La journée de la femme est l’occasion, dans notre pays marqué par une tradition judéo-chrétienne, de s’interroger sur l’attitude de Jésus envers les femmes, telle qu’elle ressort de l’Evangile. On y trouvera une remise en cause de beaucoup de stéréotypes de son temps…et du notre !
Les religions sont elles misogynes ? Elles en ont en tous les cas la réputation, parfois pour des raisons factuelles, parfois en raison de mythes bien ancrés. Les pratiques des croyants dans ce domaine procèdent parfois de leur interprétation personnelle de leur religion, et il n’est pas forcément facile de faire la part des choses.
On a ainsi vu récemment en Israël une polémique à propos de l’attitude de certains juifs ultra orthodoxes qui pratiquent la ségrégation sexuelle dans les transports en commun. Dans ce courant, les hommes remercient Dieu tous les matins de ne pas les avoir fait naître femme. Pourtant, en cherchant sur Google à partir de ce morceau de prière, on tombe sur le texte d’un juif qui essaie de montrer, références bibliques à l’appui, que la femme mérite toute sa place dans la société !
Pour la religion chrétienne, le mieux est donc de lire ce que les évangiles nous racontent de l’attitude de Jésus vis à vis des femmes. Et de le faire en partant des stéréotypes dans lesquels on a le plus souvent l’habitude d’enfermer les femmes.
Une remarque préalable cependant : les femmes sont largement présentes dans l’Evangile, ce qui est déjà en soi une manière de se démarquer avec les habitudes de son temps. Au point qu’il se trouve des bons esprits pour le lui reprocher. Et ce sont des femmes qui auront les premières le privilège d’apprendre sa résurrection.
Stéréotype le plus courant : le rôle de la femme est de mettre au monde les enfants et de s’en occuper. En dehors de cela, on est dans la place des hommes.
Or si Jésus, comme on le verra plus bas, refuse d’enfermer les femmes dans un rôle, il en fait de même des hommes. Par deux fois, on voit un homme venir solliciter Jésus pour guérir son enfant malade. Ce ne sont pas n’importe quels hommes, il s’agit de notables, dans un cas un centurion romain et dans l’autre un chef de la synagogue, et pourtant, ils descendent de leur piédestal pour plaider pour leur enfant. Ils l’aiment suffisamment pour venir chercher cet homme que l’on dit capable de guérir les malades.
Parmi les femmes que croise Jésus, on trouve aussi la figure de la mère s’inquiétant pour ses enfants : c’est bien sûr Marie d’abord, qui accepte d’être la servante du Seigneur, c’est la mère de Jacques et Jean, qui pousse ses fils à réclamer les places d’honneur dans le futur royaume, c’est la veuve de Naim dont le fils mort sera ressuscité pour soutenir sa mère. C’est même la belle mère de Pierre que Jésus guérit et qui se met à les servir. Dans tous ces exemples, on reste dans le rôle traditionnel de la mère.
On sort de ce rôle traditionnel avec Marthe et Marie, les sœurs de Lazare. Quand Jésus vient les voir, Marthe est à la cuisine et sa sœur est avec les autres en train d’écouter Jésus. Marthe demande à Jésus de lui envoyer sa sœur pour quelle l’aide, mais celui ci, au lieu d’aller dans le sens des rôles traditionnels, déclare que Marie a choisi la meilleure part en restant là à l’écouter. S’il ne dévalorise pas ce que fait Marthe, il affirme haut et fort que cette meilleure part n’est pas réservée aux hommes et qu’une femme, ici la sœur de Marthe, peut y accéder.
Mais tout cela n’est encore qu’entorses vénielles aux idées du temps. Comme souvent dans les sociétés misogynes, c’est d’abord sur les affaires qui touchent de près ou de loin au sexe que la société juive du temps de Jésus est la plus dure pour les femmes, qu’elle enferme dans une situation où elles sont par nature soupçonnées du pire quand les hommes peuvent tous se permettre.
Toute femme est donc déclarée impure quand elle a ses règles. Or voilà une femme qui a des saignements ininterrompus depuis 12 ans, qui se permet de venir toucher Jésus (oh, du bout des doigts, et seulement les franges de ses vêtements) et qui se trouve guérie, avant la fille de ce notable, ce chef de la synagogue venu chercher Jésus pour qu’il guérisse sa fille séance tenante. Jésus a senti une force qui sortait de lui et recherche ce qui s’est passé. La femme s’attend à être au moins vertement tancée, et au lieu de cela, Jésus lui dit « ta foi t’as sauvée ».
Voilà la femme impure montrée en exemple pour sa foi, quand la maladie est soupçonnée d’être la preuve du péché, à l’image de cet aveugle de naissance guéri par Jésus, ou de ce paralytique a qui Jésus remet ses péchés avant de lui dire « lève toi et marche ».
D ‘autres pécheresses vont être mises en avant dans d’autres textes. Ainsi de la Samaritaine, une étrangère qui ne respecte pas les préceptes des prêtres de Jérusalem, et donc à qui un Juif pieux ne s’adressera pas. Jésus lui demande de l’eau, puis se sert d’elle pour s’annoncer à toute la ville, alors qu’il a bien compris qu’avec ses sept maris successifs elle n’était certainement pas considérée comme la plus vertueuse par son entourage !
Une femme, que l’Evangile présente comme une pécheresse mais dont on comprend qu’il s’agit d’une prostituée (prostituée de luxe sans doute, mais prostituée malgré tout), se permet de venir aux pieds de Jésus, sur lesquels elle verse un parfum précieux. A son hôte qui lui reproche de se laisser ainsi toucher par une pécheresse, Jésus va faire remarquer que celle ci l’a mieux accueilli que son hôte : la pécheresse passe avant le bien pensant !
Mais Jésus ne se contente pas de refuser d’enfermer les femmes dans leurs péchés réels ou supposés touchant au sexe. Dans le texte de la femme adultère, il va non seulement prendre la défense de celle ci, mais renvoyer aux hommes leurs propres turpitudes : que celui qui n’a jamais péché lui jette la première pierre ! Finie cette pratique ahurissante qui ne punit que le protagoniste féminin de l’adultère ! La responsabilité est partagée et le pardon est possible. Au lieu d’hurler avec les loups, Jésus s’est assis pour se mettre au même niveau que la femme traînée devant lui par les hommes qui l’accusent. Comme elle, il a baissé les yeux face à la foule hurlante, mais il a su trouver les mots qui renvoient ces hommes à leur condition de pécheurs. Une fois les accusateurs partis, la femme adultère peut se lever, elle a la possibilité de retrouver sa dignité humaine, sa dignité de femme.
Non seulement Jésus accepte de se faire accompagner par des femmes, mais à travers la femme hémorroïde, la Samaritaine, Marie Madeleine la pécheresse et enfin la femme adultère, il brise les préjugés qui servent, dans les sociétés machistes, à commencer par celle dans lequel il vit, à justifier l’enfermement des femmes dans une condition inférieure.
Cette posture de Jésus, s’affranchissant des préjugés, ne l’empêche pas de ne choisir que des hommes parmi les douze disciples. Et depuis, l’Eglise catholique (mais pas les divers courants du protestantisme) continue à réserve les positions dans la hiérarchie ecclésiale aux seules femmes. Elle a cependant canonisé à travers les siècles autant de femmes que d’hommes quand le dictionnaire des noms propres montre un rapport d'une femme citée pour neuf hommes cités. Et elle a déclaré trois femmes docteurs de l’Eglise, prouvant ainsi que la théologie n’est pas réservée aux mâles.
Il reste que suivre sérieusement ce que propose Jésus dans les évangiles, c’est refuser d’enfermer les femmes dans des stéréotypes.
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