A la veille d’une nouvelle mobilisation contre le projet de réforme des retraites, Le Monde nous explique que « la réforme des retraites pénalise d’abord les femmes » selon le titre en page 10 du numéro paru mercredi soir.
La journaliste rappelle les fortes inégalités de montant de retraites entre les hommes (1630 euros mensuels en moyenne) et les femmes : 1020 euros par mois, et seulement 780 euros si l’on met de coté les pensions de réversion et le minimum vieillesse.
Deux raisons essentielles à cet état de fait : les salaires des femmes sont plus bas que celui des hommes (et pas seulement du fait du temps partiel) et elles ont souvent une carrière interrompue, et donc moins de droits.
Le ministre du travail a déclaré que la deuxième cause va disparaître pour les générations qui ont entre 45 et 54 ans, et qu’il faut donc s’attaquer à la première, ce qu’il compte faire selon des modalités de sanction semblables à ce qui a été fait pour l’emploi des seniors.
Il a en partie raison, puisque le taux d’activité des femmes ne cesse d’augmenter depuis 30 ans : les futures retraitées ne seront pas dans la même situation que celles parties il y a dix ou vingt ans. Mais rappelons que le taux d’emploi des femmes n’a pas encore atteint celui des hommes.
Mais en réalité, le sujet n’est pas là : au-delà des différences actuelles, l’article rappelle l’avertissement de la Halde : du fait de la nécessité pour elles d’aller jusqu’à 67 ans pour avoir un taux plein, « la réforme risque donc de pénaliser les femmes plus que les hommes ».
Une fois de plus, une critique de la réforme joue sur l’ambiguïté : la réforme ne risque pas de pénaliser les femmes mais des femmes, en l’occurrence celles qui ont eu une carrière incomplète et qui travaillent jusque 65 ans aujourd’hui et donc 67 ans demain pour avoir une retraite à taux plein
Combien sont elles ? Trop évidemment, d’autant plus, on le verra, qu’il s’agit souvent de celles qui ont les plus bas revenus. Mais on ne nous dit nulle part combien elles sont. Les ¾ ou la moitié des femmes ? un quart ?
En réalité, on l’a compris beaucoup moins : il n’y a qu’à voir autour de soi, le cas n’est pas le plus fréquent.
Une note du CAE de 2007 évoque la situation mais sans donner de chiffres (j’avais 5% en mémoire mais j’avais confondu avec une autre donnée). Elle précise seulement : « On trouve enfin des métiers « féminins » peu qualifiés, où les personnes ont connu des carrières discontinues et cherchent à rester le plus longtemps en emploi pour s’assurer une pension décente »
Mais le reste de la note permet de comprendre que ces métiers ne sont pas les plus importants. C’est ainsi que dans le textile par exemple, les femmes ont bénéficié de départs anticipés. C’est plutôt dans les métiers de service qu’il faut chercher, parmi les femmes de ménage par exemple.
Justement le tableau trimestriel sur l‘emploi des seniors donne page 24 quelques chiffres sur la répartition des âges dans les branches. On voit une proportion de plus de 60 ans plus forte dans les « autres activités de service » (la dernière ligne) mais il est difficile d’en tirer des enseignements.
Un indice dans l’article : les femmes partiraient en moyenne à 61.5 ans contre 60.1 ans pour les hommes. Elles doivent sans doute être beaucoup moins nombreuses à profiter de la loi sur les carrières longues, du fait de la nécessité d’avoir non seulement 168 semestres validés mais surtout 160 semestres cotisés. Combien vont jusqu’à 65 ans pour avoir un taux plein? Sans doute un pourcentage assez faible, mais il est présomptueux ici d’avancer un chiffre. En tous les cas, c’est évidemment loin d’être « les » femmes !
Une dernière question dont je ferais bien un article : les adversaires de la réforme passent leur temps à évoquer tous les perdants ou prétendus tels, femmes, jeunes, chômeurs. N’y a-t-il donc aucun gagnant? Qui sont ils ?
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