Je continue mon périple parmi les motions du PS pour aborder la question des moyens de la croissance, du moins pour celles pour qui c’est un objectif. A la première lecture, il semble que les idées de la stratégie de Lisbonne aient progressé, ce dont on ne peut que se réjouir
Ce congrès se situe assez longtemps avant les futures élections législatives et présidentielles. Proposer des mesures conjoncturelles n’a dont pas grand sens, du moins au sein de motions qui visent plus le moyen terme, que l’immédiat. Par contre, proposer des mesures pour accroître la croissance à long terme est important : notre pays semble en effet avoir perdu du potentiel dans ce domaine. Il a reculé par rapport à d’autres pays développés.
La stratégie de Lisbonne a pour objectif d’accélérer la croissance, en augmentant l’effort de recherche pour aider les entreprises à se positionner sur des produits à forte valeur ajoutée. Plusieurs pays scandinaves (Suède, Finlande) ont choisi avec succès cette stratégie. Les socialistes ont a priori toutes les raisons d’en faire autant, du moins ceux qui sont sociaux démocrates et qui n’ont pas peur de favoriser le développement des entreprises privées et de leur permettre de travailler avec les centres de recherche publics.
La motion E (Collomb / Royal) s’engouffre avec énergie (mais malheureusement aussi avec quelques idéologies) dans cette solution, les motions A (Delanoë) et D (Aubry) avec moins de convictions ou plus de réticences, et la motion C l’ignore complètement, trop occupée à distribuer toutes les richesses que la fin du libéralisme générera comme chacun sait.
On trouvera ci-dessous un résumé des principales motions sur le sujet. En italiques mes commentaires
Pour la motion A, (Delanoë)
1) le sujet est important, puisqu’il fait l’objet du premier chapitre, POUR UNE CROISSANCE PLUS DURABLE, PLUS FORTE, PLUS SOLIDAIRE.
2) la croissance doit être écologique, au point qu’il faut substituer d’autres indicateurs à celui du PIB. Il faut bien sacrifier aux idées à la mode !
3) il faut aller vers les produits hauts de gamme,
par l’innovation, l’effort de recherche (3% du PIB), les hauts niveaux de
formation (augmentation fortes des moyens pour l’université). La stratégie
de Lisbonne, très bien !
4) les universités doivent avoir une autonomie réelle, et pouvoir prendre des décisions sans les tutelles, mais celles-ci doivent se concentrer sur l’objectifs d’égalité pour éviter un système à deux vitesses : autonomes mais tous pareils !
5) il faut favoriser les grands projets industriels.. La leçon de Bull n’a pas été comprise. Si le centralisme et le volontarisme d’Etat sont indispensables pour des projets à très long terme comme par exemple celui de l’accélérateur du CERN, ils sont complètement inadaptés là où la concurrence se joue sur la rapidité de réaction comme dans l’informatique.
6) Reconfigurer notre appareil productif en aidant les PME
à innover et se développer, notamment par un financement adapté. Là aussi,
on reste à ce qu’on fait depuis plus de 40 ans : la question du lien entre
PME et chercheurs qui est au cœur des pôles de compétitivité est soigneusement
oubliée.
On notera au passage que la motion parle de croissance riche en emplois sans préciser mais heureusement parle aussi de forte productivité…
Pour la motion D (Aubry),
1) le
sujet est également important, même si ce n’est que le deuxième chapitre : Un
nouveau modèle de développement économique, social et écologique. L’écologie
vient également en second, après produire et partager les richesses
2) le
premier levier est le pouvoir d’achat, avec la revalorisation significative du
SMIC et une incitation forte à la négociation salariale. On trouve aussi les
cotisations sociales basées sur l’ensemble de la valeur ajoutée, la mise en
place d’une véritable progression professionnelle tout au long de la vie (c'est-à-dire
la généralisation du système profondément injuste du salaire à l’ancienneté qui
a fait ses « preuves » chez les fonctionnaires) et le
plafonnement des loyers, la taxe sur les super profits pétroliers et
l’augmentation d’allocations diverses. Populisme, quand tu nous tiens, mais
comment J Delors a-t-il pu soutenir une telle motion ?
3) Ramener les entreprises vers l’investissement, l’emploi durable et la valorisation du travail : des mesures fiscales pour inciter les entreprises à investir et à embaucher en CDI, pour limiter et taxer les parachutes dorés et sanctionner le licenciements abusifs, et donner du poids aux salariés dans les décisions. Au passage une mesure qui existe déjà : faisant payer aux entreprises qui en ont les moyens le reclassement des salariés et la recréation des emplois supprimés.
4) Engager la montée en gamme de notre appareil productif par la recherche, l’éducation et la formation, par le développement de la recherche, la revalorisation du doctorat par rapport au diplôme d’ingénieur, la refonte des pôles de compétitivité pour atteindre une dimension mondiale et une action au niveau européen sur les infrastructures. Enfin, la stratégie de Lisbonne, à vrai dire peu développée.
5) L’intervention
publique est indispensable face aux défaillances et à la myopie du marché. Avec
un tel titre, on ne pouvait espérer que des propos de cafés du commerce :
gagné ! N’insistons pas…
6) Réformer
le système financier : les idées à la mode de régulation, et de contrôle,
et même la taxe sur les mouvements de capitaux. Pour aller un peu dans le
détail, il aurait fallu quelqu’un qui connaisse le sujet…
7) Les politiques européennes au service de l’emploi : des objectifs de croissance et d’emploi pour la BCE, des grands travaux d’infrastructure européens et des barrières douanières externes mieux négocié. Le lien entre le trop plein de liquidités, source de toutes les crises récentes, et le fait que la FED ait un objectif de croissance n’est pas fait.
Pour la motion E (Collomb : Royal)
Les auteurs semblent avoir bien compris la stratégie de Lisbonne qu’ils mettent au cœur de leur proposition en expliquant successivement que
Rester sur les produits de moyenne voire de basse technologies, c’est prendre le risque de la concurrence par les prix (je résumes) et entrer dans le cercle vicieux de la paupérisation et des bas salaires
Ce sont les PME qui ont besoin d’être aidées à innover, pour entrer dans une économie de pointe
Il faut aider la création d’entreprise et le financement de la croissance des PME
Il faut accroître l’effort de recherche et développer des passerelles entre le public et le privé (très bien)
Il faut sécuriser les entreprises en mettant fin à l’incertitude fiscale et sociale et en ne changeant pas les règles du jeu chaque année (alors là, je dis mille fois bravo !)
Il faut augmenter les moyens de la recherche
A coté de toutes ces bonnes idées, quelques déclarations idéologiques sur le fait que les aides sont conditionnées à l’emploi ou à la hausse des salaires ( !!!). Et on trouve deux perles que je n’ai pas signalées dans mon article précédent :
L’octroi d’une aide publique doit être subordonnée à la prise de risque, à la création d’emploi non précaires, et à la hausse des salaires : on se demande si les auteurs ont vraiment compris le sens des mots « prise de risque » !
Et à propos de l’indice Insee : Ainsi la
baisse du coût d'achat des appareils électroménagers ou électroniques est
répercutée tous les ans sur l'indice alors que leur achat n'est pas fréquent. C’est
vrai quoi, pourquoi modifier l’indice tous les ans si je n’achète que tous les
deux ans ?
Pour
la Motion C (Benoît Hamon)
La motion C ne se préoccupe pas de la création de richesse mais de leur redistribution. De toutes manières, il suffira de réduire le libre échange, d’augmenter les barrières douanières à l’extérieur de l’Europe, de baisser les taux d’intérêt et le cours de l’Euro, de rapatrier les productions délocalisées et tout ira bien…
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