Je ne sais vraiment pas comment finiront les événements en cours à la Guadeloupe, mais je crains fort qu’ils ne changent pas grand-chose à une situation inextricable : une société sous perfusion, des rapports de classes marqués par le facteur racial et une population qui semble comme enfermée dans son histoire coloniale.
Comme dans la plupart des DOM TOM, la vie économique de la Guadeloupe est articulée autour du lien avec la métropole, qui finance abondamment (mais pas forcement de manière pertinente) qui envoie ses fonctionnaires, lesquels bénéficient d’un sursalaire pour pouvoir vivre selon les modes de vie métropolitains et enfin qui exporte ses produits sur place, avec ce que cela veut dire comme impact sur les prix. On notera qu’il y a maintenant sur place des guadeloupéens sur diplômés mais qu’on ne semble pas savoir sortir du système ancien.
Je ne connais pas assez les conditions sur place pour juger si la tentative affichée par le gouvernement de « passer à une logique de développement endogène » correspond à des vœux pieux, une bonne stratégie bien que difficile ou un cache sexe d’une politique plus cynique d’avantages donnés aux patrons.
Mais ce que je lis me fait furieusement penser à une autre situation vécue en métropole, il est vrai il y a un bon nombre d’années
Dans cette EPIC, la nécessité de la maîtrise de l’anglais avait conduit à recruter au niveau bac +2 pour des activités habituellement confiées à des titulaires du CAP. Les salaires étaient nettement au dessus du marché et ils augmentaient fortement avec l’ancienneté, comme on le sait le faire dans le secteur public.
Contenu du travail à faible intérêt, organisation du travail taylorienne et management inadapté faisaient que les salariés étaient (très) peu satisfaits de leur vie au travail. D’où des grèves régulières qui se finissaient par un compromis sur les salaires. Résultat, le vrai problème n’était pas réglé mais il était toujours plus difficile pour les salariés de quitter une entreprise pour gagner beaucoup moins ailleurs. En fait la « solution » adoptée renforçait le problème.
S’ils obtiennent les augmentations de salaire financées par la métropole, les grévistes de la Guadeloupe ne feront que renforcer la situation de dépendance dans laquelle ils sont enfermés, qui deviendra encore plus insoluble. Ils n’auront pas pour autant gagné ce qu’ils réclament probablement d’abord : la reconnaissance de leur dignité.
C’est ce qu’avait tenté de faire, avec un certain succès, la mission de pacification menée par C Blanc en Nouvelle Calédonie, il y a plus de 20 ans. Mais il est vrai que les richesses en nickel de l’Ile facilitent un développement endogène. Encore fallait il que ce développement ne soit pas confisqué par une petite minorité : c’est évidemment l’un des enjeux de la Guadeloupe !
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