Des événements graves ont eu lieu à Grenoble et à Saint Agnan il y a quelques jours. Le président Sarkozy a réagi par des propos que lui ont immédiatement reproché la gauche et la presse engagée. L’épisode montre une fois de plus ce qui se joue et en quoi le gouvernement s’y prend mal.
Les deux événements déclencheurs se ressemblent beaucoup, avec à chaque fois un jeune qui agit avec violence (attaque à main armée dans un cas, franchissement d’un barrage et renversement d’un gendarme de l’autre) et des forces de l’ordre qui tirent et tuent le jeune, puis des amis du jeune qui réagissent avec une grande violence contre les forces de l’ordre.
Une nouvelle fois, on constate que, pour une partie de la population, les forces de l’ordre ne sont pas au service des citoyens, mais représentent l’ennemi, dont l’action n’est pas légitime. Alors que la plupart des citoyens considèrent de plus ou moins bon gré qu’il est légitime que l’usage de la force soit réservé à des représentants de l’Etat chargés de faire respecter la loi, une autre partie de la population, en particulier vivant dans ce qu’on appelle pudiquement des quartiers difficiles, se comporte comme si elle faisait partie d’une autre société, d’un autre monde.
Il y a sans doute des tas de raisons à cette situation, et j’y reviendrais peut être, je voudrais seulement souligner ici en quoi la réaction gouvernementale est mal adaptée.
Il est tout à fait normal que le gouvernement condamne les faits délictueux. Dans un Etat de droit, on ne peut admettre qu’un groupe de personnes, quelque soit sa douleur, se permettre de tout détruire et d’assaillir une gendarmerie, que ce soit en Corse ou dans le Loir et Cher.
Là où le gouvernement dérape, c’est quand il passe de la condamnation des délits à la condamnation de leurs auteurs. D’abord parce que ce n’est pas son rôle : il y a une justice pour cela, et elle doit répondre à des règles bien précises. Mais aussi parce que se faisant, il contribue à renforcer le phénomène dont je parlais plus haut, qui fait que pour certains, l’Etat et ses représentants (les policiers mais aussi les pompiers, les écoles ou les centres sociaux), ce sont des ennemis.
Il s’agit pourtant d’un mécanisme classique, bien connu des éducateurs et j’imagine de la plupart des parents : si je reproche à un enfant son mensonge ou sa bagarre, je l’incite à changer son comportement, à ne plus mentir ou se bagarrer. Mais si je le traite de menteur ou de bagarreur, je l’incite en fait à s’enfermer dans la situation que je lui reproche.
Le discours de notre Président passe très et trop souvent de l’idée de lutter contre les délits à l’idée de lutter contre les délinquants, contribuant ainsi à créer un camp des ennemis des forces de l’ordre. Je suis naïf ? Non ! Toutes les statistiques de la délinquance montrent que la plupart des délits sont faits par des jeunes, généralement de moins de trente ans. La réalité est que beaucoup s’assagissent avec l’âge. Imaginer que ceux qui ont commis une faute peuvent ne pas recommencer, n’est donc pas naïf. Cela ne signifie pas qu’il ne faut pas la sanctionner, cela signifie qu’il ne faut pas enfermer les personnes dans ce qu’ils ont fait à un moment donné.
Au-delà de ce que je viens d’indiquer, comme l’ont souligné des commentateurs, Nicolas Sarkozy va plus loin que de condamner les auteurs du délit puisqu’il généralise en insistant sur leur appartenance à telle ou telle partie de la population, les Roms ou les descendants d’immigrés. Ce faisant, il sous entend que non seulement les auteurs connus ne peuvent changer leurs comportements, mais que tous ceux qui appartiennent à la même catégorie de la population sont probablement susceptibles d’avoir les mêmes défauts.
Ce n’est évidemment pas ainsi qu’on fait vivre un État de droit, un État où les citoyens font ensemble société.
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