Si la formation des couples est le résultat de coups de foudre réciproques, la foudre ne choisit pas au hasard ses cibles, comme le font remarquer les démographes qui se sont interessés récemment à « l’homogamie éducative », c’est-à-dire au fait de choisir son conjoint parmi ceux qui ont le même niveau de diplôme, voir le même diplôme.
Pour regarder les niveaux de diplômes respectifs des conjoints, on fabrique un tableau à double entrée qui permet de mesurer les occurrences de chaque situation comme le montre ici le tableau pour les hommes :
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Diplôme du conjoint |
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||||
Niveau EN de diplôme |
VI |
V |
IV |
III et II |
I |
Part de la cohorte |
VI |
41 % |
20 % |
10 % |
15 % |
2 % |
26 % |
V |
26% |
37 % |
18 % |
17 % |
1 % |
30 % |
IV |
16% |
19 % |
28 % |
33 % |
4 % |
14 % |
III et II |
8% |
11 % |
18 % |
53 % |
10 % |
21 % |
I |
4% |
4 % |
10 % |
47 % |
35 % |
8 % |
Les niveaux I sont les bacs + 5 et plus, les niveaux VI les sans diplômes. Les totaux font 100 % sur une ligne donnée. On voit que les taux les plus élevés se situent sur la diagonale de l’homogamie, ce qui a fait écrire en 1987 à Michel Bozon, actuellement directeur de recherche à l’INED : la foudre, quand elle tombe, ne tombe pas n’importe où : elle frappe avec prédilection la diagonale.
Deux jeunes chercheurs ont publié récemment au sein de l’EDHEC Business School une étude au titre provocateur (Avoir un diplôme pour faire une bonne carrière ou un bon mariage ? ) sur le sujet en allant plus loin dans le détail des diplômes. Ils en concluent que le taux d’homogamie éducative est plutôt à la baisse mais qu’il est particulièrement élevé à partir du niveau Master. Ils calculent le rapport entre le taux d’appariement observé et celui statistiquement attendu. Ce rapport monte à 9 pour les titulaires d’un master de recherche, et monte à 26 pour les écoles de commerce et pour les doctorats, avec une pointe au montant considérable de 59.6 pour les doctorats médicaux !
On peut spontanément imaginer une explication simple à cette effet de diagonale du coup de foudre : la formation des couples s’appuie entre autres sur l’existence de centres d’intérêts communs et il est probable que le niveau de diplôme en soit un élément constitutif.
Les études sur la formation des couples menées par Michel Bozon depuis des décennies donnent un deuxième élément d’explication au fait que l’homogamie soit plus forte pour les titulaires des diplômes les plus élevés : un article paru en janvier 2013 montre que le bal n’est plus le lieu de la formation des couples mais que les études le sont d’autant plus qu’elles sont longues. Les rencontres sur le lieu de travail et les soirées entre amis favorisent aussi probablement l’homogamie.
Je vais rajouter un troisième élément d’explication propre aux filières professionnelles : comme je l’ai déjà signalé sur ce blog, les formations sont d’autant moins sexuées qu’elles sont de niveau élevées. Beaucoup de métiers de niveau V (CAP/ BEP) voient l’un des sexes occuper plus de 90% des emplois (on approche les 98/ 99 % pour certains métiers d’aide à la personne). Et le travail peut être plus ségrégé que la formation : on trouve les infirmiers (déjà pas très nombreux en moyenne) essentiellement en psychiatrie et en anesthésie par exemple.
La mixité est beaucoup plus généralisée dans les formations de niveau I : le métier le moins mixe est celui d’informaticien qui a pourtant 18% de filles.
Les écoles de commerce sont autour de 50/ 50 et j’imagine que ce n’est pas très différent en doctorat de santé…
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