La situation de crise économique que connait la France a fait ré apparaître plus tôt que prévu la question du financement des retraites, cette fois ci à propos des retraites complémentaires. On s’oriente pour une fois officiellement vers une baisse du niveau des pensions, alors qu’un sondage montre que les Français refusent toujours le report de l’âge de la retraite
Les réactions des lecteurs des articles consacrés au sujet sur Internet, montrent une fois de plus , d’une part le refus d’un départ plus tardif, d’autre part une incompréhension du retour régulier du problème et enfin la tentation de trouver des boucs émissaires, depuis l’idéologie libérale qui a tué le programme du CNR jusqu’au coût des retraites des députés et ministres en passant par la retraite des fonctionnaires, y compris leur caisse de capitalisation, PREFON.
On ne reviendra donc pas ici sur le triptyque durée de cotisation et de retraite/ montant des cotisations/ montant des pensions qui borde pour l’essentiel les choix possibles sur le sujet. J’aborderai aujourd’hui une question simple : pourquoi n’arrive-t-on pas à régler cette question définitivement.
Rappelons d’abord aux contempteurs des décisions de 1945 qu’à l’époque le montant de la pension avait été fixé à 20 % du dernier salaire en cas de départ à 60 ans et à 40 % en cas de départ à 65 ans, une situation bien moins favorable que celle d’aujourd’hui, qui conduisit au développement des caisses complémentaires et à leur généralisation en 1956. Il m’a semblé également qu’au départ les pensions n’étaient pas indexées sur l’inflation, mais je n’ai pas retrouvé cette information. En tous les cas, ce n’est pas un hasard si Pierre Perret chantait « sa taille est plus mince que la retraite des vieux ».
Comme chacun sait ou devrait le savoir, c’est l’augmentation de l’espérance de vie qui vient impacter l’équilibre des régimes. Mais l’effet de cette augmentation a été renforcé par deux autres phénomènes : l’augmentation de la durée des études avec donc un report de l’entrée dans la vie active, et l’impact des évolutions de la pyramide des âges dans la première moitié du 20ème siècle, avec la baisse des naissances dans les années 20 et 30 puis le baby-boom à partir de 1944. Au contraire l’augmentation du taux d’activité féminin a pour un temps masqué en partie le phénomène avec une augmentation des actifs : mais les femmes en question vont maintenant compter de plus en plus parmi les retraitées, et donc peser sur les dépenses après avoir favorisé les recettes.
L’âge de fin d’études initiales (et donc d’entrée dans la vie active) était de 14 ans pour les filles nées en 1920 et a augmenté d’un an par décennie jusqu’à la génération de celles nées en 1980 , pour aboutir donc à 20 ans, âge qui n’a plus augmenté depuis. Pour les garçons, on est parti de 15 ans pour la génération née en 1920 et arriver à un peu moins de 20 ans pour ceux nés en 1980, donc une évolution un peu moins rapide que pour les filles.
En pratique donc, les actifs des années 45 sont les 15/ 65 ans, ceux des années 2000 les 20/60 ans. Cette évolution a un impact très important sur le financement des retraites.
Mais passons aux chiffres. Justement l’INED a la bonne grâce de nous fournir des données précises : depuis 1901, la population par tranches d’âges et par sexe, avec en plus la bonne idée d’avoir déjà fait certains cumuls pour les tranches d’âge qui nous intéressent !
H en milliers |
1905 |
1946 |
1960 |
1975 |
1990 |
2000 |
2010 |
15 / 64 ans |
12 606 |
12 977 |
14 008 |
16 557 |
16 627 |
19 060 |
20 144 |
65 ans et plus |
1 496 |
1 801 |
1 964 |
2 741 |
3 091 |
3 816 |
4 359 |
20/59 ans |
10 193 |
10 501 |
11 588 |
13 189 |
15 055 |
15 754 |
16 330 |
60 ans et plus |
2 298 |
2 645 |
2 984 |
3 955 |
4 448 |
5 117 |
6 203 |
Ratio 1 |
8.42 |
7.20 |
7.13 |
6.04 |
5.38 |
4.99 |
4.62 |
Ratio 2 |
4.43 |
3.97 |
3.88 |
3.33 |
3.38 |
3.08 |
2.63 |
Ratio 1 : Ratio 15/64 ans sur 65 ans et plus
Ratio 2 : Ratio 20/59 ans sur 60 ans et plus
L’INED donne en 1945 des résultats sans les départements alsaciens et la Moselle, ce qui explique le choix de l’année 1946
L’effet de l’augmentation de l’espérance de vie se note clairement à partir de 1960. Dans les 50 ans qui suivent, les 15/64 ans augmentent de 43%, les plus de 65 ans de 122% !
On notera l’augmentation rapide du nombre de plus de 60 ans entre 2000 et 2010 : plus 1 086 milliers contre plus 669 milliers entre 1990 et 2000, et seulement plus 493 milliers entre 1975 et 1990. C’est l’arrivée des baby-boomers qui explique cette accélération. Mais elle ne date que de 2005, et ne se voit pas dans le volume des plus de 65 ans qui n’augmentent que de 543 milliers entre 2000 et 2010, contre 725 dans la décennie précédente.
Une augmentation du nombre des retraités plus rapide que celle des actifs, cela signifie que pour payer la pension de chaque retraité, il y a de moins en moins d’actifs, qui doivent donc cotiser de plus en plus.
La baisse des ratios va encore continuer pendant plusieurs décennies, avec l’arrivée des baby-boomers à l’âge de la retraite. Sur une seule année de 2010 à 2011, le ratio 1 passe à 4.57 et le ratio 2 passe à 2.56.
En raison de la plus grande espérance de vie féminine, la valeur des mêmes ratios pour les femmes est en 2011 respectivement de 3.29 et 2.00.
De 1946 à 2011 on passe d’une activité de 15 à 64 ans et un ratio de 7.20 pour les hommes à une activité entre 20 et 60 ans avec un ratio de 2.56 pour les hommes et de 2.00 pour les femmes. Ajoutons à cela la création des retraites complémentaires : il a fallu pour assurer l’équilibre des comptes multiplier par 6 ou 7 les taux de cotisations !
Les cotisations ont atteint des montants très importants, mais comme elles sont payées directement par les entreprises, qu’elles correspondent à la somme de plusieurs lignes sur la fiche de paie, les salariés n’en ont guère conscience. Une de mes collègues se demandait ainsi si elle ne devait pas pour avoir ne retraite suffisante, ouvrir une retraite par capitalisation pour laquelle elle était prête à verser chaque mois 1 % de son salaire net : un coup d’œil sur sa feuille de paie lui aurait pourtant montré qu’on versait pour elle environ un tiers de son salaire net !
Lors d’une réunion sur le sujet, j’avais demandé aux participants une estimation de ce que verse l’entreprise pour un salarié gagnant 2000 euros bruts par mois, en proposant plusieurs solutions. La plupart des participants sous estimaient la somme, généralement d’un facteur situé entre 3 et 4 ! On comprend dans ces conditions que les citoyens sondés puissent encore envisager une hausse de cotisations.
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