Le nouveau gouvernement veut donner un coup de pouce au SMIC tout en limitant les salaires des patrons des entreprises publiques. Des initiatives d’abord symboliques d’une volonté de diminuer les inégalités. Si le risque sur l’emploi des moins qualifiés est réel pour ce qui est du SMIC, la question de la rémunération des patrons interroge à la fois la logique économique et les choix de société.
J’ai déjà suffisamment écrit sur la question du SMIC pour ne pas insister ici : avec un rapport entre le SMIC et le salaire moyen déjà trop élevé, tout coup de pouce au SMIC risque de se traduire par une hausse du chômage des jeunes et des moins qualifiés. Ce qui explique que le premier ministre, en annonçant une hausse au plus égale à 5%, se trouve plus proche des arguments de la CFDT (sensible à cette question de l’emploi) ou des patrons de PME qu’à ceux de FO ou de la CGT.
Concernant le salaire des patrons, le gouvernement veut tenir la promesse du candidat élu, à savoir limiter le salaire des patrons du public à 20 fois le plus bas salaire de leur entreprise. Il est donc intervenu cette semaine chez Safran, dont il détient 30% des actions, et chez Air France, dont il est également actionnaire.
Ce rapport de 1 à 20 était grosso modo respecté jusqu’au début des années 80, à quelques exceptions près. Les années 80 et 90 ont vu au contraire le salaire des grands patrons augmenter beaucoup plus vite que celui de leur salarié, au point que la plupart des patrons du CAC 40 ont une rémunération supérieure à un million d’euros : la moyenne des rémunérations des patrons du SBF 2501 était en 2010 de 4.1M € tout compris, le record étant atteint par JP Agon, PDG de l’Oréal , avec 10.7 M € (soit environ 600 fois le SMIC !)
Pourquoi cette inflation des salaires des patrons ? On peut identifier trois types de raisons :
- Alors que les trente glorieuses voyaient une alliance de facto entre les actionnaires et leurs salariés, depuis les années 80 et dans le cadre de la mondialisation, les actionnaires ont fait alliance avec les consommateurs, au détriment des salariés. Ils ont repris la main sur la direction des entreprises et multiplié les systèmes permettant de mettre les dirigeants de leur côté, par exemple avec les rémunérations variables sur résultats ou les stock-options, qui expliquent une partie de la hausse des rémunérations
- L’économie voit monter des entreprises qui ont des coûts fixes importants et des coûts variables faibles, que ce soit dans la high-tech ou le spectacle (foot ou cinéma) : les gains peuvent y être fabuleux, comme vient de le montrer Facebook, et il est rentable d’y payer très cher une star si elle fait gagner 10 ou 20% de ventes. Les salaires mirobolants des meilleurs sportifs ou artistes n’ont absolument rien à envier à celui des plus grands patrons. Cela crée une sorte d’émulation à la hausse
- Notre pays a subi, en particulier dans le domaine économique, l’influence des pays anglo saxons, marqués par des inégalités plus élevées que chez nous, et une plus grande importance accordée à l’argent. Celui-ci y est un thème permanent de discussion quand hier nos grandes fortunes se cachaient, et un homme y « vaut » ce qu’il gagne !
Certains ajoutent qu’il faut payer pour avoir les meilleurs, et que sans ces hauts salaires, ils partiraient ailleurs : cet argument ne repose pas sur des bases bien solides, surtout quand on voit que les grands patrons sont avant tout le produit des grandes écoles et des cabinets ministériels.
Cela ne signifie pas qu’il sera facile de changer ! On peut se demander ce que ces grands patrons peuvent bien faire de leur argent, à part augmenter leur patrimoine, mais il est vrai que dans le domaine des dépenses luxueuses, je manque d’imagination !
Le gouvernement a-t-il choisi une bonne stratégie avec ces mesures symboliques ? Peut-être ! Mais s’il doit, comme je le crois, dans peu de temps décréter des mesures d’austérité pour tous, il lui sera difficile de donner un deuxième tour de vis pour les ministres ou les patrons, ou pour les impôts de ceux qui gagnent plus d’un million d’euros. A suivre !
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