Une réforme de notre système de retraites doit conserver les éléments de justice sociale qui structurent ce système mais elle est aussi l’occasion de remédier aux injustices qu’il comprend encore. Une analyse du système selon ce critère ne serait elle pas la bienvenue ?
Les dossiers sont nombreux : niveau des pensions et justice intergénérationnelle, diversité des systèmes règles de départ et justice interprofessionnelles, origine du financement et justice fiscale, situation des femmes et justice inter sexuelle, .. prenons les sujets un par un.
Le niveau moyen des retraites est légèrement inférieur au niveau des salaires : d’après le septième rapport du COR paru en janvier 2010, en 2004, les pensions se montaient en moyenne à 1288 euros et les salaires à 1416 euros par mois. Cependant, les retraités ont un patrimoine plus important que les actifs, ce qui leur apporte des revenus. Le rapport entre le niveau de vie des plus de 65 ans et celui de l’ensemble de la population se situe à 0.95 en France et à 0.82 dans l’ensemble de l’OCDE. S’il y a une injustice intergénérationnelle, on peut se demander si elle n’est pas en défaveur des actifs. Il est vrai que si c’est le cas, on peut se rassurer : cela ne durera probablement pas, les travaux du COR tablent sur une baisse relative du niveau des pensions. Olivier Ferrand de Terra Nova a fait des propositions en ce sens
Notons que les pensions sont indexées sur les prix et non les salaires. En conséquence, à carrière identique, un retraité de 90 ans va toucher moins que celui de 70 ans, la différence étant dans ce cas supérieure à 10%.
Le même rapport du COR a examiné l’impact des règles de définition du montant des pensions (par exemple celle des 25 meilleures années). Elles créent des différences : par exemple, la règle des 25 ans favorise légèrement les salaires moyens au détriment des salaires les plus élevés et les plus faibles. Le rapport note qu’aux inégalités de niveau de salaire s’ajoutent les inégalités de durée de cotisation, au détriment de ceux qui n’ont qu’une carrière partielle, généralement des femmes. Notons aussi qu’il raisonne en inter décile. En réalité, grâce à des mécanismes de redistribution, le rapport inter décile sur les retraites (4.3 mais 3,2 pour les hommes et 5.3 pour les femmes) est un peu supérieur au rapport des salaires moyens (4.1 mais 3.5 pour les hommes et 3.9 pour les femmes) et nettement inférieur à celui des salaires cumulés (7.1 mais 3.7 pour les hommes et 9.3 pour les femmes).
Passons à la diversité des systèmes. Le COR analyse aussi les avantages respectifs pour les fonctionnaires et les salariés du privé. Si on appliquait les règles du privé aux fonctionnaires, ils auraient une retraite inférieure de 10 à 20%. Mais cela dépend des cas, et 12 à 25% des fonctionnaires, selon les hypothèses, en aurait au contraire une plus importante, en raison du montant élevé de leurs primes, non prises en compte dans le calcul de la pension.
Mais si les différences entre fonctionnaires et salariés du privé sont les plus connues, si le régime des parlementaires focalise de nombreux reproches, la multiplicité des systèmes (le COP en cite 21 mais n’arrive pas à les dénombrer tous.) crée un sentiment d’injustice et d’opacité. Comme le montre le cas des fonctionnaires, les différences entre régimes sont sans doute moins fortes que ce qui est fantasmé par les uns et les autres. Mais la complexité des systèmes engendre sur ce point un sentiment d’injustice malsain.
Il faut rappeler que le système français a été organisé selon une logique corporatiste, autour des grandes branches d’activité et des différends statuts. Les régimes démographiquement déclinant ont ensuite été compensés par le régime général, les régimes bénéficiant d’une forte croissance démographique (celui des cadres à une époque par exemple) se gardant bien de partager leur situation.
Le COR a étudié l’idée du passage à un système un peu différent de calcul des pensions, celui pratiqué en Suède, au nom de comptes notionnels. Une telle transition serait l’occasion de passer à une système unique commun à tous.
Quel critère pour la date de départ en retraite ? il y a toujours eu deux critères, un critère d’âge et un critère de nombre de trimestres de cotisations (cotisés ou validés). L’articulation de ces deux critères a longtemps été telle que c’était le critère d’âge qui comptait le plus pour une majorité de la population. Par exemple, jusqu’à 2003, un maçon ayant commencé à travailler à 14 ans et un instituteur ayant commencé sa carrière à 22 ans partaient tous les deux en retraite à 60 ans, le premier ayant travaillé 46 ans et le second 38 ans.
On peut dans cet exemple d’autant plus parler d’injustice sociale que l’espérance de vie des maçons est très nettement inférieure à celle des instituteurs. Et que le métier de maçon a souvent produit des inaptitudes éventuellement importantes.
La loi Fillon a contribué à diminuer cette injustice, d’une part en alignant sur le point du nombre d’années de cotisation le régime des fonctionnaires sur celui du privé, d’autre part en créant le mécanisme des carrières longues, pour lequel la CFDT s’est battue becs et ongles et qui lui a valu la réprobation de gens qui pourtant prétendent défendre la justice sociale.
Depuis, le nombre de trimestres pour bénéficier des carrières longues a été augmenté de 4 pour passer à 172 trimestres validés (soit 43 ans) pour ceux qui sont nés en 1952, qui ne pourront donc pas partir en retraite avant l’âge de 56 ans (si ces 172 trimestres sont cotisés), voire 59 ans pour ceux dont seuls 164 trimestres sont cotisés (c.a.d. que les 8 autres sont seulement validés, pour une période de chômage ou de congé maternité par exemple).
A coté de cette exigence supérieure pour ceux qui ont commencé tôt, il faut noter que le nombre de ceux qui n’ont pas à 60 ans le nombre de trimestres suffisant pour partir en retraite à taux plein va augmenter, du fait que la proportion de salariés ayant fait des études supérieures n’a cessé d’augmenter dans les décennies précédentes, et notamment à partir des années 70.
L’inquiétude manifestée par les salariés qui ont démarré tard dans la vie active se double généralement de leur ignorance du fait que les périodes de chômage (au moins celles qui sont indemnisées) sont validées pour la retraite de base et donnent droit à des points pour la retraite complémentaire. Ceux qui ont fait les études les plus longues sont en partie protégés par la règle fixant à 65 ans l’âge de la retraite à taux plein.
Précisons cependant que leur retraite tant de base que complémentaire sera proportionnelle au nombre de trimestre validés, le taux plein signifiant simplement qu’il n’y a pas de décote sur la retraite de base.
Le risque actuel est de revenir progressivement à des logiques d’âge et non plus de trimestres cotisés, au détriment des travailleurs qui ont commencé le plus tôt, qui se trouvent être souvent ceux qui ont les métiers les plus pénibles et les salaires les plus bas.
A suivre
Les commentaires récents