Le nombre de smicards est en légère hausse cette année, à la suite de l’augmentation de début d’année. Mais il est en recul de un million depuis le point haut observé en 2005, quand le SMIC concernait 16.3% des salariés, tout en restant supérieur au niveau de 1993. L’absence systématique de coup de pouce explique ce recul.
La DARES a publié le 29 septembre une étude sur les bénéficiaires de la revalorisation du SMIC, c’est à dire tous ceux qui étaient soit au SMIC antérieur (8.86 € de l’heure) soit au moins à un salaire horaire inférieur au nouveau (9 € de l’heure). Ils étaient 10.6 % des salariés, contre 9.8% au 1er janvier précédent (mais déjà 10.6% au 1er juillet 2009), l’augmentation provenant essentiellement du monde du commerce. Cette croissance des smicards peut s’expliquer partiellement par le montant de l’augmentation (qui touche donc des salariés au dessus du SMIC), mais aussi par une faiblesse de la revalorisation des salaires dans les branches concernées, au moment où l’inflation est plus forte que les années précédentes.
L’étude de la DARES montre(tableau 1) que la proportion de Smicards diminue quand la taille de l’entreprise augmente : ils sont 24.3% dans les entreprises de moins de 10 salariés (3604% dans les entreprises de 1 salariés !) et 3.4% dans les entreprises de plus de 500 salariés. Surtout, 6.9% des salariés à temps complet sont au SMIC, contre 22.3% des salariés à temps partiel. Ces derniers sont nombreux à être en temps partiel contraint et donc à cumuler les inconvénients.
Le tableau 2 donne la répartition des smicards par secteurs. Ceux où il y a le plus de personnes touchées par la revalorisation du SMIC sont la restauration rapide (61% !), les prestataires de service du secteur tertiaire (34%), le commerce de détail non alimentaire, les hôtels, cafés et restaurants (33%). Dans ce dernier secteur il est vrai, les salariés se font des pourboires en plus de leur rémunération.
La baisse du nombre de smicards depuis 2005 est la conséquence de choix politiques qui ont conduit les gouvernements successifs à limiter les hausses du SMIC à ce qui est strictement obligatoire an fonction de l’inflation. Il faut dire que, comparé au salaire médian, le SMIC avait atteint son plus haut niveau en 2005 ( à environ 67%, contre 58% en 1993 ou 50% en 1972 ). A voir l’évolution historique (voir ce document page 12), on ne peut s’empêcher de constater que le chômage (en particulier celui des moins qualifiés) a augmenté quand le rapport SMIC/ salaire médian est passé au-dessus de 50/55%.
Pour compenser l’effet de l’écrasement de la hiérarchie salarial sur l’emploi des non qualifiés, les gouvernements de droite et de gauche ont mis en place dans les années 90 des allégements de charge pour les bas salaires, qui ont pour la première fois augmenté l’emploi des non qualifiés. Mais ces mesures coûtent cher(environ 20 milliards d’euros) et fonctionnent comme un piège à bas salaires, le coût pour l’employeur d’une augmentation de ses bas salaires devenant particulièrement élevé (puisqu’il voit ses cotisations sociales augmenter fortement). Et le passage aux 35 heures n’a fait qu’accentuer le problème.
Pour compenser la politique de limitation de la hausse du SMIC, Nicolas Sarkozy avait fait le pari des heures supplémentaires, avec son fameux « travailler plus pour gagner plus » qui correspondait à une demande réelle d’une partie au moins des salariés les moins bien payés. En revenant aux 40 heures, c’est de fait ce qu’ont fait les allemands, qui ont des salaires minimum (par branches) inférieurs d’au moins 10% au SMIC.
Reste que revenir à un rapport SMIC/ salaire médian de 55% maximum, c’est accepter de fait d’afficher un nombre non négligeable de travailleurs pauvres. Si on met le seuil de pauvreté à 60% de salaire médian, tous les smicards seront considérés comme pauvres. Si on met le seuil à 50%, la plupart des smicards à temps partiel seront des travailleurs pauvres. Mais n’ayons pas d’illusion : c’est déjà le cas aujourd’hui ! Et notons que si les salariés à temps partiel représentent 17.6% des salariés ils comptent pour 41% des smicards.
Autre problème : baisser le SMIC de manière relative, c’est affecter tous les minima sociaux, en particulier le RMI et le minimum vieillesse. Mais on paye dans ce domaine comme dans d’autres (par exemple la retraite ou la dette) les inconséquences collectives précédentes.
On notera que la question du SMIC ne s’est pas invitée pour l’instant dans le débat politique de préparation des présidentielles. Et que lors de l’élection précédente, la proposition de Laurent Fabius sur ce point était relativement sage, puisqu’elle consistait à promettre une évolution proche de la prévision à 5 ans.
Pour finir, une petite observation sur le nombre de Smicards. Il y en a environ 1 600 000 dans le secteur des salariés du privé, champ de l’enquête dite ACEMO qui sert de base à la publication de la DARES, contre 2.5 millions en 2005. Mais la DARES estime qu’il y en a près d’un million d’autres ailleurs, d’abord dans l’administration (390 000 soit un taux de 7% bien supérieur à ce qu’on constate dans les entreprises de plus de 500 salariés)) mais aussi dans les associations de type loi 1901 de l’action sociale (où ils seraient 15%) et dans l’activité des ménages (où ils seraient 25%). Encore faut-il observer que dans ce domaine, on est au moins sorti du travail au noir avec les déductions fiscales !
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