guérir un peu de la maladie hollandaise. La baisse du rouble (qui est remonté un peu avec les taux à 17% édictés par la banque centrale) va donner un peu d’air à ce qui reste d’industrie après plus de 10 ans de rouble fort. Cela sera beaucoup plus difficile pour les deux autres dont l’économie est complétement bâtie sur la rente pétrolière.
Dans un tout autre domaine, l’argent du pétrole a aussi servi à financer l’expansion de l’Islam, et en particulier de ses versions les plus rigides (la wahhabisme de l’Arabie Saoudite). La chute des revenus des émirs du Golfe ne semble pas suffisante pour arrêter ce courant-là. Par contre, l’Arabie Saoudite espère que la chute des cours, en fragilisant la Russie et l’Iran, les amènera à diminuer leur soutien à Bachar el Assad : comme quoi les jeux du prix du pétrole sont à nombreuses bandes !
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