Incompétence et favoritisme seraient les fondement du fonctionnement des collectivités territoriales, si l’on en croit le brûlot écrit sous le pseudonyme de Zoé Shépard par une jeune femme, haute fonctionnaire, qui a été sanctionnée sévèrement pour son audace. Preuve qu’elle avait tapé trop juste ?
L'histoire du livre est sensée se passer dans une mairie, mais c’est pour la région Aquitaine que travaille l’auteur. L’éditeur ne nous dit pas dans quelle mesure les faits ont été changés(apparemment des responsables de la région se sont reconnus), mais la volonté de l’auteur est clairement de dénoncer un système.
La thèse générale est assez simple : les responsables de la collectivité, et en particulier les membres du cabinet sont d’une incompétence sidérale, ne travaillent guère, mais n’hésitent pas à se payer des voyages aux frais de la collectivité. L’auteur s’est sentie particulièrement sous utilisée, après avoir fait 8 ans d’études supérieures pour se retrouver dans le grade le plus élevé de la fonction publique territoriale, celui d’administrateur.
La manchette de l’éditeur annonce la couleur en commentaire d’un titre qui en dit déjà long : comment faire les 35 heures en … un mois ! L’éditeur ne trahit pas l’auteur qui écrit page 23 : j’évalue mon travail de la semaine à 8 heures. Elle explique ensuite qu’on lui donne une semaine complète pour faire la synthèse d’un dossier de 50 pages, ce qui pour elle représente 2 heures de travail.
Ces huit heures incluent des réunions qui (page 27) « n’aboutissent jamais…(mais) donnent l’impression que l’on travaille, et dans un monde professionnel fondé sur l’illusion, c’est largement suffisant ».
A défaut de travailler, on peut profiter du système comme ce directeur général des services qui ne passe à la cantine que s’ »il n’a pas réussi à se faire régaler dans les plus grands restaurants des environs aux frais de la collectivité ». Ou comme le service de l’auteur qui organise un séminaire au Mont saint Michel, séminaire prévu pour le mois de juin mais qui se déroule en décembre, l’efficacité organisationnelle du service et la lenteur des marchés publics étant passés par là.
Mais il y a beaucoup plus fort : cet élu, surnommé « mains baladeuses » qui a fait passer au noir à travers de faux frais de mission, 7500 euros versés à un intermédiaire, à l’occasion d’un voyage pour lequel il y avait déjà 6 nuits dans un hôtel à 450 euros la nuit, la location d’une limousine pour 600 euros, 650 euros au bar de l’hôtel. Les 7500 euros versés à l’intermédiaire ont servi à payer 3 fois « de la compagnie galante ».
L’auteur attaque durement les incompétences qu’elle rencontre à tous les niveaux, en particulier les plus élevés. C’est ainsi qu’elle baptise « Simplet » le chef de service dont elle hérite après le départ de celui qui l’a accueilli. Ce simplet était auparavant secrétaire du maire et il nous est présenté comme n’ayant passé aucun concours, comme vivant « dans l’ignorance la plus complète des règles de la comptabilité et des finances publiques ». il est vrai qu’il va faire ensuite très fort comme le montrent deux anecdotes.
La première voit le chef de service appeler sa collaboratrice parce que « des chinois sont arrivés » puis corriger en précisant qu’il s’agit de chiliens (mais cela ne change rien !) alors qu’il s’agit de mexicains « oui, Chili, Mexique, cela se touche. Précisons que le service ne question est le service international….
La deuxième voit le même chef de service demander de refaire entièrement une note pour un élu, « parce que la police utilisée à la mairie est de l’Arial 11 et que la note est écrite en Times Roman 12. Le même chef accorde royalement la semaine pour corriger le tir !
Une autre responsable, dont les compétences se situent au même niveau, a été recrutée comme conseillère technique dans le cabinet du maire parce qu’elle est sa nièce. Elle a également passé cinq ans sur les bancs d’une fac d’histoire de l’art dont elle est ressortie avec un DEUG….
La même fait recruter pour un poste en Chine une jeune femme qui n’a aucune des compétences attendue pour le poste mais qui est la sœur d’une amie….
On pourrait prendre d’autres exemples, tant le livre fourmille d’anecdotes, dont on se demande s’il faut en rire ou en pleurer. La violence du propos montre à quel point l’auteur a été scandalisée de ce qu’elle a vu.
Ce livre est il représentatif de la réalité ? Il est malheureusement probable que la réponse à cette question est oui. Entendons nous, l’auteur ne prétend pas que l’ensemble des agents de la fonction publique territoriale sont des incompétents, des fainéants et des profiteurs. C’est surtout les emplois de cabinet qu’elle attaque. Ces cabinets, dont l’influence est importante mais qui ne sont soumis à aucune contrainte de critères de recrutement.
Quelques uns de mes amis en contacts fréquents avec les collectivités territoriales m’ont confirmé la critique, et j’ai pu moi même constater des comportements très dommageables. Ce qui ne veut pas dire que c’est la règle partout, le secteur public ayant cette particularité qu’on peut y croiser des personnages du genre de ceux qui sont décrits ici et d’autres à la fois très dévoués et très compétents. Il y a en a d’ailleurs une dans le livre, une assistante qui fait fonctionner le système.
Le plus extraordinaire dans l’affaire, c’est la sanction prise à l’encontre de celle qui a osé dire que le roi est nu, par les responsables de la région où elle travaille et qui ont réussi à expliquer que certains d’entre eux s’étaient reconnus dans les descriptions, ce qui pour le moins laisse rêveur !
En tous les cas, un livre bien écrit, facile à lire, drôle. dont on peut craindre que s’il a permis à son auteur de se défouler, il risque de ne pas suffire à changer ce qu’il dénonce. Mais après tout, on ne sait jamais !
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