Comment peut on avoir raison contre les économistes, prix Nobel en tête, et gagner en bourse contre les spécialistes de l’investissement ? C’est ce qu’essaie d’expliquer le gestionnaire atypique d’un fonds français d’investissement, en examinant les théories des marchés efficients et en s’appuyant sur la théorie de l’information.
Atypique, ce financier (François Badelon) l’est certainement. Il suffit de lire les lettres aux investisseurs qu’il publie environ 3 fois par an et où il développe essentiellement ses théories sur les marchés, dans un style très direct et souvent drôle (c’est déjà en soi une curiosité, un financier drôle quand il parle travail !). C’est ainsi qu’il raconte comment il s’est baladé en maillot de bain dans des bureaux au Vietnam au lieu de profiter de la mer.
Et pour l’instant il gagne ! Son fonds PEA est en tête sur 5 ans, avec une progression de 291% contre 38% à la moyenne de ses petits camarades gestionnaires de fonds, et il a battu le CAC 40 chaque année depuis sa création.
Evidemment, il se demande si c’est uniquement de la chance (ce qu’en gros dit la théorie) ou s’il peut continuer. Et donc, il réfléchit sur le sujet dans sa cuisine, dans de longues discussions avec ses collègues de travail.
Il constate avec Bill Sharpe, prix Nobel d’économie, que les investisseurs actifs (les professionnels), font en moyenne un peu moins bien que le marché (à cause du coût des commissions). Mais il embraye en montrant que la moyenne recouvre certains qui font mieux et d’autres moins bien. Et que l’écart ne peut être important que si on est petit (ce qu’il choisit donc d’être).
Etre toujours du bon coté de la moyenne n’est possible que si la théorie des marchés efficients est fausse. Si j’ai bien compris, celle-ci prévoit que « sur un marché efficient, les cours reflètent les informations jusqu’au point où les gains supplémentaires tirés d’une exploitation de l’information sont justes égaux aux coûts supplémentaires à mettre en œuvre ( Fama, 1991) »
Mais de quelles informations s’agit il ? Notre auteur explique( il s’appuie sur les travaux de R A Fisher) qu’il y a beaucoup d’informations sans réelle valeur, du bruit quoi, et que la plupart des investisseurs prennent leurs décisions sur des logiques court terme, en fonction de ce bruit. Il y a par contre des informations « improbables » et donc chargées de valeur. Ces informations peuvent être partagées (il y a eu une explosion dans une usine à Toulouse) ou connues de peu de personnes (c’est Mr Dupont qui fait réussir commercialement telle PME et il s’en va). Les investisseurs qui résonnent à long terme et s’intéressent à des informations improbables peuvent gagner si les autres sont obnubilés par le bruit et le court terme.
Il y a d’autres détails dans la lettre, par exemple une comparaison avec le physique quantique que je vous laisse découvrir ici.
J’avais fait connaissance de François avant de savoir quel métier il faisait. Il m’avait expliqué alors sa politique : investir sur le long terme, dans des entreprises sous évaluées ayant une stratégie claire et une équipe de direction de qualité.
Il persiste aujourd’hui en expliquant sa manière de « tricher » avec le marché pour le battre :
En refusant de gérer trop de capitaux
En passant moins de temps à faire du commercial
En observant des tas de choses improbables et pas toujours propres comme des usines, des entrepôts, des sites Internet douteux, des arrières cours de garage, des puits de pétrole…
En lisant des tas de livres qui n’ont à priori apparemment rien à voir avec le choucroute, sur l’histoire, les sciences et même sur l’investissement !
En choisissant un horizon d’investissement plus long et en acceptant ainsi plus de volatilité
En voyageant à travers le monde, pour débusquer des pépites, comprendre d’autres cultures et garder l’esprit ouvert
Vraiment le profil du golden boys type, ce garçon, non ?
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