Mme Royal vient donc de sortir le deuxième chapitre de ses propositions. C’est le moment de voir si je me sens proche d’Eric Dupin et de Hughes ou au contraire de Versac et Koz ! Ou si finalement j’ai la sagesse de Diner’s room, si je me sens partagé comme Paxatagore.
Une première lecture rapide de ce deuxième chapitre du livre en cours de rédaction, m’a donné l’impression qu’il y avait là une description, assez documentée, des questions d’emploi, mais pas de diagnostic. Vous n’attendez pas de votre médecin qu’il vous explique que votre taux de plaquette est de tant, votre température de tant, vous attendez de savoir ce qu’il en déduit (vous avez telle maladie) et donc les remèdes qu’il faut prendre. Et bien, le chapitre de la candidate à la candidature ne fait qu’égrener les symptômes du mal sans les expliquer. Cet impression rejoint celle que j’avais eu à la lecture du premier chapitre, celui sur la démocratie. On y lisait des choses fort justes sur la montée de l’abstention ou du vote protestataire, la perte de confiance dans les hommes politiques, mais faute de compréhension des raisons du phénomène, les propositions sont décevantes.
J’ai fait part de cette remarque à une collègue très engagée dans les réseaux « royalistes ». Celle-ci m’a expliqué qu’il s’agissait d’une première mouture sur laquelle il était possible de réagir, et elle m’a invité à le faire ! Cela ne m’a guère convaincu sur le moment, puis je me suis dit que cela pouvait être une bonne idée : amener les militants et les citoyens à regarder en face certains éléments de la réalité avant d’en donner une interprétation, cela peut être pédagogique.
J’ai donc fait une deuxième lecture, en commençant par le sommaire. Et là, l’impression change .
Les trois premiers sous chapitres soulignent la mauvaise situation : chômage et sous emploi, blues des classes moyennes et descenseur social.
Les 5 chapitres suivant portent sur le credo libéral, la financiarisation de l’économie, les patrons voyous et les licenciements boursiers, les inégalités entre smicards et patrons milliardaires. On se demande alors s’il s’agit d’un complément de description ou d’une explication des phénomènes précédents. Mon impression est qu’il s’agit en fait d’une description mais que l’ambiguïté permet de traiter les lecteurs les plus à gauche dans le sens du poil.
Les deux derniers chapitres portent sur la mondialisation alibi (les délocalisations sont ramenées à un effet marginal, c’est la concurrence par les coûts qui est dénoncée). Et sur la sécurité et la santé au travail. Ce dernier sujet doit beaucoup à l’excellent livre de Philippe Askenazy, « les désordres du travail », mais me semble en perdre la richesse.
Une troisième lecture fait apparaître certains détails discutables
Au premier sujet, on relève la phrase suivante : Le taux d’emploi, indicateur privilégié par l’Union européenne, s’en approche davantage. C’est un ratio obtenu en divisant le nombre de personnes occupées par la population totale en état de travailler. En France, il est de 63% contre 73% en Suède et aux Pays-Bas et 76% au Danemark. Cela veut dire que, si la même proportion de Français en âge de travailler que celle observée au Danemark se présentait sur le marché au travail, notre taux de chômage grimperait aux alentours de 19% soit exactement le chiffre auquel aboutit Fabienne Brutus.
Il va falloir que le nègre de Ségolène apprenne à compter. Si le chômage est de 9% sur un taux d’activité de 63%, il y a en fait 5.5% de chômeurs dans la population en âge de travailler. Si on ajoute les 10% de différence entre la Suède et la France, cela fait 15.5% de la population en âge de travailler soit 21% des actifs…
Dans le 7ème sous chapitre, Ségolène revient sur une de ses idées favorites consistant à subordonner l’aide publique au maintien des emplois. L’exemple de Hewlett Packard qu’elle prend à l’appui de sa démonstration devrait pourtant la faire réfléchir : les aides (locales comme elle le rappelle) étaient de moins de 2 millions d’euros quand le plan social coûtait plus de 200 millions : de qui se moque t’on ?
Dans le deuxième sous chapitre, le livre de François Dupuy « la fatigue des élites » est cité comme décrivant les illusions perdues des cadres mais l’analyse qu’il fait des causes de cette situation est (soigneusement ?) occultée ;
Au final, cette lecture qui s’appuie pourtant sur des études intéressantes est fort décevante : elle se contente en effet d’aller à la surface des choses. Faute de vrai diagnostic, il n’est pas possible d’agir. Evidemment, on ne peut dire que le diagnostic est faux avant de l’avoir vu. Mais je ne sens pas venir de clés de compréhension des créations ou destruction d’emplois ou des méthodes utilisées par les scandinaves.
Et pourtant le sous titre du chapitre s’intitule »comprendre les mutations pour mieux les maîtriser
Cela me parait mal parti !
Mais laissons lui encore une chance !
PS rajouté le 7 juin
Libération fait ce matin une analyse très proche de la mienne http://www.liberation.fr/page.php?Article=388145
Je retiens la conclusion de Louis Chavel: : «Ce n'est pas un bon départ. C'est une superposition de travaux récents, connus, mais sans articulation, dans la ligne des moeurs d'une caste qui est la sienne, où le copier-coller tient lieu de réflexion.
Paru le 6 juin 2006 sur mon ancien blog
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