A force d’entendre dire que telle ou telle catégorie est perdante avec la réforme des retraites, on en vient à se demander qui peuvent bien être les gagnants, sauf à imaginer que la droite veuille jouer à un jeu où il n’y aurait que des perdants. Mais les gains et les pertes ne sont peut être pas ceux annoncés !
Attention, il s’agit ici de mesurer l’impact de la réforme, donc de comparer ce qui se passe si on la fait à la situation si on ne la fait pas, pas de savoir s’il y a des gagnants ou des perdants dans le système actuel !
Avant de savoir où vont les gains et les pertes, il faut bien sur se demander si le total est positif, neutre ou négatif. Les opposants aux projets font l’hypothèse, jamais explicitée, que les effets de celui-ci seront neutres, en clair qu’ils n’auront pas d’effet sur l’emploi global, car c’est là évidemment que se joue la question du solde global de l’opération.
Si on se met dans cette hypothèse de neutralité, il faut à la suite de ceux qui expliquent que toutes une série de catégories vont voir leurs pensions diminuer, conclure que cela va diminuer les dépenses des caisses de retraite. Celles-ci pourront répercuter cet impact, soit sur les cotisants, en n’augmentant pas les cotisations (parce que bien sur, si on ne fait rien d’autre, c’est ce qui nous pend au nez, les socialistes l’ont déjà promis), soit sur les retraités, en ne baissant pas les pensions (on sait que les travaux du COR aboutissent à une baisse assez forte du niveau des retraites, en particulier celle complémentaires), soit plus probablement un peu sur les deux.
Bref, les gagnants, c’est presque tout le monde ! Et en particulier, comme je l’ai déjà écrit, les plus jeunes, qui seraient les grands perdants d’une suppression du projet.
Il se trouve cependant que j’ai affirmé à longueur d’articles que les pertes mises en avant par certains opposants étaient soit irréelles, soit beaucoup plus faibles qu’annoncé (en fait surtout, elles touchent seulement un faible nombre de personnes). Si on suit mon propre raisonnement, les pertes étant faibles, les gains le seront aussi
C’est là qu’il faut revenir sur la question de la neutralité du total. Contrairement à l’hypothèse implicite de ce qui se dit le plus souvent, la réforme devrait avoir un effet positif sur l’emploi.
Beaucoup de gens sont persuadés que l’emploi est un gâteau fixe à se partager ou à empêcher de diminuer. Dans cette perspective, le départ d’un retraité permet l’emploi des jeunes, l’arrivée des immigrés enlève le travail des français et la montée de l’activité féminine se traduit par le chômage des hommes.
Avec la même base de raisonnement, beaucoup avaient prédit que le papy boom allait se traduire par une pénurie de cadres, que le chômage allait disparaître avec les « départs massifs » à la retraite. J’avais écrit avec Alexandre Delaigue qu’il n’en était rien, et il faut bien dire que quatre ans après, les faits nous donnent raison !
Je reprends ici ce qu’avait alors écrit Alexandre :
Le nombre de personnes disponibles pour travailler influe directement sur le nombre d’emplois. Le lien entre population et emploi est l’un des plus étudiés par les économistes. De cette connaissance accumulée, il ressort que, sur le long terme, le nombre de personnes employées dans un pays est directement lié à l’évolution de la population active. Dans les pays de l’Organisation de coopération et de développement économique (OCDE), il existe une forte corrélation entre croissance de l’emploi total et croissance de la population active : plus le nombre de personnes qui souhaitent travailler augmente, plus l’emploi total augmente.
C'est ainsi que la volonté d'uin nombre accru de femmes de travailler s'est traduit depuis 25 ans par une augmentation régulière du taux d'activité total de la population française.
Donc sur le long terme (et la réforme se mettra progressivement en place jusqu’en 2017), le fait de prolonger de un ou deux ans environ la durée de cotisation va augmenter la population active disponible et donc l’emploi total.
La prolongation diminue aussi mécaniquement les dépenses des caisse, puisqu’on diminue de un à deux ans la durée de versement de la retraite.
Toutes choses égales par ailleurs, cette augmentation d’emploi et cette économie de versement permettraient de baisser les cotisations et/ ou d’augmenter les pensions
Vu les projections sur les ressources et dépenses du système de retraite, la réforme va surtout permettre d’éviter d’augmenter les cotisations et diminuer la baisse programmée des pensions.
Qui sont alors les gagnants ? Ceux qui cotisent et les retraités, donc un peu tout le monde.
Qui sont les perdants ? Tous ceux qui vont devoir travailler quelques mois ou années de plus. Simplement, contrairement à ce qui se dit, ils n’auront généralement pas d’inconvénients en plus de celui là : les vacances tant espérées sont pour plus tard qu’on ne le croyait, il n’y a plus assez d’argent pour les financer !
En réalité, on pourrait résumer la réforme en « travailler plus longtemps pour gagner plus » !
On notera que ceux qui veulent partir plus tôt peuvent le faire avec une décote, c'est-à-dire sans en faire supporter le coût par la collectivité.
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