Le Monde de ce week-end rapporte en page 3 un long entretien avec Jean-Pierre Bel, le nouveau président socialiste du Sénat, qui détaille le programme du candidat socialiste à propos de collectivités territoriales et précise que la réforme territoriale sera abrogée.
Pendant des décennies, la gauche a expliqué que le Sénat était naturellement de droite(ce qui était selon elle une anomalie démocratique) parce que son mode de scrutin sur représentait les électeurs conservateurs. Le récent basculement à gauche du palais du Luxembourg pourrait montrer que ce raisonnement était faux. Le discours de JP Bel montre qu’il était juste mais que tout simplement, le PS représente aujourd’hui le conservatisme en manière de collectivités territoriales.
Le nouveau président du Sénat commence par expliquer que le président sortant a d’une certaine manière re centralisé, car il a donné du pouvoir aux préfets de région au détriment de ceux de département. J’avoue avoir du mal à comprendre pourquoi c’est grave mais passons.
Il continue en affirmant que « les collectivités ne sont pas une charge mais une richesse ». Depuis le temps qu’elle est appliquée à tout et n’importe quoi, on sait bien ce que veut dire cette phrase : le refus de ceux qui l’émettent de diminuer leurs dépenses voire même tout simplement de les maîtriser.
Le rapport Pébereau avait montré en son temps que l’augmentation du nombre de fonctionnaires s’était faite essentiellement dans les collectivités territoriales, le transfert de compétences de l’Etat vers les collectivités territoriales n’expliquant que très partiellement le phénomène.
Il y a dans l’organisation administrative trois facteurs de surcoût :
- Le nombre de niveaux successifs, qui a conduit à l’expression de « mille feuilles administratif », deux de ces échelons (l’intercommunalité et la région) étant relativement récents. L’échelon intercommunal qui a pris beaucoup d’importance(par exemple, la communauté urbaine de Strasbourg compte 7000 agents) est dirigée par des responsables politiques non élus directement pour cette fonction.
- Les responsabilités sont souvent partagées entre plusieurs échelons, les collectivités ayant même la possibilité d’intervenir sur des sujets qui ne sont pas a priori de leur compétence.
- L’Etat n’a pas tiré toutes les conséquences des lois de décentralisation et certaines des actions de ses services déconcentrés doublonnent avec celles des collectivités territoriales ;
La situation des finances publiques ne permet plus de continuer à fonctionner avec de tels surcoûts, mais manifestement, ce n’est pas encore bien compris !
Face à ce problème, les plus modérés des réformateurs proposent de supprimer la deuxième cause de surcoût en précisant les rôles de chacun. Les plus radicaux (dont je fait partie) pensent qu’il faut passer de deux à quatre niveaux (en regroupant les communes et en supprimant les départements) ce qui permettrait de supprimer les surcoûts 1 et 2 bien sûr, mais aussi le 3, généralement au détriment de l’Etat, les collectivités restantes étant plus fortes et légitimes.
Pour l’instant, chaque fois que l’Etat diminue les effectifs dans le cadre de la RGPP, les collectivités locales les augmentent deux ou trois fois plus vite. La grande mode est de constituer à tous les échelons des cabinets (ceux dont Zoé Shépard nous a montré la totale incompétence) et d’offrir aux élus de la collectivité voisine une place dans le dit cabinet, histoire d’arrondir les fins de mois.
Confronté à l’évidente mauvaise volonté des élus locaux, le gouvernement a bâclé une demi réforme, avec la création du conseiller territorial, espèce de rejeton improbable du conseiller général et du conseiller régional ; c’était encore trop pour les élus locaux qui ont pour cette raison donné aux dernières sénatoriales des sièges à la gauche là où on ne l’attendait pas.
Il est vrai que la réforme radicale que j’appelle de mes vœux aura pour première conséquence de diminuer le nombre de places disponibles pour les politiques…
Jean Paul Bel veut donc abolir cette demi réforme et « reprendre la dynamique des contrats de plan Etat/Région. Je ne vois pas ce que cette dernière phrase peut signifier d’autre qu’une demande d’augmenter les subventions de l’Etat aux régions…
Le président du Sénat fait ensuite très fort avec cette proposition qu’il faut citer en entier :
Nous proposons la création d’une structure nationale permanente, une forme de « haut conseil », qui réunira les associations représentant les différents niveaux de collectivités territoriales, en lien direct avec le gouvernement. Elle sera obligatoirement consultée sur tout projet de réforme pouvant avoir des incidences sur les compétences des collectivités locales. Le Sénat aurait évidemment un rôle, dans cette structure, pour faciliter les échanges et les relations entre les différents acteurs concernés.
Notre homme devrait pourtant connaitre l’article 24 de la Constitution qui précise :
Le Sénat, dont le nombre de membres ne peut excéder trois cent quarante-huit, est élu au suffrage indirect. Il assure la représentation des collectivités territoriales de la République.
Si le Sénat n’est pas capable de tenir le rôle proposé pour cette structure, alors qu’il est sensé représenter les collectivités locales, ce qui justifie le mode de désignation de ses membres, soyons simple : supprimons le !
La suite de l’entretien est évidemment l’occasion pour JP Bel de plaider pour de nouvelles ressources pour les collectivités locales, avec notamment le droit de moduler les taux et un « véritable pouvoir fiscal » aux régions.
Merci pour l’état des finances publiques et l’avenir économique de notre pays : c’est tout simplement à pleurer, d’autant plus que celui qui s’exprime est le deuxième personnage de l’Etat !
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