La foire d’empoigne en cours au sein du PS donne une image déplorable de ce parti qui est pourtant au pouvoir dans la majorité des collectivités territoriales et a vocation à représenter l’alternance possible à la majorité en place. Peut être faut il pointer une cause importante de ses difficultés : les modalités de désignation des responsables.
Les rivalités au sein du PS ont toujours existé : les anciens comme moi se rappellent notamment l’opposition entre Rocard et Mitterrand qui a notamment marqué la fin des années 70. Cette rivalité n’a pas empêché la montée en force du parti, on peut sans doute se dire au contraire qu’elle l’a favorisé, le parti socialiste donnant l’image d’un parti de débat démocratique quand la droite gaulliste était composée de « godillots ». Et on ne voit pas comment un grand parti, recueillant parfois 30 ou 35% des suffrages dès le premier tour, pourrait être composé de militants d’accord sur tout.
Il se trouve cependant deux cas de figure où la diversité des opinions au sein du parti est mauvaise pour son image : quand les divergences paraissent majeures et portent sur l’essentiel ou quand au contraire elles ne couvrent que des querelles de personnes et aucune différences sur le fond.
Le congrès de Rennes en 1990 est la première illustration du second cas. Quelques courants très minoritaires expriment des opinions spécifiques. Trois courants se partagent 80% des suffrages, respectivement autour de Lionel Jospin (et Pierre Mauroy), Michel Rocard et Laurent Fabius. Mais il n’est guère possible de distinguer les différences de fond entre les trois courants, d’autant plus que le parti est au pouvoir et que les ministres en exercice se répartissent entre les courants. Le résultat dans l’opinion publique est catastrophique.
Le référendum sur la constitution européenne apparaît au contraire comme un cas de figure où les divergences de fond semblent tellement fortes qu’on se demande ce que font dans le même parti les partisans du oui et ceux du non. Le fait que certains partisans affichés du non, derrière Laurent Fabius, semblent défendre des positions qui ne correspondent pas à leur opinion réelle (et en tous les cas à leurs déclarations et surtout actes passés) n’arrange évidemment rien.
Et voilà qu’aujourd’hui, la préparation du congrès donne à nouveau le sentiment qu’il n’existe que des différences de personnalités, le parti n’ayant par ailleurs aucune idée à proposer au pays (vision évidemment exagérée). Comme si les divergences de 2005 avaient disparues par miracle !
C’est là qu’intervient la manière de traiter les divergences de fond et de personnes .
Si j’étais américain démocrate, j’aurais eu à choisir entre Obama et Clinton. Mon choix aurait pris en compte à la fois les idées et la personnalité des deux protagonistes. Certains sont plus sensibles aux aspects de personnalité, d’autres aux idées, mais la plupart des gens mélangent les deux aspects, d’une façon variable selon les situations : si le candidat qui est le plus proche de mes idées me parait peu convainquant, je peux être tenté de voter pour un bon candidat pas trop éloigné de ce que je pense mais pas pour un candidat trop éloigné de moi.
Aux élections professionnelles ou aux municipales dans les petites villes (?), il est possible de rayer un plusieurs noms dans la liste que je soutiens. C’est également vrai aux sénatoriales.
Au moment de définir ses modalités électorales, le Parti Socialiste a fait une analyse idéologique : choisir selon la personnalité est un point de vue de droite (et celui des notables) et choisir selon le programme est un point de vue de gauche ( à noter que l’extrême gauche et la LCR vont jusqu’au bout de cette logique en prônant le mandat impératif). Sur ce point, la volonté de choisir une modalité « de gauche » a été accentuée par le fait que la droite avait été favorisée par la personnalité de De Gaulle.
Le vote dans les congrès se fait donc en un seul vote, à la fois sur les motions proposées et sur une liste de gens qui la soutiennent. Si la motion A recueille un tiers des votes, le premier tiers de la liste de militants supportant cette motion sera élu. Ceux qui votent pour la motion A n’ont pas les moyens de faire que le 12ème sur la liste, qui ne leur plait pas, soit remplacé par le 15ème et encore moins par un membre de la liste B. Cela va même plus loin : un seul vote compte pour la désignation à tous les niveaux : si je vote pour la liste A, parce que ses idées me plaisent et que j’ai confiance dans ceux qui la portent au niveau national, je vote peut être aussi en même temps pour le crétin congénital ou celui que je soupçonne d’être peu honnête qui est tête de cette liste au niveau de ma section. Ou à l’inverse, si j’ai confiance dans mon secrétaire de section, je vais voter pour lui et donc dans le même temps pour la liste qu’il soutient au niveau national
Ces modalités entraînent bien sûr des comportements. Les leaders nationaux vont chercher à regrouper les responsables locaux (par exemple les premiers secrétaires de chaque département) réputés capables d’apporter les voix de « leurs » militants. Et à contrario, les barons locaux vont exiger d’avoir des places pour eux et leurs amis sur les listes nationales : pourquoi Collomb et Guérini, respectivement maire de Lyon et leader des Bouches du Rhône ont-ils fait une contribution sinon pour cela ? Les jeunes loups qui rêvent d’un avenir électoral vont chercher quel est celui qui sera assez puissant pour leur donner une place éligible sur une liste.
Ce système qui pouvait fonctionner quand le parti était divisé entre les partisans de Mitterrand, ceux de Rocard et ceux de Chevènement, qui avaient des différences assez claires et des leaders crédibles, ne fonctionne plus quand on ne voit plus les différences. Et il n’y a aucun moyen pour le militant de base d’éliminer le vieux responsable qu s’accroche depuis 40 ans.
Au stade où il en est, le PS ne retrouvera de la vigueur qu’en revoyant ses modalités de désignation de ses responsables. Les comportements insupportables des responsables socialistes à tous les niveaux ne sont que le fruit de leur adaptation forcée à des règles de sélection qui se révèlent perverses. Il me semble qu’une première étape pourrait être la possibilité à tous les niveaux de rayer des noms sur la liste choisie, ceux qui ont plus de voix dans la liste étant élus en priorité.
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