Avoir exactement le même service dans tous les pays du monde, de la part d’une multinationale est il souhaitable et se fait il par la déshumanisation du travail des salariés ? Les commentaires du documentaire la mort du travail le laissait entendre. État des lieux.
Alors que
le taylorisme a laissé dans l’industrie la place à des formes plus proches du
toyotisme, le fonctionnement des grandes chaînes de service et des centres
d’appel fait appel à des principes de standardisation et de surveillance qui se
rapprochent de ce qu’on trouvait dans le travail des ouvriers spécialisés,
alors qu’il s’agit non plus de standardiser les gestes mais de standardiser les
comportements, avec tout ce qu’on imagine comme risque de déshumanisation.
Le centre d’appel de Carglass
montré dans le documentaire ressemblait à ce qu’on peut trouver ailleurs :
l’organisation pousse (énergiquement!) à l’utilisation des meilleures pratiques. Dans le cas
d’un centre d’appel, ces meilleures pratiques concernent la manière de s’adresser
aux clients au début de l’entretien comme à la fin, dans la recherche
d’information comme dans la proposition de solutions. Le responsable
hiérarchique a la possibilité en permanence d’écouter les conversations et il a
des statistiques sur le nombre d’appels, la durée des appels et le temps de
pause pris par les salariés.
La manière de gérer ces informations pour que chaque salarié se mette le plus vite possible aux meilleures pratiques dépend ensuite de chaque centre, du mode de management des responsables. Ce qu’on a vu de Carglass ne le classe pas dans les centres d’appel les plus désagréables.
Le caractère très taylorien des activités de centre d’appel entraîne un fort turn-over (aussi parce que c’est souvent un job provisoire, par exemple pour un étudiant), ce qui peut coûter cher.
Pour diminuer les prix, beaucoup
de centres d’appels ont été installés à l’étranger, d’abord en Irlande, puis
dans les pays francophones d’Afrique (ou en Inde).
Ceux qui restent en France ont
généralement besoin de compétences assez élevées, niveau bac + 2 voire
ingénieur (encore que les hot lines informatiques émigrent elles aussi). Si le
temps d’apprentissage est assez long, l’entreprise a intérêt à limiter le
turn-over en offrant un confort physique suffisant et un management
supportable. Ce qui ne veut pas dire qu’elle le fasse toujours.
S’il faut un bon niveau de
compétences, c’est que le contenu des échanges, au-delà des formules toutes
faites, demande une capacité d’adaptation du salarié à son interlocuteur.
C’est d’ailleurs la caractéristique générale des services faisant l’objet d’une organisation standard, que ce soit dans la restauration ou dans le commerce. L’idée principale est que le salarié puisse se concentrer sur la partie du service non standard d’adaptation à son client, celle qui ne peut se créer que dans la relation directe, en s’appuyant pour tout le reste sur des pratiques formalisées et efficaces.
La standardisation partielle peut
être vécue par les clients comme rassurante (si j’entre dans un restaurant de
telle chaîne, j’ai la certitude de bénéficier de tel service) ou comme
déshumanisante.
Les résultats économiques sont tels qu’on peut imaginer que
ceux qui aiment les repères sont assez nombreux !
La taylorisation massive dans l’automobile avait abouti à une forte augmentation de la productivité mais aussi à une déshumanisation du travail, illustrée par Charlie Chaplin dans « les temps modernes ». La conséquence avait aussi été un fort absentéisme.
La taylorisation des services ne
date pas d’hier, notamment dans les back offices des banques et des assurances.
Ces services administratifs ont été très informatisés depuis.
Ce qu’il y a de spécifique et
nouveau dans certains services taylorisés comme les centres d’appels, c’est
d’une part que le niveau de compétences demandé est souvent plus élevé que ce
qui existait auparavant dans l’industrie, d’autre part et surtout que c’est ce
qui apparaît le plus humain qui est ainsi taylorisé : il ne s’agit plus de
travailler sur les gestes mais sur les paroles, sur les attitudes, sur la
relation avec l’autre.
On trouve déjà cela dans les 4 règles de la caissière
chez Auchan (je crois !) : bonjour, sourire, merci, au revoir (sans
garantie !)
Le résultat, seuls ceux qui l’ont vécu, comme Miss pas touche, peuvent en parler, non ?
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