Après avoir publié une synthèse du rapport sur les métiers en 2020 il y a plus de deux ans, France stratégie et la DARES ont revu leur copie face à la crise pour publier cet été un rapport sur les métiers à l’horizon 2022 en prévoyant prudemment 3 scénarios sur les dix ans et en promettant de faire paraitre dans les prochains mois des études spécifiques selon les familles professionnelles.
On peut discuter à l’infini les hypothèses prises. Les chercheurs ont privilégié l’idée consistant à mesurer les départs en retraite par familles professionnelles et à leur ajouter les créations nettes d’emploi par métier, issues de leur modèle et dont le total varie sur la période entre 1,155 millions et 2,123 millions. Le fait de prévoir un nombre de départs identiques pour les trois scénarios est déjà en soi très discutable. Mais l’expérience des précédentes études montre qu’il est très difficile de prévoir les volumes globaux (le rapport Seibel sur les emplois en 2010, produit en pleine période de croissance, a été jugé cinq ans plus tard trop optimiste de deux millions d’emplois environ), mais que la hiérarchie des métiers qui se développent est assez juste. On peut raisonnablement penser la même chose pour cette projection aujourd’hui. On notera que le raisonnement selon le nombre de départs en retraite qui peut paraitre d’autant plus justifié qu’on raisonne sur de longues périodes (ici dix ans) est vraiment à prendre avec des pincettes sur courte période.
Les métiers de l’informatique sont assez symptomatiques des difficultés de raisonner sur les départs en retraite. Dans cette profession, il est d’usage de considérer que seuls les plus jeunes peuvent s’adapter aux changements technologiques. Le rapport évoque la question de la gestion des données (la question de l’utilisation des « big data » est très à la mode). Il semble que les entreprises se posent des questions (aujourd’hui sans réponses) sur l’impact de l’utilisation massive du « cloud » et en déduisent que le plus simple est de renforcer la tendance au jeunisme de la profession !
Le rapport fait une analyse par grande masse selon des logiques de qualification (voir graphique 8 page 36 et surtout tableau 4 page 28). On notera que sur la période 1992/2012, il y a eu
- forte hausse des emplois de cadres,
- hausse des professions intermédiaires,
- forte hausse des employés peu qualifiés (à cause du développement de l’aide à la personne),
- baisse des emplois d’indépendant (mais une stabilisation depuis 2002),
- stabilité chez les qualifiés, qu’ils soient employés ou ouvriers (mais avec un point haut en 2002 et une baisse depuis)
- forte baisse des ouvriers peu qualifiés
J’avais retenu du rapport des métiers à l’horizon 2015 qu’il y avait un risque fort de chômage pour les jeunes hommes peu qualifiés et de déqualification pour les femmes qualifiées si on n’arrivait pas à augmenter la part des hommes (actuellement voisine de zéro) dans les métiers d’aide à la personne. Le pronostic reste vrai. Il faut ajouter que c’est dans les métiers d’ouvriers qualifiés qu’on a des problèmes de recrutement, les jeunes fuyant les formations correspondantes. Cela ne devrait pas s’arranger, le rapport prévoyant des hausses d’effectifs dans cette catégorie, alors qu’ils ont baissé dans la dernière décennie.
Le rapport note une relative polarisation des emplois avec une hausse des métiers les plus qualifiés et une hausse d’une partie des métiers les moins qualifiés (toujours l’aide à la personne) mais remarque que c’est moins vrai dans les métiers les moins qualifiés que chez nos voisins. Je ne peux m’empêcher de penser qu’un niveau relatif (c’est-à-dire au regard du salaire médian) élevé du SMIC français est défavorable à l’emploi des moins qualifiés !
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