Le Président de la République et son Premier Ministre se sont réjouis de l’accord trouvé entre les fédérations patronales et trois des cinq syndicats représentatifs sur l’emploi et la représentativité. Ce sont surtout tous les « outsiders », les précaires et les salariés de PME qui pourront se réjouir de cet accord qui pour une fois ne se contente pas de donner encore plus de protection aux seuls CDI des grandes entreprises.
Entre 1999 et 2011, le taux de rotation de la main d’œuvre est passé (d’après l’enquête mouvements de main d’œuvre de la DARES) de 47% à 63% dans les établissements de plus de 10 salariés. Cela signifie que pour environ 18 millions de salariés du secteur concurrentiel, on est passé d’environ 8.5 millions d’entrées (et à peu près autant de sorties) de l’emploi par an à plus de 11 millions. On sait par ailleurs que l’essentiel de cette augmentation s’est faite sur les contrats de CDD très courts (pas plus d’un mois)
Dans les statistiques de l’enquête, les licenciements économiques représentent environ une sortie sur 200. Ils sont cependant connus de manière beaucoup plus précise et font l’objet d’un suivi mensuel. Leur volume dépend beaucoup de la conjoncture économique mais on peut l’évaluer autour de 200 000 par an (ce qui signifie qu’en moyenne, une personne sur quatre est concernée une fois sur l’ensemble de sa carrière). Sur les 5 premiers mois de 2012, le nombre de licenciements économiques se situe à 15 000 par mois environ.
Entre 1999 et 2011, la loi sur les licenciements a changé deux fois (avec la gauche puis la droite). Les licenciés peuvent aujourd’hui bénéficier du contrat de sécurisation professionnelle qui leur assure un accompagnement privilégié à la recherche d’emploi et un salaire égal au précédent pendant un an (sans compter l’indemnité de licenciement qui dépend de leur ancienneté et des mesures spécifique du PSE).
Alors que les CDI des grandes entreprises bénéficient de salaires supérieurs au marché, de mutuelles et d’œuvres sociales et culturelles du C.E., les outsiders cumulent les inconvénients, par exemple la difficulté pour les CDD de justifier d’un salaire pour trouver un logement ou bénéficier d’un prêt. C’est d’ailleurs en raison de ces différences que ceux qui ont un « bon emploi » craignent de basculer dans l’autre catégorie !
Il y a toutes les raisons de penser que l’augmentation de protection de ceux qui sont installés dans l’emploi protégé des grandes entreprises se paye par une augmentation de la précarité sous toutes ses formes (sous-traitance, intérim, CDD, temps partiel subi etc.).
Les adhérents syndicaux étant pour la plupart des insiders, il n’est pas facile pour les organisations syndicales de négocier des accords en faveur des outsiders, même si elles ont conscience du problème. D’où l’intérêt de l’accord qui vient d’être signé.
Prenons en effet le texte de l’accord tel que publié par les Echos
- Généralisation de la couverture complémentaire des frais de santé
- Portabilité de la couverture santé pour les demandeurs d’emploi
- Création de droits rechargeables à l’assurance chômage
- Majoration de l’assurance chômage des contrats à durée déterminée
- Création d’un compte personnel de droit à la formation
- Assouplissement des conditions d’accès des moins de 30 ans au CIF-CDD
- Création d’un droit à une mobilité volontaire sécurisée
- Accompagnement financier des demandeurs d’emploi bénéficiant d’un CSP expérimental
- Développement de la préparation opérationnelle à l’emploi
- Faciliter l’accès au logement en utilisant Action Logement
- Travail à temps partiel
- Information et consultation anticipée des IRP
- Représentation des salariés dans l’organe de gouvernance de l’entreprise
- Articulation de la négociation sur la GPEC et le plan de formation
- Mobilité interne
- Création d’un conseil en évolution professionnelle
- Mise en œuvre du dialogue social dans l’entreprise
- Accords du maintien de l’emploi
- Recours à l’activité partielle
- Règles relatives au licenciement économique collectif
- Congé de reclassement
- Expérimenter le contrat de travail intermittent
- Ordre des licenciements
- Sécurité juridique des relations de travail
- Faciliter la conciliation prudhommale
Ceux que j’ai appelé des outsiders, ceux qui passent d’un CDD à l’autre, d’un contrat d’intérim à Pôle Emploi ou qui sont dans les TPE, bénéficient d’avancées nombreuses, qui font l’objet des points 1, 2, 3, 5, 6, 8, 9, 10, 11 et 16. Le point 17 est favorable à l’employeur mais d’un impact restreint pour ces salariés (il prévoit un délai d’un an pour la mise en œuvre complète des obligations liées au cas de dépassement des seuils de 10 et 49 salariés). Le point 22 est favorable à l’employeur et peut avoir plus d’impacts négatifs que le précédent.
Le point 4, défavorable à l’employeur, vise à réduire le recours aux CDD courts
Pour les CDI des grandes et moyennes entreprises, l’accord prévoit des mesures favorables aux salariés (12, 13, 14, 17, 21), et d’autres favorables à l’employeur (15, 18, 20, 23, 24) et enfin d’autres que je considère comme favorables aux deux parties (7, 16, 19). Je ne sais pas juger le point 25
Au final, un compromis donnant donnant pour les CDI des entreprises importantes, de larges avancées pour les précaires actuels.
Le contenu de l’accord explique la non signature de FO qui refuse le donnant donnant par principe et ne veut pas renoncer aux avantages acquis. La CGT n’a pas réellement négocié et s’et mise dès le départ sur une ligne dure (qui s’explique entre autres par les remous internes liés à la succession de B Thibaud)
Tout s’est joué entre le Médef et la CFDT, les patrons ayant intérêt à trouver un accord car en cas d’échec, le gouvernement était prêt à légiférer, sans qu’on sache à l’avance ce que serait le contenu. La CFDT préfère par principe (social-démocrate) que les partenaires sociaux prennent leurs responsabilités plutôt que ce soit le législateur (position qui n’est pas partagée par la CGT, du moins quand la gauche est au pouvoir).
François Hollande souhaitait lui aussi que ce soient les partenaires sociaux qui trouvent un accord, pour les mêmes raisons de principe que la CFDT.
Le gouvernement s’est engagé à transformer l’accord en loi sans rien y changer. Ce point est considéré comme fondamental par la CFDT (qui avait eu la même attitude en 2008).
Certains élus de gauche seront tentés de voter des amendements : on verra si le gouvernement tient ses troupes. Je l’espère vivement, d’abord par principe, puis par crainte du contenu des amendements posés, les élus, en particulier de gauche, ayant une méconnaissance quasi totale de la réalité des entreprises et du monde du travail.
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