Le nombre d’homicides a baissé en 2009 dans notre pays. Les commentaires sont divers selon les journaux qui rapportaient l’information cette semaine, à la suite du Figaro, qui « s’est procuré » une note confidentielle de la Direction centrale de la police judiciaire sur le sujet.
Les faits d’abord : le nombre d’homicides est passé de 1051 en 2000 à 682 en 2009, soit une baisse de 35% nous dit le Monde, 35,11% précisent en cœur Le Figaro, 20 minutes et Libération. Les statistiques reprennent aussi les tentatives d’homicides (passées de 115 à 948 sur la même période). Le Monde rajoute à ce total les coups et violences mortels (mais je n’ai pas retrouvé mes petits dans une phrase pas claire) qui représentent un petit nombre : en regroupant tout, mon journal préféré trouve 2,8 agressions physiques pour 100 000 habitants, ce qui pour une population de 60 millions environ en métropole donne 1680 contre 1630 pour le total homicides plus tentatives. Le Figaro donne 100 morts ou tentatives à Paris quand le Monde en trouve 111 en comptant les coups et violences mortels.
Le Figaro publie une carte qui donne la répartition de ces meurtres et tentatives en 2009 par département. Les Bouches du Rhône arrivent en tête (103) juste devant Paris (100) et le 93 (92). Plusieurs départements n’ont eu qu’un meurtre ou tentative : l’Orne, les Hautes Alpes, l’Aveyron, le Cantal et le Lot. Pour tenir compte des différences de population, le Monde publie la même carte avec les taux aux 100 000 habitants, ce qui fait ressortir un record toutes catégories en Corse de Sud (un taux de 24,4 avec 34 homicides commis ou tentés), loin devant le 93 (6,4), les Bouches du Rhône (5,7) ou Paris (5,1), quand l’Orne est à 0,3.
La presse donne des éléments de répartition de ces homicides : ceux commis « à l’occasion de vols » sont passés de 49 à 27 de 2000 à 2009 (soit respectivement 4,7% et 4,0% du total). Les règlements de compte entre malfaiteurs ont été en 2009 d’une « trentaine » sur le territoire géré par la police et de 18 sur celui géré par la gendarmerie, ce qui fait un total de près de 50 contre 70 environ il y a dix ans. Soit de l’ordre de 7% du total
Pour le reste, on ne saura pas vraiment ! Le Figaro note que les 2/3 des crimes sont passionnels, le Monde cite une étude de Laurent Mucchielli sur une période précédente (1987 à 1996) pour affirmer que 8 crimes sur 10 sont des crimes de proximité, famille (ou amant) et voisins.
Les romans policiers ou la presse qui montent en épingle des criminels en série nous donnent une fausse image de la réalité : le vrai risque, ce n’est pas de se faire tuer au hasard par un psychopathe, c’est de se faire assassiner suite à une dispute par son voisin ou son conjoint. Et l’alcoolémie joue un rôle incontestable. C’est Bertrand Cantat et Marie Trintignant qui sont les plus représentatifs, à la nuance près que d’après le Monde, plus de deux criminels sur trois n’ont pas de diplôme.
Le Monde s’interroge ensuite sur ce qui se passe dans les autres pays en comparant cette fois le taux d’homicide seul (sans les tentatives), qui était de 1,4 pour 100 000 habitants en France en 2008.
On apprend ainsi que les USA ont un taux prés de 4 fois plus élevé que nous : 5,4. Mais il était de 9,4 en 1990 pour descendre à 5,5 en 2000. Comme d’habitude, les bons élèves sont la Norvège (0,6), la Suède (O,9), mais aussi l’Allemagne(0,8) et l’Autriche (0,5). Les mauvais élèves se trouvent en Russie (14,5 !) et surtout en Amérique centrale : Honduras (60,9), Jamaïque(59,3) Venezuela (51,8). En France, un décès sur 1000 est du à un assassinat. Les chiffres cités pour le Honduras correspondent à environ un décès sur 20.
Si Le Monde est resté très factuel, les autres rédactions se sont manifestement demandées comment traiter une information probablement dérangeante. Comment la droite peut elle admettre que le danger qu’elle agite n’est pas aussi présent qu’elle l’affirme ? Comment la gauche peut elle laisser supposer que N Sarkozy a pu enregistrer des succès ? Les journaux ne posent pas la question ainsi, mais leur commentateurs si évidemment, ce qui amène certains à mettre très sérieusement en doute les statistiques publiées !
Le criminologue Alain Bauer, estime sur le site de TF1, que « cette chute est due à l'amélioration du taux d'élucidation dans la mesure où l'on frise les 90% en taux d'élucidation, une partie d'entre eux ont bien compris que la chance de se faire prendre était très grande ». Le Figaro reprend cette fable sans insister et en la mettant dans la bouche d’un policier anonyme, qui admet cependant que cela ne vaut guère pour les deux tiers de crimes passionnels.
A noter que le Figaro n’insiste pas sur le fait que le point haut du nombre d’homicides a été enregistré en 2002, avec 1119 ce qui aurait pu nourri un discours sur les succès de la droite, à condition de s’interroger sur les résultats des années 90, ce que le journal ne fait pas.
20 minutes fait beaucoup plus fort dans cette veine en consacrant un article complet sur les hauts faits de la police scientifique, et sur le taux d’élucidation de 87% atteint pour les homicides. Un taux élevé, qui s’explique d’abord par les crimes de proximité pour lesquels l’assassin est souvent celui qui prévient la police et se dénonce par la même occasion. Pour les autres cas, les moyens mis en œuvre expliquent aussi des meilleurs résultats que pour les vols par exemple !
20 minutes titre donc froidement son article : « Comment la police scientifique a fait baisser le nombre d'homicides en France ». Le représentant de la police scientifique dit le contraire dans l’article, mais quelle importance ?
Libération ne peut évidemment pas laisser passer une telle explication, qui supposerait un véritable succès de la police, et le journal est allé chercher pour défendre ce point de vue Sebastian Roché, sociologue spécialiste des questions de sécurité au CNRS. Ce dernier contredit d’abord Alain Bauer puis affirme tranquillement qu’il n’y a pas de rapport entre criminalité et homicides parce que la plupart de ces derniers sont familiaux, et enfin que le nombre d’homicide varie entre 700 et 1000 par an depuis 20 ans. C’est Laurent Mucchielli qui a du être content de lire cela, lui qui présente la baisse des homicides comme une preuve que la violence n’augmente pas, et qui cite un nombre de 1519 homicides en 1988. Comme quoi, il doit y avoir des marchands de tapis(en l’occurrence ici probablement Sébastien Roché, mais cela reste à vérifier), même chez les chercheurs !
Dans son livre « violences et insécurité », qui date de 2000, Laurent Mucchielli donne(à partir d’une étude de B. Aubusson de Cavarlay) pour le total meurtres+ tentatives+ coups mortels, un nombre de 2093 faits en 1972 et de 2831 en 1991, puis 2325 en 1998. Si l’on rapporte à une population qui n’était que de 51,7 millions en 1972 et de 58,7 millions en 1998, on observe qu’après un pic à la fin des années 80, cette criminalité est plus basse en 1998 qu’en 1972. Elle a donc baissé de 1991 à 1998, encore baissé en 2000 et encore baissé depuis, ce qui justifie la remarque du Monde, disant qu’elle est à un plus bas historique.
Au final, on ne sait pas d’où vient cette baisse. Mais on ne peut que s’en réjouir !
Les commentaires récents