Contrairement à ce que certains voudraient faire croire pour des raisons politiques, la violence n’augmente pas en France, comme le montre par exemple le nombre d’homicides, au plus bas niveau historique. Dans ce livre de 2012, Laurent Mucchielli, directeur de recherche au CNRS, rétablissait quelques faits et chiffres sur la violence dans notre pays.
J’ai profité des vacances et de la bibliothèque de mon quartier pour lire cette œuvre déjà vieille de deux ans mais qui reprend les thèmes classiquement développés par le chercheur sur l’insécurité et sur la manière dont un Nicolas Sarkozy ou un Alain Bauer s’appuient sur des risques survalorisés au service de leur intérêt personnel.
L’auteur explique une nouvelle fois que les statistiques sur la délinquance ne mesurent pas forcement le nombre de faits délictueux mais plus souvent l’action de la police ou les conséquences de l’évolution des lois ou des mentalités : on comprend bien par exemple que si les femmes osent plus porter plainte en cas de viol qu’il y a 20 ans, le nombre de viols signalés par la policer ou la gendarmerie va exploser, sans que cela prouve que le nombre de viols augmente.
Laurent Mucchielli propose donc de se tourner vers les études de victimisation : des sondages auprès de la population demandant aux sondés s’ils ont été victimes de telle ou telle violence dans les années précédentes. Or celles-ci ne montrent pas la croissance de la délinquance mise en avant par les politiques.
Le nombre d’homicides est également un bon indicateur car il ne peut guère faire l’objet de manipulations statistiques : or il est au plus bas jamais atteint, après avoir été divisé par deux en quinze ans et être bien évidemment sans commune mesure avec le niveau observé dans les siècles passés.
L’auteur déconstruit également le mythe de l’augmentation de la délinquance des mineurs ou de celle de l’augmentation de la fréquence des atteintes aux personnes. Sur ce dernier point, il montre comment deux lois votées par la majorité de gauche en 1992 et 1998 ont mécaniquement augmenté le nombre de faits déclarés et le nombre d’interventions du juge (par exemple pour des admonestations faites précédemment par la police ou la gendarmerie).
Dans ce domaine où les idées les plus folles circulent, comme le montre la lecture des commentaires sur les articles de faits divers sur la Toile, la posture très rigoureusement scientifique de l’auteur est d’utilité publique. Ces travaux à la disposition de tous n’empêchent pourtant pas les excès des décideurs : l’un des plus symptomatiques de ceux qu’il signale est la loi que Nicolas Sarkozy a fait voter pour déchoir de sa nationalité française un criminel qui aurait tué un représentant de la force publique. Dans les dix ans qui ont précédé le vote de la loi, le cas s’est présenté entre 0 et 1 fois…
Puisqu’il faut malgré tout faire quelques critiques, deux remarques :
La première concerne les abus sexuels, qui contrairement à d’autres délits et crimes, sont assez uniformes selon les classes sociales (les vols, du moins ceux qui sont signalés, sont plus fréquents chez les pauvres, étonnant non ? Encore que l’auteur fait remarquer que la délinquance financière ou des enfants de la classe supérieure sont moins pourchassés). L’auteur note qu’il y a un peu plus de victimes de viols chez les femmes les plus éduquées : il me semble que cet écart peut s’expliquer par une plus grande proportion à déclarer les faits, ce que l’auteur a, je crois, omis de noter.
La deuxième concerne la demande de sécurité : si le discours sécuritaire fait mouche, c’est qu’il correspond à une demande citoyenne que décortique d'ailleurs l’auteur. La pacification des mœurs se traduit par une demande d’un plus grand rôle de la force publique et de pénalisation des comportements déviants, l’urbanisation et la perte de proximité qui va avec, se traduisent par une demande de judiciarisation croissante. L’auteur montre tout cela très bien, mais la manière très scientifique et de recul qu’il pratique pourrait faire croire au lecteur de mauvaise foi ou seulement un peu négligent, qu’il ne souhaite pas une diminution de la violence. Comme si mes lecteurs imaginaient que je suis favorable à la pollution sous prétexte que je ne cesse de pointer les excès de discours de beaucoup de militants écologistes !
Une lecture que je recommande donc : je ne partage pas forcément toutes les conséquences que l'auteur tire de ses analyses, mais j'ai beaucoup apprécié l'approche scientifique sur un sujet ouvert à toutes les dérives. Normal me dira t-on de la part d'un chercheur, directeur au CNRS. Bien sûr, mais pas forcément si répandu , même dans ce milieu, qu'on le voudrait. Mes lecteurs attentifs ont d'ailleurs pu noter que j'ai mis le blog de Laurent Mucchielli dans mes liens depuis déjà un certain temps !
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