La loi sur la représentativité pourrait donner aux entreprises la liberté de négocier un contingent d’heures supplémentaires supérieur à celui prévu par leur branche. Voilà un cas intéressant pour reposer la question de « clause plus favorable ».
Au préalable, rappelons à quoi correspond la durée légale hebdomadaire du travail : c’est la durée au-delà de laquelle un salarié à temps plein doit être payé en heures supplémentaires. Ce n’est en aucun cas la durée de travail obligatoire.
De la même manière qu’il y avait du temps des 39 heures des entreprises dont l’horaire affiché (horaire collectif) correspondait à une durée de 38 heures et d’autres de 40 heures, depuis le passage aux 35 heures, il y a des entreprises qui sont à 34 heures, d’autres à 36 ou 37 heures (et bien sûr beaucoup à 35 heures). Mais il n’y en a pas qui soit au-delà de 40 heures.
En effet, le nombre d’heures supplémentaires est contingenté. Au moment de la Loi Aubry, ce contingent annuel se trouvait à 130 heures, ce qui correspondait à peu près à 3 heures par semaine : la loi ne pouvait pas obliger une entreprise à passer à 35 heures, mais une entreprise ne pouvait rester à 39 heures. La loi ayant donné un délai supplémentaire aux entreprises de moins de 20 salariés, celles-ci ont été « sauvées » de la loi Aubry par le gouvernement Raffarin, qui n’a pas changé la durée légale mais augmenté le contingent d’heures supplémentaires annuelles à 180 heures, ce qui permettait de fait de rester à 39 heures.
Cette situation restait cependant bancale, puisqu’une entreprise à 39 heures n’avait plus de marges de manœuvre pour s’adapter à une surcharge individuelle ou collective. Le contingent a donc été passé à 220 heures (ce qui permet de faire en moyenne à peu près 40 h par semaine sur l’année pour ceux qui ont suivi !) et les branches ont la possibilité d’aller plus loin, ce qu’elles ne font guère semble t-il.
En proposant de laisser les entreprises négocier un contingent plus élevé, dans des conditions différentes de celles négociées dans la position commune, le gouvernement écorne certes le dialogue social, et fait plaisir aux PME. Mais il montre aussi que la question de la clause plus favorable n’est pas si simple qu’il y paraissait jusque là.
Rappelons de quoi il s’agit : un accord d’entreprise ne peut comporter de clauses moins favorable que la convention collective de la branche à laquelle il appartient, et celui-ci ne peut être moins favorable que la loi.
Par exemple, si la loi prévoit qu’un élu du personnel a droit à 15 heures de délégation mensuelles, une convention de branche ne peut pas prévoir moins mais il peut prévoir plus (par exemple 20 heures par mois).
Dans le domaine qui nous préoccupe, la loi a prévu des durées maximales quotidiennes et hebdomadaires du travail (ainsi qu’un maximum moyen sur 12 semaines). Un accord d’entreprise peut fixer une durée plus faible, qui sera plus protectrice du travailleur.
On voit bien le sens de ces maxima : éviter une trop grande fatigue du fait de la longue durée.
Or, il y a un lien naturel entre la durée du travail et la rémunération. Et très concrètement, limiter le nombre d’heures supplémentaires annuelles, c’est limiter une des sources de rémunération.
Dans l’histoire de la durée du travail salarié, il n’ y a pas eu de doute sur l’intérêt pour les salariés de diminuer la durée du travail : toute diminution était de fait ressentie comme un progrès quand on était à un haut niveau.
Pendant les 30 glorieuses, la durée légale du travail était de 40 heures (depuis 1936) et la durée réelle collective a baissé progressivement de 46/ 48 heures à 40 heures : à la fin des années 70, très rare étaient les entreprises qui fonctionnaient autrement que 5 jours par semaine (sauf organisation par équipes). Le travail du samedi avait progressivement disparu. Sauf évidemment travaux exigeant des heures supplémentaires de manière exceptionnelle et pas forcément pour tout l’effectif (plutôt pour des volontaires).
Il faut dire que la conjoncture économique, les importants gains de productivité réalisés sur la période permettait de voir à la fois sa durée du travail diminuer et son salaire augmenter.
Dans ce contexte, une branche pouvait prévoir un contingent d’heures supplémentaires annuelles plus faible que prévu par la loi. C’est ainsi qu’à la fin des années 1990, la métallurgie avait une convention collective qui prévoyait un contingent d’heures supplémentaires plus faible que les 130 heures prévues par la loi (85 heures si je me souviens bien).
Aujourd’hui, des entreprises préféreraient pouvoir faire plus d’heures supplémentaires. Mais c’est aussi le cas de certains salariés, prêts à « travailler plus pour gagner plus » (N Sarkozy n’a pas sorti son slogan par hasard !). Si on écoute ceux là, la clause plus favorable, ce n’est pas un contingent plus faible mais un contingent plus fort ! Cette demande a deux raisons : la faiblesse de l’évolution des salaires depuis longtemps et le fait que la durée légale est assez faible, plus faible que les 5 fois 8 heures qui paraissent à beaucoup comme un repère satisfaisant.
En proposant de traiter cette question au niveau de l’entreprise, le gouvernement contourne la règle de la clause plus favorable mais le fait sur un bon terrain pour lui.
Pour conclure sur ces questions de durée du travail, j’ai découvert il y a quelques temps dans des services de l’Etat (est ce une règle générale ?) que le contingent d’heures supplémentaires était depuis longtemps de 432 heures ( !) et la durée hebdomadaire maximale de 65 heures
Cette façon qu’à l’Etat de dire aux entreprises, voilà des normes sociales à suivre, mais moi, je m’en affranchis…., m’a toujours révolté.
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