Au-delà des questions de dette et de remboursement, la situation de la Grèce depuis dix ans devrait interroger les dirigeants du pays mais aussi ceux d’autres membres de la zone euro, à commencer par la France, qui ne semblent pas avoir tirer toutes les conséquences des règles de Maastricht et de l’impossibilité de dévaluer.
J’ai retrouvé par hasard un article écrit en octobre 2011 et intitulé « restructuration de la dette grecque ». J’y expliquais que « Quand le solde primaire sera devenu positif, le gouvernement grec sera en bien meilleure position pour imposer une restructuration : s’il n’a plus besoin d’emprunter en permanence pour couvrir le déficit primaire, il peut si nécessaire cesser de payer ses créanciers. »
J’analysais aussi un graphique tiré d’un article du LCL datant de 2010, que j’avais inséré dans l’article, une fois n’est pas coutume. Je l’ai repris ci-dessous parce que même déjà ancien, il est plein d’enseignement.
Sans reprendre toute l’analyse que j’avais faite à l’époque on remarquera simplement qu’entre 1994 et 2000, la Grèce s’est imposé l’excédent primaire que ses créanciers européens veulent lui imposer aujourd’hui, et que les charges d’intérêt représentaient plus de 10 % du PIB au milieu des années 90 (13 % en 1994), pour descendre en dessous de 5% à partir de 2002 et suite à la mise en place de l’euro.
Je notais aussi dans l’article que la Grèce avait dévalué deux fois dans les années 90, dont la deuxième de 13.8% en mars 1998
Ce que je voudrais retenir aujourd’hui est un autre chiffre que je donnais dans mon article : la Grèce a fabriqué sa croissance forte des années 2000 à crédit, et en particulier a laissé filer son inflation comme le notait Claire Gatinois dans le Monde : « Ainsi, de 1999 à 2009, selon Natixis, le coût salarial unitaire à Athènes a bondi de plus de 50 % quand celui de l'Allemagne progressait péniblement de 10 %. »
A la fin des années 90, l’effort des grecs pour redresser ses comptes, avec un fort excédent primaire, a été facilité par la forte croissance du continent pendant cette période (les années Jospin). A contrario les mesures prises depuis 2010 se sont produites dans un contexte économique européen très défavorable.
Mais le problème numéro 1 était celui du niveau des prix et des salaires, suite aux augmentations précédentes. Dans un article récent, je notais avec Agnès Bénassy-Quéré que Les prix baissent depuis deux ans, mais, depuis 2009, ils ont quand même augmenté de plus de 6 % quand les salaires nominaux reculaient de 15 % !
J’imagine que les entreprises, étouffées par les augmentations précédentes, avaient besoin de reconstituer leurs marges. Mais il y a manifestement un problème structurel, ou plus exactement deux :
Comme la France jusqu’au milieu des années 80, la Grèce est habituée à ce que les salaires et prix nominaux augmentent régulièrement, et à dévaluer tout aussi régulièrement. Le problème est que cette solution n’est plus disponible avec l’euro. La compétition entre européens favorise ceux qui ont la plus faible inflation (ce que J C Trichet appelait la désinflation compétitive), ce que les Allemand semblent avoir mieux compris que beaucoup d’autres.
Comme le note le même Jean Claude Trichet dans le Monde de dimanche, « le problème majeur est celui des réformes de structure pour élever le potentiel de croissance du pays, qui est beaucoup trop faible. Les rentes sont généralisées et tous les marchés fonctionnent mal. »
La Grèce avait jusqu’à présent des augmentations permanentes des salaires et des prix. Elle doit y renoncer et chercher plus de concurrence et une augmentation rapide de la productivité. Rude programme, mais indispensable. Quel que soit le résultat du référendum et des négociations avec ses créanciers.
Les commentaires récents