Pour la première fois depuis 32 ans et l’élection de Jimmy Carter, un candidat démocrate à la présidentielle recueille plus de 50% des voix. Dans un pays où les Républicains montraient une nette suprématie depuis longtemps, le nouvel élu a su faire un sans faute en utilisant tous les leviers d’une victoire. Il a aussi profité des faiblesses adverses.
Bill Clinton l’avait emporté en 1992 et en 1996 avec moins de 50% des voix, respectivement 43 et 49%, en raison de la présence du candidat indépendant Ross qui réunit successivement 18.9% et 8.4% des suffrages. Les Républicains avaient sans doute plus pâti que les démocrates de ce 3ème larron. En 1996 les Républicains eurent d’ailleurs la majorité dans les deux chambres.
Il fallait donc au candidat démocrate beaucoup d’atouts pour l’emporter, de plus avec une avance confortable : 52 à 47%, le même écart qu’entre N Sarkozy et Ségolène Royal.
C’était d’autant plus difficile qu’une grande majorité des électeurs reste fidèle à un parti, ce qui explique que certains Etats ne change pratiquement jamais de couleur d’une élection à l’autre.
Mais en fait tout a joué pour lui :
Il a su se positionner au centre
Il a su mobiliser son camp
Il a eu une stratégie plus cohérente que son adversaire
Le camp adverse était peu uni
La campagne a été très bien organisée
Le contexte économique et général a joué en sa faveur
Il a su se positionner au centre. C’est en effet là que se joue la décision de ceux qui peuvent changer d’avis, les indépendants qui votent parfois Démocrate, parfois Républicain. Le programme de Barack Obama a toujours été modéré. Les tentatives de ses adversaires de le présenter comme un gauchiste ou (pire !!) un socialiste , n’ont guère convaincu. Son adversaire au contraire, qui lui même est plutôt un modéré et en tous les cas un indépendant a été obligé de se radicaliser pour rassembler son camp : le choix de Sarah Palin, destiné à rameuter la droite religieuse, conservatrice et anti-fédérale, a servi de repoussoir aux électeurs centristes.
Il a réussi dans le même temps à mobiliser son camp. C’est primordial : on a vu en 2002 un Lionel Jospin perdre dans son camp pour avoir trop tôt cherché la victoire au centre. Ce n’était pas le plus facile, les Républicains ont montré la difficulté de mobiliser son camp et de chasser au centre en même temps. John Mac Cain a d’ailleurs essayé de le concurrencer sur un terrain traditionnellement démocrate, les cols bleus, qui avaient soutenu Hillary Clinton lors des primaires. C’est dans cet esprit qu’il est venu régulièrement en Pennsylvanie. Mais la manœuvre a échoué et Obama l’a emporté aussi dans l’Ohio, terre de vieille industrie.
Les électeurs noirs représentaient évidemment une partie importante de la base démocrate. D’après le Monde, les noirs ont voté à 95% pour Obama !. Comme l’avait expliqué mon ami Guillaume dans son club « Harlem pour Obama » l’enjeu n’était pas de convaincre les noirs de voter Obama mais de les convaincre de voter tout simplement, en commençant par s’inscrire sur les listes électorales. J’ai entendu à la radio qu’un noir sur 5 est privé du droit de vote suite à une condamnation ! Et le Monde toujours, signale que près d’un quart des électeurs qui se rendaient aux urnes pour la première fois étaient noirs.
Cette mobilisation s’est traduite par une participation très importante, le record historique de 66% (des personnes en âge de voter) datant de 1908 pouvant avoir été battu, alors que ce taux était de 56.7% en 2004. On notera qu’une telle progression signifie que Mac Cain a su sans doute aussi mobiliser, peut être grâce à S Palin.
Après des primaires très longtemps indécises, il y avait un risque de perdre des voix dans l’électorat de Hillary Clinton : on a vu que cela n’a pas été le cas chez les cols bleues. Cela n’a pas non plus été le cas chez les femmes, les sondages de sortir des urnes attribuant dans cette catégorie 56% des voix au candidat démocrate. Sur ce point, on peut penser que l’image de Sarah Palin a joué contre le camp Mac Cain.
Obama a aussi eu une stratégie cohérente. Son positionnement n’a guère changé pendant la campagne (par exemple son positionnement sur l’Irak n’a pas varié depuis le début). Son adversaire a au contraire été en porte à faux : lui, le marginal qui avait montré pendant des années sa capacité d’indépendance (encore dernièrement en condamnant l’usage de la torture à Guantanamo), a été contraint pour essayer de rassembler son parti, d’adopter les positions les plus traditionnelles des Républicains. Ce manque de cohérence a forcément joué contre lui ; Comme a joué contre Ségolène Royal sa posture avec et à coté du Parti Socialiste.
Le camp républicain était au contraire peu uni. Comme l’avait expliqué mon ami Guillaume sur ce site, les Républicains l’ont emporté jusqu’ici par l’alliance entre les milieux d’affaires et la droite chrétienne (essentiellement évangéliste). Aucun des candidats aux primaires n’a été capable de renouveler cette alliance et d’une certaine manière, Mac Cain n’était d’aucun des deux camps. Si Sarah Palin a contribué à mobiliser la droite (elle avait plus de monde à ses meetings que John Mac Cain), les milieux d’affaires n’ont pas suffisamment suivi : c’est au contraire Barack Obama qui avait de loin le plus de moyens financiers (il est vrai que Mac Cain avait fait le choix du financement public).
L’organisation de la campagne a aussi été un modèle du genre. L’utilisation des médias, traditionnels comme d’Internet , l’appel aux fonds privés, la mobilisation des troupes, tout a été fait avec un très grand professionnalisme. Dans ce domaine, les américains ont de l’avance sur nous, quoique l’organisation de N Sarkozy ait ét également exemplaire et que l’UDF (et maintenant le Nouveau Centre et le Modem) savent très bien utiliser les outils modernes.
Mais il est possible que la principale raison de la victoire soit simplement économique. Mais lecteurs savent que c’est un de mes dadas : l’état de l’économie explique pratiquement tous les résultats électoraux chez nous depuis 30 ans. En 2004, les américains ont voté Bush malgré les doutes sur la guerre en Irak parce que l’économie allait bien. En 2008, au contraire, le mieux en Irak n’a pas compté face à la dégradation de l’économie depuis plus d’un an et la montée en conséquence du chômage. La faillite de Lehmann Brothers était le coup de grâce pour Mac Cain. Le candidat démocrate ne s’y est pas trompé : il a centré tous ses discours sur l’économie.
On notera que si Obama peut compter sur deux chambres à majorité démocrate, les succès obtenus sont moins importants qu’attendus : le succès d’Obama est clairement en partie un succès personnel.
La suite est une nouvelle histoire. Elle ne sera sans doute pas à la hauteur de ce qu’espèrent ceux qui ont projeté leurs idées sur le candidat élu, sans écouter ce qu’il dit, en particulier en France. Mais qu’importe !
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