Les mesures pour maîtriser les licenciements collectifs ou en diminuer les conséquences pour les personnes concernées se sont succédées depuis 1945.
Dès la création des comités d’entreprise en 1945, ceux-ci sont informés et consultés avant toute décision de nature à affecter le volume et la structure des effectifs. La loi du 18 juin 1966 précise que le comité est saisi « en temps utile de tout projet de compression d’effectifs »
En parallèle de la consultation des chômeurs, des mesures sont prises pour soutenir les salariés licenciés. La loi et les conventions collectives prévoient des primes de licenciement proportionnelles au salaire et à l’ancienneté. Le régime d’assurance chômage (Assedic et Unedic), financé par les cotisations employeurs et salariés, est créé le 31 décembre 1958. On, notera que seuls les salariés du privé sont concernés.
A partir du début des années 1970, l’augmentation régulière du nombre de chômeurs va conduire à modifier ces systèmes. Le régime d’indemnisation connaît plusieurs réformes. Le législateur essaie de son coté de freiner ou d’organiser les licenciements, hésitant entre renforcer les pouvoirs des représentants du personnel ou du juge. L’autorisation administrative de licenciement, crée (en 1974) et supprimée (en 1986) par Jacques Chirac ne semble avoir eu aucun impact sur la courbe du chômage.
Les grandes restructurations de la sidérurgie sont l’occasion de créer des primes de départ qu’on qualifiera de chèque valise pour en rejeter le principe. Curieusement, le recours actuel à ces pratiques ne donne plus lieu aux mêmes remarques.
Les procédures à suivre en cas de restructuration s’articulent progressivement autour du livre IV du code du travail (quelles sont les raisons économiques ?) et du livre III (quelles mesures sociales d’accompagnement ?). Au-delà de leur complexité, leur caractéristique est leur durée, nettement plus longue que ce qu’on peut observer dans les pays voisins. Cette durée permet certes l’indispensable travail de prise de conscience, de compréhension de ce qui se passe, de deuil pourrait on dire. Mais elle est telle qu’elle conduit au final les salariés à préférer une annonce claire même si elle est dure, que de rester dans l’incertitude.
Après les épisodes des lois De Robien et Aubry qui tentent de réduire les licenciements par la réduction du temps de travail, le gouvernement Jospin publie le 17 janvier 2002 une loi dite de modernisation sociale qui restreint le droit de licenciement économique et qui est surtout considérée comme peu claire donc peu sécurisée du point de vue juridique. Les modalités les plus controversées sont suspendues peu après par le nouveau gouvernement, qui la remplace finalement le 19 janvier 2005 par la loi dite de cohésion sociale.
Il faut dire que l’idée qu’une entreprise qui fait des bénéfices ne devrait pas pouvoir licencier reste forte, aussi bien dans la population que parmi les politiques. L’idée de licenciement boursier participe de la même incompréhension fondamentale des mécanismes économiques et de la marche des entreprises.
Au fond, beaucoup sont persuadés que le nombre d’emplois est un gâteau limité, qui se réduit sous le coup des licenciements (qu’il faut donc empêcher à toute force). Face au nombre limité de parts, il faut diminuer le nombre de convives (retour au pays, congé parental, pré retraites) ou diminuer la taille des parts (35 heures). Qu’en réalité, le nombre d’emplois ait tendance à augmenter ne semble pas su.
Pendant toute cette période, un consensus se fait donc entre les acteurs (Etat, patrons, syndicats, salariés) pour traiter le plus possible les réductions d’effectifs par les pré retraites. L’Etat finance celles-ci par le FNE. Mais cette pratique finit par être contradictoire avec le besoin de financer les retraites en allongeant la durée de cotisation. La loi Fillon en 2003 décide donc la fin du mécanisme en 2008.
Il faut noter que le battage médiatique sur ces sujets se concentre essentiellement sur les plans sociaux (ou dit plan de sauvegarde de l’emploi, sans rire, quand on licencie !) des grandes entreprises, qui ne représentent qu’une très faible partie de la perte d’emploi, ne serait ce qu’en raison de l’importance des CDD.
Où en est on aujourd’hui ?
Le législateur a inscrit dans la loi ce qui était des pratiques des entreprises les plus « sociales » : la revitalisation du territoire (pour compenser les destructions d’emploi) est devenu obligatoire pour les entreprises de plus de 1000 personnes ce qui a rendu la démarche plus lourde, les préfets étant incités à s’en mêler. La GPEC a été rendu obligatoire pour les entreprises de plus de 300 salariés (PSE ou pas) avec l’espoir d’anticiper les suppressions d’emploi.
On a aussi une obligation pour les groupes de proposer des emplois si une entité est touchée. Cela marche modérément quand il y a de la mobilité géographique et cela rigidifie la gestion des RH pendant la période du PSE. Mais cela peut favoriser la mobilité professionnelle qui est à mon sens l’enjeu majeur des restructurations. Celle-ci est évidemment plus facile à l’intérieur d’un groupe.
La mise en œuvre des PSE reste cependant lourde et longue à préparer. La difficulté de mise en œuvre a conduit à privilégier le volontariat, c'est-à-dire en pratique le chèque valise. En théorie ; seuls ceux qui ont un projet peuvent partir, et ils sont accompagnés par un organisme spécialisé. En réalité, environ 30% des départs sont en réalité des projets de retraite. La personne de 56 ans qui veut partir a un pécule qui lui permet de tenir jusqu’à la retraite en comptant sur les ASSEDIC. Résultat, on gonfle les statistiques des dispensés de recherche d’emploi à plus de 57 ans.
Le système actuel ne répond donc pas de manière satisfaisante à trois enjeux économiques actuels majeurs :
1) Permettre aux entreprises concernées de garder leur dynamique
2) Reporter l’âge de fin de carrière qui reste en moyenne autour de 58 ans et demi
3) Reconvertir les salariés des métiers en disparition vers les métiers en croissance
L’idéal à un niveau macroscopique serait de reconvertir les 30/45 ou les 30/50 ans et de garder dans l’entreprise les plus de 50 ans. On voit bien comment le système actuel tient de la politique de gribouille : en faisant des pré retraites, l’entreprise assèche les départs naturels dans les années suivantes. Et donc elle perd de la souplesse et recommence l’opération tous les deux ans. Par contre, le système l’incite à laisser ses salariés de plus de 50 ans s’enfermer dans leur fonction et ne plus se former.
Cela voudrait dire mettre des moyens plus importants pour accompagner le reconversion des quadras : formations longues (actuellement le Fongecif refuse de nombreuses demandes faute de moyens) et accompagnement individuel. Faut il vraiment continuer à faire des indemnités de licenciement proportionnelles à l’ancienneté ?
Autre sujet qui n’a rien à voir. Comme délégué,je suis confronté régulièrement à des salariés qui veulent quitter l’entreprise pour des raisons diverses. S’ils démissionnent, ils ne pourront toucher les ASSEDICS : ils demandent donc à être licenciés. Je sais que la question se pose chez beaucoup d’employeurs ; C’est une des raisons qui justifie la demande patronale d’une espèce de rupture amiable par consentement mutuel. Faut il y accéder et comment ?
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