Economie et bons sentiments

            Gérard de Bernis est mort en décembre 2010. Je l’ai rencontré dans les années 70, comme enseignant. Ses qualités pédagogiques étaient immenses, au point que les élèves, même ceux qui n’étaient pas inscrits, affluaient.

                C’était aussi très manifestement un grand humaniste. Cela s’entendait dans ce qu’il disait et cela se voyait dans la manière dont il se comportait. Le Monde, qui rapporte la nouvelle de son décès m’apprend que c’était un chrétien engagé et qu’il fut un compagnon de route du Parti Communiste ;

                Il fut aussi un partisan des théories de la régulation et le porteur pour les pays en développement de l’idée d’industrie industrialisante, et de la planification de l’économie. Il conseilla pendant longtemps le gouvernement algérien, et le Monde nous dit d’ailleurs que ce sont deux journaux algériens qui ont les premiers signalé son décès.

                A propos des crises algérienne et tunisienne en cours, le Monde de mardi 11 janvier donne la parole à un sociologue lyonnais, Lahouari Addi. Celui ci explique, en parlant de l’Algérie « Le pays est passé par une période de parti unique et d’économie administrative qui l’a ruiné. L’Algérie a perdu sur le plan économique tout le savoir faire hérité de la France coloniale. »

                Il est probable que la planification de l’économie a tué ce que certains appellent l’esprit d’entreprise. Pour ceux qui n’aiment pas les entrepreneurs, on peut parler de capacité d’initiative, de créativité, des qualités indispensables au développement et au bon fonctionnement d’une économie.

                Les conseils d’un véritable humaniste ont donc contribué à ruiner un pays, ce qu’il ne souhaitait évidemment pas.

                J’en retiens qu’il faut être très attentif, quand on fait de l’économie, à ce que les bons sentiments (ou les mauvais d’ailleurs aussi) ne viennent pas brouiller l’indispensable effort d’analyse et de construction théorique, qui doit rester du domaine de la raison. Que ces bons sentiments reprennent leurs droits à l’heure de la décision, à condition de prendre en compte ce que la raison froide montre.