En introduction à ses 60 engagements pour la France, François Hollande nous livre un sévère réquisitoire, décrivant une situation de crise et en accusant la droite, au pouvoir depuis dix ans, d’en être responsable. C’est de bonne guerre, mais aussi révélateur de ses orientations et de ses analyses, fausses ou justes.
Il commence par décrire une société en crise, et en quelques mots, évoque divers aspects de cette crise
- La montée du chômage (qualifié de record, ce qui n’est pas exact au regard de l’histoire des 30 dernières années), les difficultés de l’industrie considérée comme « abandonnée depuis trop longtemps » et celle des paysans « qui n’arrivent plus à vivre de leur travail ».
- La hausse des prix (tout augmente) en citant pêle-mêle les soins, le logement les transports et l’énergie
- Les services publics « abîmés » avec des agents publics « stigmatisés »
- La sécurité « qui gagne du terrain » et la justice qui « perd des moyens »
- La jeunesse enfin, sacrifiée et qui devra faire face à « un environnement dégradé, des retraites non financées, une dette considérable ».
Les engagements s’inspirent de cette description mais ne la suivent pas chapitre par chapitre.
Les responsables sont faciles à trouver : la finance « bien sûr » qui « a pris le contrôle de l’économie » et « même de nos vies » et les politiques menées depuis 10 ans et surtout depuis 5 ans.
Quelles conclusions en tire le candidat ? Comme il ne songe ni à sortir de l’économie de marché ni à se couper du commerce international, les mesures qui conduisent à changer la place de la finance dans l’économie sont finalement relativement limitées. Il s’agit de séparer les activités spéculatives des banques de leurs activités de financement de l’économie, de taxer de 15% supplémentaires les bénéfices des banques, de proposer en Europe une taxe sur les transactions financières, de créer une banque publique pour aider les PME et de développer l’épargne populaire.
Il est vrai que les crises successives qui ont marqué le quinquennat de Nicolas Sarkozy nous viennent de la crise financière, à partir de la bulle immobilière pour la première, à partir des dettes européennes pour le seconde. Mais le principal reproche que l’on peut faire aux banques dans les deux cas, n’est il pas d’avoir trop prêté aux classes moyennes ou aux pauvres, les ménages dans le premier cas, les pays dans le second ?
Les banques prêtent aux manages, aux entreprises et aux Etats. Les banques ayant trop perdu dans les prêts aux ménages et aux Etats, le financement des PME est mis en cause. Le PS propose donc de prêter plus aux PME, par l’intermédiaire d’une banque publique spécialisée et de développer des outils de collecte des petits épargnants pour orienter leur épargne vers ces petites entreprises. Qui nous garantit que l’on ne prépare pas ainsi une nouvelle bulle et une nouvelle crise d’endettement, des entreprises cette fois ?
J’exagère ? Pas le moins du monde ! Souvenons nous de cette banque nationalisée par la gauche, avec un dirigeant nommé par celle ci, qui avait le pouvoir de dire « oui » et de financer des entreprises qui en avaient besoin, jusqu’à se retrouver avec une perte de 100 milliards de francs. Notons que les 2 principaux organismes impliqués dans la crise des surprimes et qui ont perdu des dizaines de milliards de dollars, suite à des prêts inconsidérés sont Fanny Mae et sa consœur Freddy Mac, organismes semi publics créés par le pouvoir politique pour faciliter l’accession à la propriété immobilière pour les classes moyennes.
Si les investisseurs se sont inquiétés de la dette de la Grèce au point de ne plus vouloir lui prêter autrement qu’avec des taux prohibitifs, ce n’est pas parce qu’ils sont méchants, c’est parce qu’ils craignaient de ne pas être remboursés. Et ils n’avaient pas tort, puisqu’ils viennent de perdre plus de la moitié de leurs créances !
Depuis une trentaine d’années, les banquiers centraux évitent les récessions et limitent les crises en injectant massivement des liquidités. L’Europe et l’Amérique ne cessent de vivre au dessus de leurs moyens en gonflant progressivement leur dette publique (et parfois aussi leur dette privée). Oui, la finance n’a pas cessé d’inventer des instruments permettant de prolonger ces pratiques. Elle est donc complice de la situation qui est la nôtre aujourd’hui, comme ceux qui ont prêté à la Grèce sont complices de son endettement. Mais les premiers responsables sont les Etats, les ménages ou les entreprises qui n’ont eu de cesse de vivre au dessus de leurs moyens !
L’analyse de départ du candidat socialiste est fausse. Les mesures proposées sont donc inadaptées.
La difficulté pour les pays européens est de réduire leurs déficits dans un premier temps, leur dette dans un second temps, sans casser la croissance (au moins au début, la réduction de la dette dans un deuxième temps peut contribuer à prolonger un haut de cycle de croissance). J’ai déjà écrit que pour cela, il faudrait augmenter les salaires allemands. Mais les autres pays ont aussi à faire des choix pertinents.
Par exemple, il est judicieux de dépenser pour réduire notre facture énergétique. Il est par contre aberrant de fermer des centrales nucléaires dont l’ASN nous dit qu’elles peuvent encore fonctionner. Il est également stupide de revenir sur la dernière loi sur les retraites. Réduire les niches fiscales est possible en faisant le tri en fonction de leur efficacité. Se contenter d’augmenter les impôts pour réduire une part du déficit et espérer que la croissance nous apportera le reste n’est pas raisonnable. Prévoir de nouvelles dépenses qui ne seraient pas parfaitement ciblées, est inadapté à notre contexte budgétaire.
Sur 5 ans, François Hollande peut avoir la chance que l’Europe connaisse une forte reprise comme cela s’est produit sous Jospin. Si c’est le cas, ce n’est pas un retour à l’équilibre qu’il faudra viser, mais des excédents. On peut aussi connaître des années de faible croissance : le projet du PS n’est clairement pas adapté à ce cas de figure.
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