En conclusion d’une conférence express, le premier ministre a poursuivi le sillon tracé en ouverture par le Président de la République, autour du thème de la transition écologique, à la grande satisfaction des responsables d’EELV. En fait, le programme du candidat Hollande, avec toutes ses ambiguïtés est confirmé.
Les principales annonces concernent le domaine de l’énergie : développement de la rénovation thermique, fermeture de Fessenheim d’ici la fin du quinquennat, augmentation du malus pour les véhicules émettant du CO2, refus de l’exploitation du gaz de schistes, annonce d’un nouvel appel d’offres pour l’éolien maritime, rien ne manquait.
Le plan gouvernemental souffre pourtant d’une triple ambiguïté : sociale, environnementale et économique
Sociale d’abord, comme l’ont montré pendant les tables rondes les oppositions entre les représentants des associations écologistes (apparemment seules les anti nucléaires étaient là) et les syndicalistes, que la promesse d’emplois verts semblent laisser de marbre, quand la fermeture annoncée de Fessenheim et de ses 2000 emplois les inquiète à juste titre.
La volonté de protéger les bas revenus conduit au système de tarification progressive de l ’énergie, qui consiste à exonérer une partie de la population de la recherche de réduction de consommation. Il est également peu socialiste de reconnaître qu’une vieille guimbarde mal réglée pollue beaucoup plus qu’un 4*4 flambant neuf !
Sur le plan environnemental, le gouvernement suit la pente des choix allemands qui privilégient la fermeture du nucléaire par rapport à la lutte contre le réchauffement climatique. Le problème est que le contexte de fabrication de l’électricité n’est pas le même en Allemagne et en France
L’association « Sauvons Le Climat » qui regroupe des partisans du nucléaire (et qui n’a pas su se faire accepter par la conférence), a ainsi publié récemment deux documents sur la politique énergétique allemande, à partir des études réalisées dans ce pays. L’un des auteurs est un ancien du Corps des Mines spécialiste de l’énergie et retraité,l'autre un ancien de Normale sup, agrégé de physique et directeur de recherche au CNRS : la rigueur scientifique est indubitable. Le dernier paru (regards sur la politique énergétique allemande), donne page 6 des chiffres sur la production de CO2. Un petit calcul à partir des données de population (65 millions d’habitants en France et 81.7 en Allemagne) permet de produire le tableau suivant
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Emission de CO2 pour la production d’électricité |
Emission de CO2 hors secteur électrique |
Emission totale de CO2 |
Emission par habitant |
France |
33 Mt |
337 Mt |
370 Mt |
5.7 t/habitant |
Allemagne |
357 Mt |
435 Mt |
792 Mt |
9.7 t/ habitant |
La colonne émission totale de CO2 est calculée par mes soins à partir des données fournies et il en est de même ensuite pour la colonne sur l’émission hors secteur électrique.
La différence entre les émissions allemandes et françaises hors production électrique reflètent essentiellement la différence de population (par habitant l’émission est plus faible en France de 2% !). Le bien meilleur score de la France au final est donc entièrement dû à la production d’électricité et à l’importance des parcs nucléaire et hydraulique. Le niveau d’émission en production électrique est tellement bas que la mise en place des énergies dites renouvelables (éolienne et solaire) ne peut que l’augmenter, du fait du caractère intermittent de la production qu’il faut bien compenser par des centrales à combustible carboné.
En toute logique, pour réduire l’émission de carbone en France, il faut s’attaquer à l’émission hors électricité, soit en réduisant la consommation d’énergie par une meilleure efficacité (c’est l’intérêt des travaux d’isolation) soit en remplaçant les moteurs et chaudières consommant des combustibles carbonés par d’autres : véhicule électrique ou chauffe-eau solaire par exemple.
En donnant la priorité à un éolien producteur d’électricité, on prend le risque de panne de courant mais on s’oriente forcément vers une élévation de l’émission de CO (en particulier par des turbines à gaz, seules installations capables de remplacer très vite une éolienne arrêtée)
Le problème est enfin économique : EDF aurait chiffré à 2 milliards d’euros les conséquences de la fermeture anticipée de Fessenheim (c’est sans doute un minimum). Mais ce n’est pas grand-chose à coté de ce qui nous attend par ailleurs
Les études allemandes montrent aussi que l’éolien coûte très cher. Les tarfs suivant ont été garantis pour 20 ans aux producteurs :
Eolien terrestre : 95€/MWh
Eolien maritime : 150€/MWh
Photovoltaïque : 375€/MWh
Rappelons que les derniers rapports sur le coût du nucléaire donnent un coût du nucléaire de 49 €/ MWH …
A ces coûts de production se rajouteront ceux de distributions qui risquent d’être massifs en Allemagne (la production se fait dans le Nord et la consommation au Sud) mais aussi en France, par exemple pour relier les champs d’éoliennes maritimes. Et un jour celui des installations du type turbines à gaz qui seront nécessaires pour faire face aux problèmes d’intermittence.
On ne peut pas attendre de Delphine Batho qu’elle nous sorte de cette situation : elle est là pour appliquer le programme. Il se dit aussi qu’elle est très autoritaire mais très peu cultivée (son seul diplôme est le bac). De toute manière elle découvre le sujet, de même que son directeur de cabinet, et ne fait aucune confiance à son administration qui a le tort d’avoir travaillé pour le gouvernement précédent !
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