Le président de la République veut fournir 10 milliards supplémentaires aux banques, qui ont déjà profité de la même somme il y a quelques mois, sans parler de la caution de plus de 300 milliards qui leur avait été accordée. N’y a-t-il donc pas d’autres priorités, pour soulager ceux dont le budget est trop faible ou financer l’éducation ou la santé ?
Au moment où les gouvernements, dont le notre, se portaient massivement à l’aide des banques, pour des montants chez nous supérieurs au budget annuel de l’Etat, certains ont pointé la contradiction entre le refus de dépenser quelques milliards pour éradiquer la pauvreté dans notre pays ou la faim dans le monde et la facilité avec laquelle ces sommes monstrueuses étaient trouvés. Comment pouvait on mettre en avant des sommes pareilles après avoir refusé de nombreuses demandes d’un montant très inférieur sous le prétexte qu’il n’y avait plus d’argent en caisse ?
En pratique, l’Etat n’a rien eu à débourser, aucune banque française n’ayant fait faillite. Seule la banque franco belge Dexia est passée près du gouffre. ,Elle a bénéficié d’une aide (remboursable) de 6.4 milliards d’euros de la part des états français belges et luxembourgeois.
Cette politique de caution, qui au final n’a donc rien coûté, a aidé à terminer la partie la plus cruciale de la crise financière. Je notais le 19 décembre que l’écart entre le taux au jour le jour et celui à trois mois était redescendu à 0.9% après avoir atteint des sommets précédemment. Le 31 décembre, il n’était plus que de 0.7% . Il est de 0.475% ce 10 janvier, avec un taux à 3 mois limité à 2.692%.
Les prêts de 10 milliards d’euros faits aux banques françaises étaient une autre forme d’aide. Dans ce cas là, les sommes ont bel et bien été apportées, afin de renforcer les fonds propres des banques et donc leur capacité à prêter tout en respectant les ratios prêts sur fonds propres. Si le gouvernement souhaite doubler ce montant par une opération identique, c’est parce qu’il considère qu’il y a de fait des restrictions de crédit préjudiciables au bon fonctionnement de l’économie.
Ces prêts peuvent être considérés comme un avantage pour les banques puisque la commission européenne en a limité le montant pour ne pas induire des distorsions de concurrence entre banques. Le gouvernement fait cependant valoir que le taux d’intérêt versé par les banques sera un peu supérieur à 8% : c’est donc l’Etat qui fait une bonne affaire, dit il.
On peut se demander pourquoi le gouvernement procède à cette opération. Une première raison, celle qui est affichée, est que les entreprises continuent à avoir des difficultés à emprunter, et qu’il s’agit donc de renforcer la capacité des banques à leur prêter, pour sortir au plus vite de la récession.
La deuxième raison possible est évoquée par Marc Touati dans un entretien avec le Point : les banques vont devoir « avouer » quelques « cadavres » dans leur placard, en clair passer des provisions importantes pour créances douteuses, ce qui va faire baisser leurs ratio et risque de recréer cette défiance dont on commence seulement à se débarrasser. L’apport de l’Etat est donc préventif.
Ces deux raisons ne sont pas incompatibles. On notera que Marc Touati fait l’hypothèse d’une reprise avant la fin de l’année 2009 (à cause de la baisse des taux et du prix du baril notamment), et qu’il pense qu’elle sera forte quand elle sera là, Je partage cette dernière idée, ayant constaté une sous estimation générale des mouvements de l’économie, sans doute parce que les modèles n’ont pas assez intégré la capacité renforcée des entreprises à réagir vite, dans un sens comme dans l’autre.
Alors, faut il admettre que l’Etat n’a pas fait de cadeaux aux banques ? Ce serait aller vite en besogne, et oublier d’une part ce que représente pour elles la forte baisse des taux et d’autre part le rôle joué par OSEO
Au plus fort de la crise, le gouvernement a en effet annoncé qu’OSEO était en mesure de prêter aux entreprises qui en avaient besoin, jusqu’à donner un numéro vert pour cela (par contre Bercy n’était pas pressé de donner les fonds correspondants à OSEO !). Au final, c’est environ 5 milliards (venus en partie de la caisse des dépôts) qu’OSEO prête ou garantit pour les PME.
Il est probable qu’OSEO se retrouve avec les prêts les plus risqués, soulageant ainsi les banques et leur évitant des pertes. Bien sûr, l’objectif n’est pas pour OSEO de financer les canards boiteux mais de compenser les baisses « anormale » de crédit. Mais il est difficile de différencier en période de récession les boites saines et celles qui ne le sont pas ou plutôt ne le sont plus.
Imaginons par exemple un concessionnaire automobile dont les résultats sont régulièrement bénéficiaires mais qui voit d’un seul coup son chiffre d’affaires baisser fortement, conduisant à des résultats négatifs. Faut il l’aider à passer une mauvaise période transitoire, ou cet affaiblissement est il durable, la crise ne faisant que révéler une situation limite ? Difficile à dire évidemment, on fera donc l’hypothèse qu’il y a tous les cas de figure, mais que les pertes que constatera sans doute OSEO dans un an seront autant d’évité par les autres banques. Il est impossible à ce stade de savoir si ce seront simplement quelques dizaines de millions (une goutte d’eau à l’échelle du système bancaire français) ou beaucoup plus.
Mais personne n’ira reprocher au gouvernement ces interventions d’OSEO en soutien aux PME. Chacun sait que dans notre pays, les PME sont des gentils, et les grandes entreprises, en particulier les banques, des méchants !
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