Un magnifique bouquet de roses blanches trône au milieu de mon salon, issu des surplus de fleurs de l'enterrement d’un bébé de quatre mois vendredi. Pendant ce temps, les médias parlent en boucle des deux français de 25 ans tués au Niger, des dizaines de tunisiens tués dans les émeutes, d’un disc jockey assassiné lors d’une simple fête. La mort semble partout.
Le fils d’un ami, 31 ans, vient de mourir d’un cancer après huit mois de lutte désespérée, en laissant une femme et une petite fille. Il ne fera pas la « une » des médias mais la détresse de sa famille est la même que celle de ces habitants de Linselles, qui pleurent deux jeunes partis aider plus pauvres qu’eux, avec un cœur gros comme ça, et morts de la bêtise des hommes et de la haine qu’ils peuvent avoir pour leurs semblables.
On ne devrait pas mourir à 30 ans. D’ailleurs notre pays considère très officiellement que toute mort avant 65 ans est une mort prématurée, qu’il y en a trop (nous sommes un des moins bons élèves de l’UE sur ce critère) et se donne des objectifs pour les réduire, les réduire, les réduire. Et c’est ce qui se passe, et les homicides sont aussi au plus bas historique dans notre pays. Mais c’est toujours trop bien sûr.
Il n'y a pas que les jeunes qu'on ne souhaite pas voir mourir. Une collègue qui vient d’apprendre que son père a un cancer de la prostate avait les larmes aux yeux en m’en parlant, malgré les 76 ans de son père. Parce que si notre espèce est capable d’inventer les pires horreurs pour faire souffrir et tuer son prochain, elle est aussi l’espèce qui pleure ses morts, dont les membres ont tellement d’empathie entre eux que la mort d’un inconnu, d’un voisin ou d’un proche les touche au plus profond d’eux mêmes.
La douleur, cela peut durer longtemps. Il y a 21 ans, j’appelais ma mère pour lui annoncer un décès, et sa réaction fût « pourquoi c’est toujours à nous que cela arrive », évoquant ainsi un événement vieux de près de 40 ans, et une blessure que je n’avais pas imaginée.
« Ainsi le petit prince apprivoisa le renard. Et quand l’heure du départ fut proche :
– Ah ! dit le renard… Je pleurerai.
– C’est ta faute, dit le petit prince, je ne te souhaitais point de mal, mais tu as voulu que je t’apprivoise…
– Bien sûr, dit le renard.
– Mais tu vas pleurer ! dit le petit prince.
– Bien sûr, dit le renard.
– Alors tu n’y gagnes rien !
– J’y gagne, dit le renard, à cause de la couleur du blé. »
La veuve (quel mot horrible pour une jeune femme de 30 ans) du fils de mon ami va pleurer, et sans doute pendant longtemps. Mais elle a gagné outre une petite fille et des beaux parents adorables, le souvenir de toutes ces heures passées ensemble, par exemple pour préparer un mariage qu’elle voulait absolument parfait !
Pourquoi Dieu permet il la mort et la souffrance diront certains, ceux qui ont une image de Dieu à la fois comme père Noël et comme tout puissant ? Le Dieu des chrétiens est présenté comme ayant vaincu la mort, mais en pratique, même si lui est ressuscité, elle existe toujours ! En réalité, il n’a fait qu’une chose, mais ce n’est pas rien : venu partager notre condition humaine, il l’a fait jusqu’au bout, y compris avec un mort particulièrement violente et pleine de souffrance. Nous montrant que face à la mort, on ne peut qu’être avec les autres.
Dimanche, ma belle mère de 81 ans a téléphoné, toute heureuse. L’été 2012 va voir naître son 13ème et son 14ème arrière petit enfant.
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