Le gouvernement se félicite des résultats concernant le chômage et affiche avec satisfaction une baisse de 10% sur un an des demandeurs d’emploi, chiffrés à 2 112 300 à fin novembre. Ces chiffres sont contestés par certains qui pointent l’existence d’autant (et même un peu plus) de chômeurs « invisibles » et parlent de manipulations statistiques. Qu’en est il exactement?
Le chiffre habituellement utilisé ne recouvre qu’une partie de la réalité du chômage. C’est d’ailleurs pour cela que les statistiques officielles
comprennent plusieurs chiffres. En effet, le nombre de demandeurs
d’emploi dont on parle généralement, ne tient pas compte des
travailleurs à temps partiel ou des chômeurs ayant travaillé plus de 78
heures, comme il ne tient pas compte des personnes de plus de 57 ans
dispensées de recherche d’emploi, ni d’autres catégories. Au total,
toutes catégories confondues, il y a 4,4 millions de personnes qui sont
comptabilisées et dont tout ce qu’on peut dire est que leur situation
vis-à-vis de l’emploi n’est pas satisfaisante, tant les situations
recouvertes sont différentes. C’est en raison de ces difficultés que
l’INSEE et la DARES suivent 7 catégories de personnes. Cependant, « le » chiffre légitime n’existe pas.
Parmi les chômeurs dispensés de recherche d’emploi du fait de leur âge,
il en est qui voudraient absolument travailler et d’autres qui sont
bien heureux de cette situation, sans compter toutes les situations
intermédiaires. Aucune statistique ne fait apparaître des femmes ou des
rmistes qui ont renoncé à trouver du travail et qui pourtant,
reviennent sur le marché du travail quand la situation de celui-ci
s’améliore nettement, comme on a pu le voir à la fin des années 90.
Aucune statistique n’évalue le nombre d’étudiants qui ont poursuivi ou
repris leurs études faute de trouver un emploi.
C’est aussi pour cela qu’avec Eurostat, l’ensemble des pays de l’UE suivent un autre indicateur, le taux d’activité des personnes en âge de travailler,
c’est-à-dire ayant entre 15 et 64 ans. Là , il n’est plus possible de
tricher avec des pré retraites ou des dispenses de recherche d’emploi
pour handicap ou tout autres raisons. On trouvera ici
une comparaison des résultats avec nos voisins, sur les deux critères
du taux de chômage de catégorie 1 et du taux d’activité (1) On notera
ici que ceux qui pointent l’existence de chômeurs « invisibles » en
France, d’handicapés dispensés de recherche d’emploi au Royaume Uni ou
de tout autre moyen de diminuer les chiffres du chômage en France ou
ailleurs, se gardent généralement d’utiliser cet indicateur qui leur
permettrait pourtant de mieux évaluer la réalité du chômage au Royaume
Uni par exemple. Il y a à cela sans doute deux
raisons: la première est que ce chiffre, parce qu’il prend la tranche
15 / 64v ans comme référence de l’âge où on peut travailler, remet en
cause l’idée que la retraite normale est à 60 ans. La seconde est que
cet indicateur montre, comme le taux de chômage, les mauvais résultats
de notre pays. Il faudrait admettre qu’il y a des leçons à tirer de ce
que font la Suède ou le Royaume Uni, le Danemark ou les Pays Bas¼
Le chômage a effectivement baissé depuis un an.
Comme le fait remarquer Jean Louis Borloo, dans la mesure où il
n’existe pas de système parfait, l’important est de ne pas en changer
en permanence. Le taux de chômage retenu par le Bureau International du
Travail (ce qui constitue de fait de référence sérieuse) est calculé de
la même façon depuis 1995. Et cet instrument de mesure donne bien le
résultat annoncé. Les chiffres reprenant l’ensemble des catégories 1 à
ont également baissé de 9,2 % sur la même période. Cependant, un regard
sur une période plus longue, par exemple depuis le début du
quinquennat, montre que cette baisse succède à une augmentation
préalable ! Il est vrai que le niveau actuel est plus faible que celui
observé à l’été 2002. On retrouve les bons résultats atteints en 2001,
avant le retournement de conjoncture mondial. Ceux qui s’insurgent
contre les licenciements boursiers observeront que la Bourse vient
également de retrouver le haut niveau qu’elle avait perdu depuis le
krach de 2001…
Cette baisse est pour beaucoup le résultat du traitement social du chômage.
Le plan de cohésion sociale s’est notamment traduit depuis le début de
l’année par 80 000 emplois aidés dans le privé et 357 000 dans le
public soit un total de 450 000. Sans ces emplois aidés, le chômage
n’aurait pas baissé mais probablement augmenté. Les chiffres donnés par
la DARES montrent que l’emploi dans le secteur concurrentiel a
augmenté d’environ 160 000 entre septembre 2005 et septembre 2006
malgré la baisse de l’emploi industriel (- 80 000) et grâce en partie
au boom de la construction (+60 000). A la fin des années 90, notre
pays avait connu une nette baisse du chômage grâce à de nombreuses
créations d’emplois privés non aidés. Il est vrai qu’à l’époque, la
croissance se baladait autour de 4% quand elle peine à passer 2%
aujourd’hui. Le décrochage de la France avec ses voisins européens dans
le domaine de la croissance depuis 2005 se paye cher. Par exemple,
l’Allemagne prévoit une augmentation de 0,5% de l’emploi industriel en 2007. La montée en puissance des emplois aidés permet à la France de plus progresser que ses voisins sur un an.
Villepin
avait fait de la baisse de l’emploi sa priorité absolue. Les faits
semblent lui donner raison. Il est piquant de constater que cette
réussite est due à un traitement social que son prédécesseur à Matignon
avait cru pouvoir délaisser. Les cinq ans de cette deuxième présidence
Chirac n’auront pas vu un décollage de l’emploi privé
non aidé, celui-ci n’ayant progressé que de 1% entre juin 2002 et
septembre 2006, soit moins que la population.. Ce ne sera pas le
moindre de ses échecs.
1 : La période sur laquelle est calculée ce taux faisant 50 ans (de 15 à 64 ans), on peut calculer une durée moyenne théorique d’activité (celle qu’aurait chacun si le taux d’activité était stable sur longue période et si tout le monde était dans la même situation. On trouve environ 31,5 ans en France et 38 ans en Suède.
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