La revue Sciences Humaines de novembre signale un livre paru aux USA sous le titre « red families vs blue families », et y trouve la preuve de l’échec du moralisme aux USA dans l’atteinte des objectifs même qu’il pourrait se donner. Et si nous nous posions les mêmes questions, à quoi arriverions nous ?
Le livre de Naomi Cahn et June Carbone (deux juristes) part du constat que les républicains et les démocrates américains ont pu depuis quelques décennies influer notablement sur les règles juridiques des Etats qu’ils dirigent respectivement en ce qui concerne les mœurs : les lois sur la contraception, l’avortement, le divorce l’âge du mariage l’aide aux femmes isolées peuvent être très différentes d’un Etat dirigé par les rouges (républicains) ou par les bleus(démocrates).
Les premiers revendiquent une morale traditionnelle (sexualité limitée à la reproduction, mariage précoce, pro life) et des rôles sexués bien marqués) et les seconds un modèle fondé sur la promotion égale des sexes et une morale libérale(sexualité non reproductive, contraception et mariage tardif).
Or les auteurs montrent que les résultats obtenus ne sont pas ceux attendus, du moins par les Républicains : les régions qu’ils détiennent présentent des taux de divorce, de naissance hors mariage et maternité précoce supérieurs à ceux des régions gouvernées par des démocrates.
Ces résultats ont pour l’instant contribué à la radicalisation de l’opinion néoconservatrice, devant les désordres qu’elle constate.
Précisons que l’analyse des auteurs est contestée, chiffres en main.
La revue Sciences Humaines précise que « les deux auteurs ne cachent pas leur estime pour l’institution du mariage et la stabilité du mariage qui devrait être l’objectif recherché par toutes les familles, qu’elles soient rouges ou bleues ».
Je partage ce dernier point de vue. Le divorce permet sans doute de sortir de situations d’hypocrisie qui peuvent être très perturbatrices pour les enfants, mais il vaut largement mieux pour des enfants vivre dans un foyer uni que d’être des enfants de divorcés, ou de vivre dans une famille monoparentale !
L’erreur des néoconservateurs américains est de croire que des pratiques qui semblaient donner de bons résultats il y a 50 ou 100 ans peuvent être maintenues dans un monde qui a profondément changé.
Quelles leçons en tirer dans le cas français ? Le fait que plus de la moitié des naissances sont maintenant hors mariage ne signifie pas grand chose, tant cette institution a perdu de son aura (le fait qu’elle ait pu être fiscalement défavorisée pendant des décennies laisse assez rêveur sur l’importance que le législateur lui accordait).
Beaucoup de Français se passent de ce système et préfèrent se compliquer la vie quand il faut reconnaître un enfant ou acquérir un bien en commun : c’est leur choix, peut être cela changera t-il. La vraie question est de réfléchir avant de mettre un enfant en route au fait que cela suppose une envie de rester ensemble pendant au moins 20 ans, le temps de l’éduquer. On peut dans ce domaine imaginer qu’une décision prise à 30 ans sur le sujet est en moyenne plus réfléchie que la même à 18 ans.
Le nombre de divorces ne cesse d’augmenter. Ce n’est guère un problème s’il n’y a pas d’enfants, la coupure ne peut jamais être totale dans le cas contraire. Notre société ne semble pas s’en soucier, encore moins en faire un enjeu politique. Le nombre assez élevé de familles monoparentales n’est guère évoqué, sauf pour constater que c’est parmi elles que la proportion de pauvres augmente. Mais qui se posera la question de la manière de diminuer ces situations ?
Contrairement aux USA, la morale n’a pas envahi la politique. Cela peut paraître un bien quand on voit les excès anglo-saxons en matière de mœurs. Ou un mal quand on voit la faible importance accordée par nos responsables politiques à de vieilles notions comme l’honnêteté.
L’étude américaine nous donne la chance de nous poser la question des moyens pour éviter les divorces, les naissances précoces (et les avortements, dont je ne vois pas comment on pourrait se réjouir de leur nombre élevé) et les mères abandonnées, sans tomber dans un moralisme contraire à nos traditions. Mais qui osera dire que la stabilité des couples est une bonne chose pour les familles concernées( ce qui pourrait ne regarder qu’elles) mais aussi pour la société toute entière ?
En lisant le résumé du livre et ce qui est dit de la radicalisation des néo conservateurs, je me suis demandé si la remontée de l’islam dans notre pays n’était pas de la même manière une réaction à des désordres vécus dans ces milieux. D’autant plus que la situation des mères délaissées est d’autant plus difficile si leur formation les conduit à des conditions de travail difficile, des salaires limités ou des périodes prolongées de chômage.
Il se trouve que j’ai fait pendant quelques années de la préparation au mariage dans un cadre confessionnel, avec des jeunes couples qui étaient souvent assez éloignés de l’Église. L’un des principaux objectifs des quelques réunions passées en groupe était d’aider ces jeunes couples, presque tous cohabitants depuis quelques années, à réfléchir à ce qu’ils voulaient construire ensemble, non pas pour juger leur projet, mais pour les inciter à prendre ce temps et à se projeter sur l’avenir (pas seulement sur le papier bleu d’azur ou le prénom de leur premier bébé). Voilà quelque chose qu’il serait bon de proposer à tous les futurs mariés !
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