Le ministère du travail publie un tableau de bord de l’emploi des seniors, théoriquement trimestriel. La livraison de septembre permet de faire le point de l’évolution de l’emploi, à l’heure où, dans le cadre du débat sur les retraites, certains mettent en avant les difficultés pour les seniors d’avoir un travail.
Le tableau de synthèse au début du document explique les préoccupations gouvernementales : entre 2003(loi Fillon) et 2009, le taux d’emploi des 55/64 ans est passé de 37% à 38.9%,augmentant donc de 1.9% quand celui de l’UE, qui était déjà à 39.9% en 2003, a progressé depuis de 6.1%.
Clairement, notre pays, malgré différentes mesures successives, n’arrive pas à reporter l’âge de fin de carrière, alors que l’arrivée des enfants du baby boom à l’âge de la retraite a commencé à augmenter significativement le nombre de retraités, avec les conséquences qu l’on imagine sur les caisses de retraite.
A y regarder de près, on peut corriger cette première impression, sans l’effacer toutefois complètement.
En raison des particularités de notre pyramide des âges, cette hausse de 1.9% du taux d’emploi des 55/64 ans est le résultat d’une hausse de 3.9% du taux d’emploi des 55/59 ans, et de 3.7% du taux d’emploi des 60/64 ans. Ces particularités ont conduit l’INSEE à calculer un taux « sous jacent », qui a progressé de 4.6% . C’est mieux que le 1.9% apparents, mais cela reste moins que l’évolution du taux de l’UE.
Le taux d’emploi des 60/64 ans reste très faible, à 17%, et on comprend qu’il le restera tant que la liquidation des droits à la retraite pourra se faire à 60 ans, ce qui explique les projets gouvernementaux de passer à 62 ans.
On constate aussi un changement récent, puisque le taux d’emploi des 55/64 ans a gagné 2.1% en 2009, et que le taux sous jacent des 55/64 ans a lui gagné 1.5%.
Le premier tableau se termine sur les effectifs en situation de cessation anticipée d’activité, qui dépassent les 500 000.
.Comme on le sait, la France a usé et abusé depuis plus de 30 ans de dispositifs permettant une fin de carrière avant le départ normal en retraite. Le tableau de la page 31 montre l’impact des différents dispositifs qui se sont succédé et qui ont conduit à ce que le nombre de personnes concernées ne descende pas en dessous de 450 000 depuis 1982.
Actuellement, le système des pré retraites étant en voie de disparition progressive, les personnes en cessation d’activité relèvent pour l’essentiel soit des carrières longues, soit de la dispense de recherche d’emploi.
Le système des carrières longues a été institué en 2003 par la loi Fillon, à la demande insistante de la CFDT. Il concerne des personnes qui ont démarré leur carrière professionnelle avant l’âge de 18 ans, et qui peuvent justifier de 168 trimestres validés (soit plus que ce qui sera réclamé pour tous après la réforme en cours), dont au moins 160 cotisés. Les départs ont atteints les 120 000 par an en 2007.
Le dispositif a été modifié fin 2008, le nombre de trimestres validés exigé ayant été augmenté de 4 au final. Les départs ont donc été beaucoup plus faibles en 2009 (environ 35 000) et au début 2010 (25 000 environ à fin juin). La nouvelle loi va reporter à, terme les départs pour carrières longues à 60 ans (58 ans pour ceux qui ont commencé à 14 ou 15 ans.
Le nombre de départs dans ce cadre devrait cependant diminuer progressivement. En effet, la scolarité obligatoire jusque 16 ans a été instituée en 1959, avec effet pour ceux qui entraient en primaire à ce moment là, et qui ont donc eu 16 ans en 1969 et 57 ans cette année.
Le système de la dispense de recherche d’emploi avait pour but de protéger les chômeurs âgés, qui avaient une chance faible de trouver du travail. Ceux là bénéficiaient de 36 mois de chômage indemnisés après leur perte d’emploi. Le système a progressivement été utilisé par les entreprises pour proposer à leurs salariés de 57 ans environ de partir « pour projet personnel ».
C’est ainsi qu’en 2007, avant la crise donc, les entrées en DRE ont presque atteint les 160 000.
Le gouvernement a modifié à l’été 2008 les modalités d’application de la DRE. Le nombre d’entrées (voir page 12) a été en 2008 d’environ 115 000, en 2009 d’environ 85 000 et au premier semestre 2010 à environ 30 000, ce qui correspond à un rythme annuel de 60 000.
Ce choix a un impact mécanique sur les chiffres du chômage. En effet, les 383 117 personnes qui étaient en DRE indemnisée à la fin de 2007 n’entraient pas dans les statistiques du chômage, regardées chaque mois à la loupe par la presse. Supprimer la DRE, c’est donc prendre le risque d’une augmentation d’autant des chiffres du chômage.
La suppression de la DRE s’est produite juste avant la crise, et alors que les modifications des règles de carrière longue diminuaient notablement l’impact de ce dispositif.
Il est donc intéressant de comparer les chiffres du chômage fin 2008 et fin 2009.
L’effectif en situation de DRE indemnisée est passé de 383 117 à fin 2007, à 353 950 à fin 2008 et à 324 300 à fin 2009.
L’effectif en retraite anticipée pour carrière longue est passé de 234 507 à fin 2007 à 260 581 à fin 2008 et 182 205 à fin 2009.
Dans le même temps, le nombre de chômeurs de 55/ 59 ans (page 14) est passé de 116 milliers à 162 milliers. Le nombre de chômeurs dans les autres catégories d’âge augmente nettement moins vite : de 13% pour les 50/54 ans. Si l’on retient ce taux de 13% comme représentatif des effets de la crise, les modifications de règle ont coûté environ 31 milliers de chômeurs de 55/59 ans en plus. Il est tentant de comparer ce résultat avec la diminution des effectifs en DRE indemnisée, d’environ 29 milliers, mais il est difficile de mesurer l’effet de la baisse de dispositif carrière longue, dont le « stock » a baissé de 78 milliers dans le même temps.
On constate que sur un effectif total (un peu plus de 4 millions de 55/ 59 ans) qui a très légèrement baissé d’une année à l’autre, le nombre de personnes en emploi (en milliers) a nettement augmenté, passant de 2306 en fin 2008 à 2381 à fin 2009
Augmentation de l’emploi et augmentation du chômage, dans le même temps, c’est le nombre d’inactifs qui a baissé, toujours en milliers, de 1671 à 1531.
On trouve dans les entrées à Pôle Emploi 8700 fin de CDD sur le premier trimestre 2010. La DRE ne les protégera sans doute plus.
Mais on trouve sans doute aussi des salariés qui ont accepté un licenciement dans le cadre d’un plan de volontariat, ou qui ont demandé une rupture conventionnelle, en croyant qu’ils pouvaient imiter leurs anciens et sans comprendre que les règles ont changé. Ce dernier type de cas m’a déjà, été signalé, sans que je puisse bien sûr en évaluer la fréquence.
Dernière remarque : le document comporte page 24 un tableau de la répartition des effectifs par tranche d’âge selon les secteurs. Le secteur qui compte le plus de plus de 50 ans, est l’agriculture (37.8%) très loin devant les affaires immobilières (33.1%). Celui qui en compte le moins est celui de l’information et de la communication à 17.1%. Pas de surprise, les secteurs en croissance sont logiquement plus jeunes que ceux en décroissance.
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