Pour la première fois depuis longtemps le rythme de l’inflation
a conduit automatiquement à une hausse du SMIC avant le mois de juillet: l’augmentation
de 2.3 % au 1er mai sera suivie d’une nouvelle hausse au 1er juillet, en
fonction de l’évolution moyenne des salaires ouvriers mais probablement sans
coup de pouce du gouvernement.
La volonté de réforme du pouvoir ne pouvant s’arrêter
devant cet élément emblématique des politiques de revenus, un projet de révision
des mécanismes qui gèrent l’évolution du SMIC est dans les cartons.
Il ne semble pas que l’existence même de l’instrument ait
été mise en cause. A ce titre, le combat de Philippe Askenazy pour le défendre,
dans le Monde d’abord puis sur ce site me parait inutile. Par contre, la
question essentielle est celle de son niveau.
Pendant des années, des voix se sont élevées, en
particulier dans le patronat, pour expliquer que le SMIC menaçait la compétitivité
de nos entreprises. Les mesures prises dans les années 90 par la droite comme
par la gauche pour exonérer les bas salaires de cotisation sociales ont rendus
ces arguments moins crédibles (même si l’impact de ces exonérations sur l’emploi
non qualifié tendrait à montrer que la question n’était pas qu’idéologique).
Aujourd’hui, l’attention se porte plus sur le niveau
relatif du SMIC, vis-à-vis du salaire moyen, que de son niveau absolu. Une étude
de la DGTPE (cf p 12) a montré que ce niveau était au plus haut en 2006, avant que le gouvernement Fillon ne
refuse de donner un coup de pouce en 2007.
Depuis 1968, le SMIC a progressé beaucoup plus vite que
le salaire moyen sauf entre 1983 et 1994(plan Delors Mauroy puis désinflation
compétitive). La conséquence est l’écrasement de la hiérarchie des bas
salaires. A l’intérieur de la catégorie « ouvrier » ou exécution il n’est
pas rare de ne trouver que des écarts de 2 ou 3 % entre les niveaux. Plusieurs
conventions collectives mettent le premier niveau de la catégorie TAM
(techniciens et agents de maîtrise) moins de 10 % au dessus du premier niveau de
la catégorie ouvrière (du moins quand celui-ci est au moins au SMIC).
Il est difficile de ne pas faire de lien entre cet écrasement
de la hiérarchie des bas salaires et l’exclusion des moins qualifiés du monde
du travail: le titulaire d’un CAP d’un BEP ou d’un bac pro qui se trouve en début
de carrière sur un emploi peu qualifié n’a guère de motivation pour en sortir. Et
à contrario, un employeur n’a pas de raison d’embaucher un non qualifié quand
il peut trouver du personnel qualifié pour un salaire à peine supérieur. Il a
donc intérêt à faire évoluer son organisation vers une responsabilisation et
une technicité importantes des emplois les plus bas de la hiérarchie. La forte
hausse du SMIC renforce et accélère une tendance lourde des organisations modernes.
La gauche n’ignore pas ce phénomène et elle a été très
raisonnable dans ce domaine dès 1985 puis sous Jospin: on le voit sur la courbe d’évolution
du rapport SMIC / salaire moyen. Il est vrai que la perspective des 35 heures
poussait à être raisonnable. Mais le slogan de Fabius pour les présidentielles
(1500 euros en 2012) qui supposait somme toute une progression assez limitée
allait dans le même sens. Cela n’empêchera évidemment pas les leaders de l’opposition
de condamner l’absence de coup de pouce en juillet.
Pour faire revenir le SMIC à une proportion du salaire
médian proche de ce qu’il était dans les années 70 (moins de 58% du salaire médian contre 68% en 2006), il ne suffit pas d’éviter les
coups de pouce: il faut supprimer l’indexation sur l’évolution du salaire moyen
(ou plutôt la moitié de cette évolution), voire sur les prix.
C’est dans cette idée que le gouvernement veut modifier
les règles, en adoptant l’idée d’un comité des sages qui donnerait un avis
motivé (sans obliger pour autant le gouvernement) comme cela se pratique au
Royaume Uni.
Ces projets éclairent l’une des raisons de la loi TEPA:
puisqu’on projette de limiter la hausse du SMIC horaire, il faut favoriser l’augmentation
de la durée du travail et lutter contre les conséquences d’un écart faible
entre le SMIC et le RMI avec le RSA.
Reste que la réduction du nombre de bénéficiaires de la
prime pour l’emploi risque de provoquer le même écrasement de la hiérarchie des
revenus (et non plus des salaires) et que les salariés à temps partiel, ceux qu’on
retrouve parmi les travailleurs pauvres, subiront de plein fouet cette maîtrise
de la hausse du SMIC. C’est pourquoi le pouvoir pousse les employeurs à revoir à
la hausse la durée du travail pour les salariés à temps partiel.
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