Les économistes de la Banque de France lisent peut être Verel : en tous les cas, ils reprennent les prévisions faites ici il y a 3 semaines, d’un fort recul du PIB au 4ème trimestre. L’enquête de conjoncture montre cependant la difficulté des entreprises à anticiper leur activité dans les tout prochains mois.
La note mensuelle de la Banque de France est le résultat d’une enquête d’opinion, et les résultats produits expriment simplement le nombre de chefs d’entreprise qui pensent que les choses s’améliorent ou se dégradent pour eux sur un thème donné (commandes, stocks, trésorerie, effectifs, prix…). Cela ne donne pas une anticipation exacte de l’activité mais cela marque généralement la tendance.
Les schémas publiés sont impressionnants puisqu’ils montrent tous un effondrement des courbes ces tout derniers mois. On note cependant dès la page 3 la situation particulière de l’automobile : pour l’évolution de la production quand l’ensemble se trouve en octobre à –20, l’automobile est à –90 ! Derrière l’automobile, ce sont les biens intermédiaires qui souffrent le plus, quand l’agro alimentaire est pratiquement stable. Au final, l’indicateur du climat des affaires, qui se situait un peu au dessus de 90 cet été, a perdu 6 points en septembre, 8 en octobre et encore 10 en novembre, ce qui le ramène à 68
Tout cela est assez attendu. Ce qui est plus intéressant à noter, ce sont les commentaires secteurs par secteurs, à partir de la page 10
Au sein des activités intermédiaires, pour les produits minéraux, les chefs d’entreprise notent que l’activité a diminué, jugent les carnets de commande très insuffisants et les stocks trop élevés : ils prévoient une diminution de la production, rien de plus normal.
Pour les produits textiles, même constat sur l’activité passée, les commandes et les stocks, mais l’activité est prévue stable : sans doute est on déjà à un niveau bas.
L’industrie du bois et papier est dans la situation des produits minéraux, de même que celle de la chimie, du caoutchouc et du plastique de même que celle de la métallurgie ou celle des composants électroniques : ce sont bien l’ensemble des industries intermédiaires qui souffrent, en partie à cause de la forte baisse dans l’automobile.
Au sein des industries d’équipement, on rencontre un secteur qui va bien (c'est-à-dire qu’il est stable mais à un haut niveau) ; celui de la construction navale, aéronautique et ferroviaire : bonne nouvelle pour St Nazaire et Toulouse. A contrario, on retrouve pour les équipement mécaniques le jugement précédent : baisse passée de l’activité et du niveau des commandes, stocks trop élevés et prévisions à la baisse.
Surprise par contre avec l’industrie des équipements électriques et électroniques : la production a baissé, le carnet de commandes est jugé bon mais moins qu’avant, les stocks sont un peu trop élevé, mais on prévoit une progression de l’activité ! Peut être n’y a-t-il pas un gros carnet de commandes, mais qu’il est urgent. Ce serait un résultat logique d’une clientèle en aval qui réduit ses stocks au minimum.
La situation de l’automobile et de ses sous traitants reste calamiteuse
On arrive aux biens de consommation
Dans l’habillement et le cuir, la production passée est restée stable, le carnet de commandes est en baisse et les stocks trop élevés : on s’attend donc à une prévision de production à court terme à la baisse : c’est le contraire, elle est indiquée à la hausse ! Doit on envisager la même explication que pour les composants électroniques ?
Dans l’édition et l’imprimerie, les commandes sont jugées faibles et à la baisse, les stocks sont trop importants, mais la production passée et future est évalué comme stable.
Suit un secteur qui se porte bien ( pharmacie, parfumerie et entretien) puis un secteur qui se porte très mal, celui de l’équipement du foyer.
On retrouve dans l’industrie laitière la même anomalie que dans l’habillement : moins de commandes, trop de stocks et une activité qui progresse !
Dans les services marchands, on retrouve une tendance défavorable à peu prés partout
Que conclure de tout cela ?
D’abord, on note que partout, on trouve les stocks trop élevés : cela peut refléter une baisse d’activité passée moins rapide que la baisse des commandes, ce qui a pu conduire à un grossissement des stocks. Cela peut refléter aussi une évolution à la baisse de l’objectif de stock, en raison des difficultés faites par les banques pour financer les besoins de trésorerie. La première explication semble juste pour l’automobile, et explique les nombreuses fermetures temporaires ce trimestre. Il est possible que la seconde explication soit plus en cause ailleurs, par exemple dans le secteur des biens de consommation, ce qui expliquerait les anomalies relevées.
Dans un certain nombre de cas, peut être a-t-on des stocks plus bas qu’il y a 6 ou 12 mois, mais encore trop hauts pour les contraintes de trésorerie. Cela conduit à des commandes urgentes vers l’amont si le stock est trop serré.
D’autre part on retiendra qu’on peut répartir la demande en 3 grandes catégories
La consommation des ménages en produits courants, qui ne bouge apparemment pas beaucoup
La consommation des ménages en produits d’équipement, y compris l’automobile, qui baisse fortement parce que le crédit devient difficile.
La demande des entreprises et des collectivités qui dépend beaucoup des secteurs : ceux liés à l’automobile et l’équipement des foyers soufrent beaucoup, les autres sont plutôt victimes d’un ralentissement, peut être en partie provoqué par la volonté de soulager la trésorerie
Ces résultats confortent d’une part ma prévision pour le 4ème trimestre, d’autre part le choix du plan de relance gouvernemental : ce n’est pas la consommation courante des ménages qu’il faut soutenir, il faut lutter contre les conséquences du manque de crédit
Un mot pour finir sur la prévision pour le 4ème trimestre, chiffrée à un recul du PIB de 0.7% . J’ai imaginé un chiffre supérieur en raisonnant à la louche. Je n’ai évidemment pas les moyens de la Banque de France et son chiffre est donc beaucoup plus crédible, d’autant plus qu’il arrive 3 semaines après le mien.. Mais il me parait possible que le chiffre avancé par la BDF soit optimiste. D’abord on notera que dans une période aussi bouleversée, la fourchette de prévision doit être plus forte que d’habitude. Ensuite, il me semble logique que la Banque ait annoncé la valeur la plus optimiste de la fourchette, pour ne pas être accusée de contribuer à la récession. De toutes manières, quand le vrai chiffre paraîtra, la tendance pourra avoir bougé, ne serait ce que parce qu’on ne peut pas réduire les stocks indéfiniment.
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