Alexis Tsipras, l’actuel premier ministre grec, avait promis avec son parti Syriza d’augmenter le salaire minimum grec, l’équivalent de notre SMIC, au niveau de 751 € par mois, le niveau qu’il avait atteint en 2008, contre 580 euros aujourd’hui. La campagne médiatique sur le sujet bat son plein, le gouvernement préférant se situer sur le plan politique qu’économique.
Eurostat a publié ces jours ci des statistiques qui montrent que la Grèce est le seul pays qui a vu son salaire minimum baisser depuis 2008 (de 14%, ce qui n’est pas rien) alors que tous les autres pays de l’UE (du moins ceux qui en ont un) ont vu le leur augmenter en valeur faciale (c’est-à-dire en euros courants) de 14% dans le cas de la France.
Le gouvernement grec a fait des promesses à l’UE qui induisent qu’il renonce (pour l’instant du moins) à sa promesse électorale sur le salaire minimal), mais le sujet reste manifestement à l’ordre du jour, tant il s’agit d’une promesse électorale forte.
Dans le débat, certains ministres des finances européens, qui n’ont pas envie de financer indéfiniment les déficits grecs, reprochent à la Grèce d'avoir un salaire minimal plus élevé que celui de pays n'étant pas sous perfusion financière. C’est habile en terme de communication, mais du point de vue économique, c’est un mauvais argument : la différence de niveau des salaires minimum au sein de l’UE, s’explique d’abord par des niveaux très différents de productivité (et accessoirement par des coûts de la vie également assez différents). Dans ce domaine, le niveau du salaire minimum en Grèce en 2008, qui le plaçait en 8ème position sur 21 pays de l’UE ayant un salaire minimum, devant l’Espagne par exemple, ne correspondait pas à la réelle efficacité du pays. Depuis, la Grèce est passée sur ce critère derrière l’Espagne, la Slovénie et Malte.
Mais il n’y a pas que le salaire minimum qui a baissé depuis 5 ans en Grèce : le salaire moyen a connu une baisse encore plus forte, de 20% environ, pour ses situer à 817 euros net. L’article du Huffington Post qui donne cette information ne précise pas combien cela fait en brut ni si cette moyenne est en temps plein (apparemment, il s’agit plutôt du salaire réel, avec une proportion importante de temps partiels). Une comparaison de cette valeur de 817 avec celle du salaire minimum à 580 est donc à proscrire. Apparemment, les 580 € du SMIC est un niveau net, le brut est à 683.76 €
Le niveau du salaire minimum illustre le problème de la Grèce en 2008. Ce pays a en effet connu depuis la création de l’euro une inflation plus importante que le reste de la zone. L’écart avec la France a ainsi été de 2.3% en 2000, de 1.7% en 2001, de 1.1% en 2002, de 0.9% en 2003, de 1% en 2004, de 2.1% en 2005, de 1.4% en 2006, de 1.3% en 2007, de 0.9% en 2008, de 1.7 % en 2009, de 3.4% en 2010, mais nul en 2011. Depuis, c’est l’inverse, avec un recul des prix en Grèce et un écart d’inflation en faveur de ce pays de 0.5 % en 2012, de 2.4% en 2013 et de 2.7% en 2014.
Qu’un pays moins développé que la moyenne ait une plus forte inflation n’est pas en soi aberrant si cela correspond à une évolution plus rapide de la productivité (permise par l’effet rattrapage) que la moyenne.
Le salaire minimum était passé de 522 € brut en janvier 1999 à 862,82 € en janvier 2009, soit une croissance de 65%. Dans la même période, le SMIC mensuel est passé en France de 1035.97€ à 1321.02€ soit une hausse de 27%. Il n’y a pas besoin d’être économiste pour comprendre que dans une zone monétaire commune il y a un problème !
Un tel écart dans les évolutions du salaire minimum aurait dû attirer l’attention des responsables, aussi bien grec qu’européen. Il aurait été à la rigueur possible si le niveau du salaire minimum avait été particulièrement bas par rapport aux salaires réels pratiqués, comme c’était par exemple le cas en France en 1967. Le fait que le salaire minimum grec soit plus élevé que celui de l’Espagne en 1999 ne plaide pas en ce sens, le niveau actuel du salaire moyen non plus. L’Espagne est réputée depuis longtemps pour avoir une part importante de travail au noir. On peut imaginer que c’est aussi le cas en Grèce, d’autant plus avec la dérive du salaire minimum.
Une telle augmentation des salaires n’a pu qu’affecter la compétitivité extérieure des entreprises. Dans un tel cas, avant l’union monétaire, la Grèce n’aurait eu d’autre solution que de dévaluer, d’un montant élevé. Dans le cadre de la zone euro, à défaut de décider d’en sortir, il fallait baisser les salaires nominaux (ce qui donne le même effet qu’une dévaluation, mais se voit plus pour les salariés concernés !). Avec une baisse de 14% du salaire minimum grec et une augmentation équivalente du SMIC français, les choses ont été rectifiées.
Les efforts considérables faits par la population grecque ont permis de rétablir les comptes extérieurs et intérieurs. Il est difficile de savoir s’il fallait faire plus ou moins.
Au regard du salaire moyen à 817 euros net (même s’(il comprend du temps partiel), il est évident que passer le salaire minimum à 751 € net, c’est relancer l’inflation des salaires. A long terme, c’est l’emploi des moins qualifiés qui va en pâtir, comme en France… A moyen terme, c’est re dégrader une compétitivité durement acquise, aux dépens de ceux à qui la mesure est apparemment favorable.
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